Le moins que l’on puisse dire, c’est
que la programmation de cette année enflamme les passions !
Si le but de la direction du
festival était de nous faire entrer en résistance, de nous mobiliser, de nous
sortir de notre léthargie, on peut dire qu’il est atteint. Rarement au FIFF, et
je le fréquente depuis 18 ans, je n’aurai assisté à autant de débats à l’issue
des projections. Toutes et tous nous défendons corps et âme le cinéma que nous
aimons. Nos idées. Nos valeurs. Quelques fois avec un enthousiasme débordant et
d’autres avec un sentiment de colère et de révolte à peine contenues. Oui, la
programmation ne fait pas l’unanimité. Et heureusement !
Fish and Cat |
La confiance que témoigne la
direction artistique du FIFF à son public est palpable. Elle n’hésite pas à
proposer, dans la compétition internationale des longs métrages par exemple, la
plus suivie, des films pointus, comme Constructors ou Fish and Cat, ou des documentaires-fleuve, comme `Til Madness do us part,
qui dure 4 heures. Alors oui, le cinéphile du dimanche est un peu malmené, mais
cela ne le décourage pas de revenir. J’en veux pour preuve ce nouveau public,
très jeune, drainé par les séances de minuit des années précédentes, qui fréquente
aujourd’hui les autres sections. Il découvre un cinéma qu’il ne connaissait
pas. Et entendre les débats s’embraser au sortir des projections, avec toute la
fougue qui caractérise la jeunesse, c’est rafraîchissant. Même si l’on sent qu’il
n’est pas toujours très à l’aise, ce nouveau public est curieux. Il est interpelé
et pose des questions. J’aime ça. Même si je pense qu’il mange toujours trop de
popcorn durant les séances…
'Til Madness do us part |
Plus sérieusement, je suis la
première à être malmenée, bien que je sois une habituée des festivals. Cet
après-midi, lors de la projection de `Til Madness do us part
de Wang Bing, lauréat du Regard d’Or l’an passé avec Three Sisters, j’ai
quitté la séance après une heure. En temps normal, fraîche et reposée, je
serais très certainement restée. Mais au 5ème jour du festival, après
avoir vu plus de 25 films, éprouvé tout autant d’émotions, se retrouver
enfermée dans un asile psychiatrique chinois, c’en était trop. Je regrette de
ne l’avoir pas mis plus tôt dans mon programme. Mais voilà, c’est fait.
Je me suis donc retrouvée avec un
trou de 3 heures à combler. C’est tout naturellement vers une friandise cinéphile
que je me suis retournée : Easy Rider ! Voir ce film culte de la
fin des années 60 sur grand écran, c’est quand même autre chose que de le
visionner en DVD dans son salon ! Born to be wild ! J’étais
requinquée. Mais pas pour longtemps…
Easy Rider |
Le gros coup de gueule de la journée,
et certainement le seul de tout ce festival, c’est Constructors d’Adilkhan
Yerzhanov. Le jeune réalisateur kazakh, à peine 20 ans, possède un sens
indiscutable de l’image. Les plans sont magnifiques, les cadrages sublimes, bien
que des éléments figurent toujours au premier plan - des baskets, des sacs
plastique, des bouteilles en PET - et cassent, selon moi, l’intensité voulue.
Mais, et cela n’engage encore une fois que moi, il n’est pas réalisateur. Il
est photographe ! Bien que le sujet soit louable – combat incessant de
tout un chacun pour remplir toutes les conditions requises par une administration
toujours plus pointilleuse – il se perd dans une abstraction trop artificielle
à mon goût. Je n’ai pas eu le sentiment de voir un film, mais d’assister à un
diaporama. Et je n’étais pas là pour ça.
Constructors |
Mais ce qui m’a le plus énervée, c’est
qu’à aucun moment je n’ai senti que le cinéaste kazakh nous invitait, nous spectateurs,
à le suivre. Ce terrible sentiment qu’il se regarde filmer. J’ai aussi eu l’impression
qu’il était un peu emprunté avec le sujet – bien qu’il ait écrit le scénario –
et qu’il manquait d’arguments. Donc, pour palier à ce manque, il a tout misé
sur l’image. C’est dommage, tant le sujet est universel. Au-delà des
complications administratives, c’est aussi le portrait d’une fratrie brisée.
Dont les liens se sont distendus et dont on imagine mal comment ils vont
pouvoir être tissés à nouveau. Le dernier plan, que je ne dévoilerai pas, m’a
particulièrement agacée et démontre, selon moi, qu’ Adilkhan Yerzhanov, aussi
talentueux metteur en image qu’il soit, manque encore un peu de maturité. Je
regrette que le cinéaste, annoncé comme présent, n’ait finalement pas pu faire
le voyage vers Fribourg. Nul doute que je l’aurais longuement questionné sur ses
intentions et peut-être que j’aurais eu un regard plus indulgent sur son film.
Une fois de plus, et ma chronique
en témoigne, le cinéma déchaîne les passions. Ne jamais sous-estimer la force
du cinéma. Jamais.
ST/ 2 avril 2014
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire