jeudi 3 avril 2014

FIFF 2014: Passions et diaporama kazakh...


Le moins que l’on puisse dire, c’est que la programmation de cette année enflamme les passions !

Si le but de la direction du festival était de nous faire entrer en résistance, de nous mobiliser, de nous sortir de notre léthargie, on peut dire qu’il est atteint. Rarement au FIFF, et je le fréquente depuis 18 ans, je n’aurai assisté à autant de débats à l’issue des projections. Toutes et tous nous défendons corps et âme le cinéma que nous aimons. Nos idées. Nos valeurs. Quelques fois avec un enthousiasme débordant et d’autres avec un sentiment de colère et de révolte à peine contenues. Oui, la programmation ne fait pas l’unanimité. Et heureusement !
Fish and Cat
 
La confiance que témoigne la direction artistique du FIFF à son public est palpable. Elle n’hésite pas à proposer, dans la compétition internationale des longs métrages par exemple, la plus suivie, des films pointus, comme Constructors ou Fish and Cat, ou des documentaires-fleuve, comme `Til Madness do us part, qui dure 4 heures. Alors oui, le cinéphile du dimanche est un peu malmené, mais cela ne le décourage pas de revenir. J’en veux pour preuve ce nouveau public, très jeune, drainé par les séances de minuit des années précédentes, qui fréquente aujourd’hui les autres sections. Il découvre un cinéma qu’il ne connaissait pas. Et entendre les débats s’embraser au sortir des projections, avec toute la fougue qui caractérise la jeunesse, c’est rafraîchissant. Même si l’on sent qu’il n’est pas toujours très à l’aise, ce nouveau public est curieux. Il est interpelé et pose des questions. J’aime ça. Même si je pense qu’il mange toujours trop de popcorn durant les séances…
'Til Madness do us part
 
Plus sérieusement, je suis la première à être malmenée, bien que je sois une habituée des festivals. Cet après-midi, lors de la projection de `Til Madness do us part de Wang Bing, lauréat du Regard d’Or l’an passé avec Three Sisters, j’ai quitté la séance après une heure. En temps normal, fraîche et reposée, je serais très certainement restée. Mais au 5ème jour du festival, après avoir vu plus de 25 films, éprouvé tout autant d’émotions, se retrouver enfermée dans un asile psychiatrique chinois, c’en était trop. Je regrette de ne l’avoir pas mis plus tôt dans mon programme. Mais voilà, c’est fait.
Je me suis donc retrouvée avec un trou de 3 heures à combler. C’est tout naturellement vers une friandise cinéphile que je me suis retournée : Easy Rider ! Voir ce film culte de la fin des années 60 sur grand écran, c’est quand même autre chose que de le visionner en DVD dans son salon ! Born to be wild ! J’étais requinquée. Mais pas pour longtemps…
Easy Rider
 
 
Le gros coup de gueule de la journée, et certainement le seul de tout ce festival, c’est Constructors d’Adilkhan Yerzhanov. Le jeune réalisateur kazakh, à peine 20 ans, possède un sens indiscutable de l’image. Les plans sont magnifiques, les cadrages sublimes, bien que des éléments figurent toujours au premier plan - des baskets, des sacs plastique, des bouteilles en PET - et cassent, selon moi, l’intensité voulue. Mais, et cela n’engage encore une fois que moi, il n’est pas réalisateur. Il est photographe ! Bien que le sujet soit louable – combat incessant de tout un chacun pour remplir toutes les conditions requises par une administration toujours plus pointilleuse – il se perd dans une abstraction trop artificielle à mon goût. Je n’ai pas eu le sentiment de voir un film, mais d’assister à un diaporama. Et je n’étais pas là pour ça.

Constructors


Mais ce qui m’a le plus énervée, c’est qu’à aucun moment je n’ai senti que le cinéaste kazakh nous invitait, nous spectateurs, à le suivre. Ce terrible sentiment qu’il se regarde filmer. J’ai aussi eu l’impression qu’il était un peu emprunté avec le sujet – bien qu’il ait écrit le scénario – et qu’il manquait d’arguments. Donc, pour palier à ce manque, il a tout misé sur l’image. C’est dommage, tant le sujet est universel. Au-delà des complications administratives, c’est aussi le portrait d’une fratrie brisée. Dont les liens se sont distendus et dont on imagine mal comment ils vont pouvoir être tissés à nouveau. Le dernier plan, que je ne dévoilerai pas, m’a particulièrement agacée et démontre, selon moi, qu’ Adilkhan Yerzhanov, aussi talentueux metteur en image qu’il soit, manque encore un peu de maturité. Je regrette que le cinéaste, annoncé comme présent, n’ait finalement pas pu faire le voyage vers Fribourg. Nul doute que je l’aurais longuement questionné sur ses intentions et peut-être que j’aurais eu un regard plus indulgent sur son film.

Une fois de plus, et ma chronique en témoigne, le cinéma déchaîne les passions. Ne jamais sous-estimer la force du cinéma. Jamais.

 

ST/ 2 avril 2014

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