dimanche 30 décembre 2012

BEASTS OF THE SOUTHERN WILD - Benh Zeitlin -2012

Ce film, profondément bouleversant, va m'obliger à vous faire découvrir un côté de ma personnalité que je n'aime pas trop mettre en avant, tant il est inscrit dans mon quotidien... mais soit, quand il le faut, il le faut. Je suis d'une génération, les 30-45 ans on va dire, qui est née et qui a grandi avec la découverte du trou dans la couche d'ozone. Dès l'enfance, on nous a inculqué plusieurs principes: faire attention au dégagement de CFC (bannir les bombes aérosols), privilégier les transports en commun, manger selon les saisons et des produits locaux, à trier méticuleusement nos déchets. Bref, une génération qui a grandi en pensant à la Nature et ce qu'elle sera susceptible de laisser à ses enfants. J'ai grandi en campagne et le village de mon enfance, aujourd'hui, est méconnaissable. On compte sur les doigts d'une main les agriculteurs qui ont survécu et on peut "admirer" des locatifs sur des espaces qui, lorsque j'étais enfant, étaient des champs, nos terrains de jeux favoris. J'étais tellement fière de ramener des bouquets de fleurs des champs à ma maman en rentrant de l'école. Ce temps est révolu. Une grande zone industrielle a vu le jour et n'arrête pas de s'étendre... Vous pensez la digression mal à propos? Que nenni!

L'industrialisation galopante, qui par la construction d'un barrage met en danger toute une communauté qui jusque là vivait, certes très modestement, mais heureuse, est un des leitmotive du film de Benh Zeitlin. Cette communauté, c'est celle de Hushpuppy, une gamine de 6 ans qui vit dans le Bashtub, un des bayous du sud de la Louisiane. Orpheline de mère, la petite vit avec son père et passe le plus clair de son temps à écouter le coeur des animaux qui l'entourent et à tenter de décrypter ce qu'ils peuvent bien lui délivrer comme messages. Elle répète : " Lorsque je ferme les yeux, je vois tout ce qui m'a fait voler autour de moi, en toutes petites pièces. Je me rends compte que je ne suis qu'une toute petite part de ce très grand Univers".

Son père est brutal, ses excès d'alcool en sont la cause, mais il est néanmoins plein de tendresse. Une tendresse qu'il exprime bien maladroitement mais que l'on découvre peu à peu durant le film.



La petite communauté va être mise à rude épreuve avec le passage d'une tempête. Les autorités souhaitent évacuer le bayou, mais les membres de cette famille particulière refusent. Le bayou est frappé de plein fouet. Une embarcation de fortune les maintient au-dessus de l'eau.

Hushpuppy va se distinguer par son courage et sa détermination. Elle va grandir trop vite, parce que les circonstances l'exigent. Une petite fille qui ne va pas considérer les embûches comme des obstacles, mais comme un postulat de départ qui va la forcer à vivre, quoiqu'il arrive.

Un film hautement métaphorique, utilisant des passages oniriques comme passerelles vers la réalité, mais aussi comme aide à la décision et à l'affirmation de soi.



Zeitlin, ne boude pas son plaisir et nous fait (re)découvrir les mystères des bayous, des rites vaudous (je pense au médicament fabriqué par la maîtresse d'école pour le père d'Hushpuppy), mais également ses fortes personnalités: des gens fougueux, courageux et généreux.

Et de fougue, le premier long métrage de Benh Zeitlin n'en manque pas. Il est partout, au plus près des gens, des animaux, des choses. Il nous montre sans ménagements les dégâts que l'industrialisation à outrance provoque sur la Nature, mais également les forces et les fragilités de l'humain lorsqu'il a conscience de la place qu'il occupe. Il est un animal comme un autre qui doit se nourrir: le père d'Hushpuppy pêche à la main, lui explique comment broyer les crabes pour les manger et tue les volailles qui courent autour de sa maison.  Alors oui, le film est cruel, violent. Mais il nous montre aussi, au travers de la détermination de la petite que l'on a le choix:  on participe en tant qu'entité constituant l'Univers, en le respectant, ou on finit sur le grand buffet de l'Univers, comme petit déjeuner. Et c'est là le message écolo. L'homme, dans sa folie,  n'a pas ménagé la Nature. La banquise et les glaciers fondent, les tempêtes et les ouragans se multiplient, les écosystèmes sont chamboulés. L'homme, cet "animal comme les autres" a déréglé la machine... et reçoit la facture, plutôt salée.




Bien sûr, en se mettant si proche de cette communauté de défavorisés, Zeitlin, qui a utilisé des débris laissés par l'ouragan Katrina pour construire ses décors, ne manque pas de dénoncer aussi un gouvernement qui a, n'ayons pas peur des mots, merdé! Combien de personnes sont décédées lors du passage de l'ouragan Katrina par manque de coordination? Zeitlin dit qu'il ne souhaitait pas accabler les politiques ni même éveiller les consciences, il souhaitait que les gens répondent à cette question: "Comment trouvez-vous la force de regarder mourir ce lieu qui vous a rendu unique, sans perdre l'espoir, la joie et cet esprit de fête incroyable qui le caractérisent?". Il a trouvé des réponses auprès des habitants de la région. Et c'est comme ça qu'est née Hushpuppy, cette fillette de 6 ans qui doit "...trouver à l'intérieur d'elle-même toute la puissance du sud de la Louisiane" selon Benh Zeitlin.

Bref, "Beasts of the southern Wild" est un film fort. Pour ne rien vous cacher, j'ai été très émue. J'ai lâché le contrôle de mon cerveau "conscient" pour n'en laisser s'exprimer que la partie reptilienne dès les premières images. J'ai été happée par Hushpuppy qui m'a tenue la main pendant toute la durée du film. J'ai dû attendre le 28 décembre pour voir, probablement, le plus beau film de l'année.




Votre Cinécution




 

lundi 24 décembre 2012

L'INVITE : Carlo Chatrian

Le Festival del Film Locarno ou comme certains aiment à l’appeler : le plus petit des grands festival. Je vous ai déjà dit, dans un précédent papier, à quel point je suis attachée à ce festival. C’est un festival qui propose des films en avant-première, des films plus confidentiels, des documentaires, mais également des rétrospectives qui permettent aux cinéphiles comme moi, de voir ou revoir des chefs-d’œuvres de l’histoire du cinéma sur grand écran. C’est un festival qui permet à tout le monde, et aisément (même s’il faut quelques fois se battre pour avoir une place dans les salles, tant il est fréquenté), d’entrer en contact avec cet univers fascinant. La Piazza Grande est un endroit de rencontres et de rêves. Des cinéastes, des acteurs et actrices de renom y défilent tous les soirs. C’est un peu la cerise sur le sundae, à côté de toutes les belles découvertes que propose ce festival.
Aujourd’hui, en guise de cadeau de Noël, j’ai le très grand plaisir, et l’honneur, de vous proposer un entretien avec Carlo Chatrian, directeur artistique du Festival del Film Locarno. Dans un agenda surchargé, le nouveau directeur artistique du Pardo m’a accordé du temps pour parler de cinéma. C’est une bien belle personnalité : un homme enthousiaste, sensible, profondément amoureux du cinéma et possédant une envie presque irrépressible de transmettre cet amour et de provoquer, au travers de sa programmation, des émotions. Rendez-vous sur la Piazza Grande, et dans toutes les autres salles qui font le Festival del Film Locarno, du 7 au 17 août 2013 pour découvrir la vision du cinéma de Carlo Chatrian. Réjouissez-vous !
 
Carlo Chatrian, de quand date votre passion pour le cinéma ?
Elle me vient de l’enfance, comme pour beaucoup de personnes passionnées par le cinéma.

Je suis né en 1971, donc, en quelques sortes, je suis né avec la télévision. La télévision faisait partie du mobilier de la maison (rires)… Le samedi, à 14 heures, il y avait une émission qui diffusait des film muets américains, je la regardais. Ainsi j'ai vu des Laurel et Hardy ou des Charlot. Mais c’est vraiment par la télévision que j’ai vu mes premiers films.
Je fais une différence entre film et cinéma. Il y a plein de propositions cinématographiques qui entrent dans les maisons via la télévision et maintenant l'ordinateur. Mais le cinéma, c’est une autre approche : déjà, c’est l’idée de sortir de chez soi, accompagné dans un premier temps par les parents ou les grands-parents, de choisir un programme, d’acheter un billet, d’ être dans une salle avec plein d’inconnus et de partager des émotions avec ces inconnus.
Sur grand écran, les premiers films qui ont touché mon imaginaire étaient surtout des films mainstream américains, comme « Les Aventuriers de l’Arche perdue »  de Steven Spielberg par exemple (rires)
 
 
Ce n’est qu’en arrivant au lycée que ma vision du cinéma s’est élargie. Je faisais partie du ciné-club. Tout d’abord c’était le cinéma italien, évidemment, Marco Bellocchio, Bernardo Bertolucci… Vers 14-15 ans, je suis sorti du cinéma italien et j’ai découvert le cinéma hongrois, français. Le ciné-club, c’était 1-2 fois par semaine, mais lorsque j’étudiais à l’université, là j’ai commencé à fréquenter les festivals. Mon premier festival était le Festival du Film de Turin, alors que j’étudiais dans cette ville. Mais pour vraiment être en immersion totale, il faut quitter la ville où on vit et fréquenter des festivals ailleurs. C’est en 1992-93 que je suis allé, grâce à l’université, à Pesaro. Et là, ce fut l’immersion totale ! (rires)… J’ai eu accès à un cinéma que je connaissais moins, le cinéma de documentaire. Et surtout, j’ai commencé à rencontrer des cinéastes. Locarno, j’y suis allé pour la première fois en 1994. De 1994 à 2002, j’y étais comme critique et j’ai toujours trouvé la programmation de Locarno variée et enrichissante.
 
J’ai participé de l’intérieur au Festival del Film Locarno depuis 2002. Je suivais tout d’abord des conférences de presse, animais des débats, puis j’ai commencé à faire un travail de sélection puis je suis devenu curateur de plusieurs rétrospectives : Nanni Moretti, Manga Impact, Ernst Lubitsch, Vincente Minnelli et Otto Preminger.
 
J’ai aussi créé un festival : le festival du film d’Alba et collaboré à plusieurs autres.
 
 
 
Qu’est-ce que l’on ressent lorsque l’on est nommé à la direction artistique d’un festival comme celui de Locarno ?
Tout d’abord, lorsque j’ai reçu la proposition, ce fut un très grand honneur. Je me suis senti flatté et surtout, cela m’a fait un énorme plaisir. Puis, vient le côté « opérationnel » : ce que je dois faire, mais apprendre aussi. J’envisage les actions que je dois entreprendre et le travail que cela représente. Il y a une équipe qui fonctionne très bien et sur laquelle je peux compter. Il y a aussi de nouvelles personnes très compétentes qui sont arrivées avec moi, sur lesquelles je peux aussi compter.
Je crois que j’ai un parcours qui ne me fait pas craindre une telle tâche, d’autant que je crois vraiment bien connaître ce milieu. Mais c’est une grande responsabilité. La programmation doit être à la hauteur de ce festival, spécialement celle de la Piazza Grande: elle doit être pointue mais également parler à un plus large public.
 
La Piazza Grande, Locarno
 
Votre rôle en tant que directeur artistique, est-il celui d’un « passeur » ?

Bien sûr, il y a cette idée de la transmission. Il faut visionner beaucoup de films et être capable de repérer les bons films, de trouver des choses précieuses qui parlent à la communauté à laquelle j’appartiens. Trouver quels sont les attraits de certains films et lesquels sont susceptibles de provoquer des émotions pour le public, mais aussi pour moi.
 
Je me sens aussi quelques fois comme un colporteur (rires)… un marchand ambulant qui quelques fois fait les choses de manière clandestine et qui conserve beaucoup de secrets (rires)… Les colporteurs à une époque servaient d’aide au passage de montagne, de lac…  chaque film est une invitation au voyage.
 
Donc oui, je suis un passeur, mais également un colporteur ! (rires)
 
Qu’est-ce qui va vous démarquer des précédentes directions ?
Ce sera avant tout mes goûts personnels, ma personnalité, ma sensibilité. Ce sont des choses propres à chaque personne.
 
Au niveau structurel, il n’y aura pas énormément de changements. L’organisation actuelle fonctionne bien. Il y a beaucoup de diversité à l’intérieur de chaque section. Le cinéma d’avant-garde restera une priorité. Mais le dialogue entre les cinémas du passé, du présent et du futur, est une chose qui me tient à cœur. Comment un film de Georges Cukor par exemple peut avoir un écho dans un  film d’aujourd’hui malgré les différences (son, image) ? Il y aura toujours des éléments qui restent et qui créent des liens. J’ai envie de créer ce passage et de maintenir ce dialogue entre des films qui font l’histoire du cinéma et les films d’aujourd’hui.
 
Vous avez trois enfants, je crois. Quels sont les films qu’un papa comme vous montre à ses enfants ?
Oui, j’ai trois enfants. Ils ont 11, 9 et 6 ans. Lorsque mon premier était petit, il dormait peu et on regardait des films ensemble. Je leur montre des films d’animation de Miyazaki par exemple, mais aussi des films Pixar. Ils ont vu tous les Buster Keaton et la plupart des Charlie Chaplin, mais aussi des films de Lubitsch ou Minnelli.
 
 
Vous savez, je travaille quelques fois à la maison, et lorsqu’ils rentrent de l’école, ils viennent me voir et il arrive qu’ils restent à regarder un film avec moi, ou alors ils s’ennuient et ils partent (rires)
Lorsque je travaillais sur une rétrospective Peter Mettler pour le Festival du Film de Florence, la plus petite s’est assise, et a regardé presque en intégralité « Picture of Light », un film qui parle des aurores boréales. C’est ce qui est magique : les enfants, dans les premières années, alors qu’ils ne savent pas lire et ne comprennent pas tout, se laissent hypnotiser par des images. Lorsque les instruments cognitifs deviennent plus « conscients », on se laisse moins emporter. Le cinéma, c’est avant tout un spectacle hypnotique, il faut se laisser aller…
 
En ce moment, mes enfants et mon épouse regardent la Trilogie du « Seigneur des Anneaux » de Peter Jackson, parce que dimanche, on va voir « The Hobbit »… alors il faut se rafraîchir la mémoire (rires)
 
S’il devait y avoir un film, un seul, une référence, ce serait lequel ?
Ce serait un film composé de plusieurs images de différents films. Cette idée de proposer un seul titre irait à l’encontre de tout ce que je vous ai dit précédemment. Mais ce film serait composé en partie d’images de « Viaggio in Italia » de Roberto Rossellini, d’ « Hiroshima, mon amour » d’Alain Resnais ou encore des « Amants crucifiés » de Kenji Mizoguchi…et de bien d’autres !
 
Merci Carlo Chatrian !
Si vous avez envie d’avoir un contact ou de suivre le quotidien d’un directeur artistique d’un grand festival, Carlo Chatrian tient un blog. Il est important pour lui d’avoir un contact direct avec les spectateurs. C’est ici que ça se passe.
 
Propos recueillis par téléphone le 22 décembre 2012 / Cinécution

dimanche 23 décembre 2012

MES 20 INDISPENSABLES DE NOËL

Qui dit période de Noël dit vacances et un peu de temps libre. Chaque année, comme bon nombre de mes connaissances, je revisionne les films qui me tiennent à coeur. Des films dont je ne parle pas forcément tous les jours, tant certains sont franchement mauvais, mais ils font partie intégrante de moi, de mon enfance, de mon adolescence. Cela réconforte de les revoir, rappelle des souvenirs. Alors comme c'est une période de listes (chacun fait sa petite liste des événements de l'année, moi la première), je vous livre, ici, les 20 films que je vais revoir avec délectation durant ce congé de fin d'année... qu'importe qu'ils soient bons ou mauvais, ils ont une forte résonance, et c'est ce qui compte.
 
 

IL ETAIT UNE FOIS DANS L'OUEST de Sergio Leone (1968)

Bon, ce film, je l'ai vu à plusieurs reprises avec mon papa lorsque j'étais enfant. Je l'aime tout simplement. J'aime la musique d'Ennio Morricone. J'aime les gueules de Charles Bronson et d'Henry Fonda. Et je trouve Claudia Cardinale superbe. J'ai aussi pleuré en regardant ce film avec mon papa. Parce qu'il y a des scènes très touchantes. Bref, j'adore ce film.



AUTANT EN EMPORTE LE VENT de Victor Fleming (1939)

Un film que j'ai vu et revu, en long, en large et en travers. Ma petite soeur regardait toujours ce film avec moi. Nous connaissions toutes les répliques du film par coeur. Et Clark Gable est juste charmant. Oui, la première fois que j'ai vu "Autant en emporte le Vent", Clark Gable a emporté mon coeur... taratata!



QUAND HARRY RENCONTRE SALLY de Rob Reiner (1989)

Un film aussi vu et revu adolescente... je l'aime bien ce film. Je le trouve léger et sympathique. Et l'adolescente que j'étais, aimait bien ces mièvreries. Mais franchement, qui ne l'a pas vu et qui n'a pas ri aux éclats lors de la simulation d'orgasme dans le restaurant...



CASABLANCA de Michael Curtiz (1942)

Ce film, je l'ai découvert grâce à "Quand Harry rencontre Sally", eh oui! Vous vous souvenez de ce moment où ils sont au téléphone et regardent "Casablanca" simultanément? Et bien, c'est là que j'ai découvert "Casablanca" et que j'ai eu envie de le voir. J'en suis tombée amoureuse. Je le revisionne plusieurs fois par an et spécialement en période de fêtes. C'est aussi le film qui m'a donné envie de découvrir le cinéma américain des années 30, 40 et 50.

 
 
 

LA MELODIE DU BONHEUR de Robert Wise (1965)

Les aventures de la famille Von Trapp! Julie Andrews et Christopher Plummer (que je trouvais tellement beau). Enfant, je connaissais toutes les chansons par coeur... aujourd'hui encore!
 

 
 

MARY POPPINS de Robert Stevenson (1965)

Là aussi, je chantais tout le film lorsque j'étais enfant. J'étais fascinée par cette capacité qu'avait Mary Poppins d'entrer dans des tableaux...
 

 


LA FOLLE JOURNEE DE FERRIS BUELLER de John Hughes (1986)

Parce que l'on a toutes et tous rêvé d'être un jour Ferris Bueller et de faire l'école buissonnière comme lui...



CERTAINS L'AIMENT CHAUD de Billy Wilder (1959)

C'est avec ce film, que je suis tombée sous le charme de Marilyn. J'ai ensuite eu envie de voir tous ses films... et qui plus est, c'est une bien belle comédie et un moment de pur plaisir.


CITIZEN KANE d'Orson Welles (1941)

Dois-je vraiment encore dire pourquoi?



TO BE OR NOT TO BE d'Alan Johnson (1983)

Vu et revu avec mon papa. Tellement drôle. Il m'a fait découvrir l'original d'Ernst Lubitsch. Mais, étrangement, c'est toujours celui-ci qui me vient en premier lorsque quelqu'un évoque "To be or not to be?"...



CINEMA PARADISO de Giuseppe Tornatore (1989)

Simplement parce que je trouve ce film poétique et qu'il me touche au plus profond de moi. Peut-être un des films déclencheur de ma cinéphilie. Je me suis si souvent sentie comme Toto...


THE COURT JESTER de Melvin Frank (1956)

LE film de mon papa et moi. Cette année, il aura une résonance toute particulière: je n'ai plus mon fidèle acolyte pour répondre en choeur en dialogues du film... alors oui, cette année, il est obligatoire.


WEST SIDE STORY de Robert Wise (1961)

Pour la musique géniale de Leonard Bernstein...



DIRTY DANCING d'Emile Ardolino (1987)

Parce que ce film est culte et que je le regardais en cachette de mes parents qui le trouvaient trop érotique... Une autre époque...


 

DINNER FOR ONE de Lauri Wylie (1963)

Très peu connu des romands ce sketch est un pur bonheur! Chaque année, nous le regardions en famille le soir du 31 décembre... et cette année encore je le visionnerai...


GREMLINS de Joe Dante (1984)

Qui n'a pas rêvé d'avoir un Mogwaï, franchement?


 

LIMELIGHT de Charlie Chaplin (1952)

Enfant, j'étais fascinée par cette histoire d'amour impossible. Le personnage de Calvero est tellement touchant... un film qui a accompagné mon enfance.


¨

L'ARBRE DE NOËL de Terence Young (1969)

Un joli souvenir d'enfance... mais qu'est-ce que j'ai pleuré en voyant ce film... avec Bourvil et William Holden (trop trop séduisant, mais là, c'est l'adulte qui parle)...


 

DOCTEUR FOLAMOUR de Stanley Kubrick (1964)

Tellement drôle et tellement cynique. J'adore! Encore un film que je regardais avec mon papa et on riait comme des bossus...


 

STAR WARS , épisodes IV, V et VI (les meilleurs) de Georges Lucas (1977-1983)

Encore trois films qui ont marqué mon enfance et que je regarde une fois par année avec des yeux de gosse... "Au secours Obi Wan Kenobi, vous êtes mon seul espoir!"...



Voilà les 20 films que je visionne en général durant le congé des fêtes de fin d'année. Puissiez-vous être inspirés par l'un d'entre eux. Belles Fêtes à tous!

Votre Cinécution

dimanche 16 décembre 2012

AU-DELA DES COLLINES - Cristian Mungiu - 2012

 
 
Les personnes qui ont vu "4 mois, 3 semaines et 2 jours", Palme d'Or en 2007, ne l'auront pas oublié. Ce film se déroule dans les dernières années de la dictature de Ceausescu et parle d'une jeune étudiante qui cherche à se faire avorter. Un véritable pamphlet, un film brûlot! Il avait provoqué une vive indignation au Vatican, notamment à cause de la façon dont est traité le foetus. Bref, ce n'est pas avec "Au-delà des Collines" que Cristian Mungiu s'est assagi. Et c'est tant mieux!
 
Inspiré d'un fait divers qui a eu lieu en 2005 en Moldavie, le film parle d'un exorcisme qui a mal fini, provoquant la mort d'une jeune femme. Mais on est très très loin de "L’Exorciste" de William Friedkin! Ce n'est pas un film fantastique: c'est un film profondément ancré dans la réalité et c'est précisément ce qui glace le sang.
 
 
 
 
 
Alina et Voichita sont deux jeunes femmes qui ont grandi côte à côte dans un orphelinat roumain. Inséparables pendant toute cette période, c'est une amitié amoureuse qui les lie. Alina, devenue adulte quitte la Roumanie pour aller travailler en Allemagne. Voichita, elle, reste au pays.
Lorsqu'Alina revient en Roumanie et retrouve Voichita, les choses ont changé. Voichita a intégré un couvent, le Couvent des Collines, dirigé par un prêtre orthodoxe extrémiste qu'elle appelle "Papa". La vie au couvent est stricte et rythmée par les offices et les tâches ménagères. Le Père garde ses brebis en leur martelant perpétuellement que l'on n'est jamais seul si l'on aime Dieu, en prônant la confession (464 péchés "recensés" dans les livres de l'Église orthodoxe!) et en assénant des pénitences à longueur de journée. La notion de culpabilité est un leitmotiv.
 
 
 
 
Alina, profondément éprise de Voichita, ne supporte pas qu'elle ait embrassé à ce point la religion, elle viscéralement athée. Dieu a détourné son amour. La jeune femme commence dès lors à blasphémer et à injurier les membres de la petite communauté. Tout d'abord emmenée à l'hôpital, soupçonnée de crises d'hystérie, c'est un collège de médecins et d'infirmières incompétents qui la renvoie au couvent, avec une liste de médicaments à ingérer, mais également une recommandation: "Priez pour elle!". Et là, Cristian Mungiu est particulièrement irrévérencieux envers la religion. En effet, derrière le médecin trône un triptyque, à la façon des icônes orthodoxes, représentant, comme en suite logique, une madone, une femme nue devant un coucher de soleil et la Joconde! Sublime de cynisme!
 
 
 
Les crises d'Alina se poursuivent, mais elles ne sont que l'expression de son profond désespoir. Les membres de la communauté y voient la manifestation du malin. Et comme ils ne trouvent pas d'explication rationnelle (mais cherchent-ils vraiment?) s'engage alors un processus d'exorcisme qui va conduire Alina à la mort.
 
 
 
 
"La plupart des grandes erreurs du monde ont été commises au nom de la foi, avec l'absolue conviction que c'était pour une bonne cause", voilà ce que dit Mungiu dans ses notes d'intention. Certes la religion est omniprésente dans ce dernier opus du cinéaste roumain, mais en première ligne, c'est un film qui parle d'amour et de libre-arbitre. Un film qui parle d'un paradoxe vieux comme le monde: l'attention toute particulière qu'ont les bigots à respecter les rites de la chrétienté et la légèreté avec laquelle ils appliquent ses principes fondamentaux dans leur quotidien. Les lenteurs administratives, l'incompétence des fonctionnaires (cela englobe les médecins et infirmière des hôpitaux), autant de relents de l'ère Ceausescu dénoncés férocement par Mungiu.
 
"Au-delà des Collines" met aussi en avant les choix et les options qui s'offrent à nous et qui découlent du lieu de notre naissance, de notre environnement, de notre éducation ou de la communauté à laquelle nous appartenons. Des choix qui au final sont limités pour les deux jeunes femmes et qui sont plus l'expression d'un mécanisme de survie que de réels choix personnels.
 
Double prix d'interprétation féminine pour Cristina Flutur et Cosmina Stratan, ainsi que le prix du meilleur scénario au dernier Festival de Cannes, "Au-delà des Collines" est un film éprouvant mais sublime. A voir d'urgence!
 
 
 
 
Votre Cinécution
 

dimanche 25 novembre 2012

L'INVITEE : Caroline Vié


Un petit bout de femme monté sur ressorts, doté d'une énergie qui ferait pâlir de jalousie un lapin Duracell, c'est un peu Caroline Vié: journaliste de cinéma reconnue, qui a longtemps participé à l'émission "Le Cercle" sur Canal +, membre de la commission de classification du CNC, auteure d'un premier roman et maman qui court les séances de parents d'élèves. Une femme rock'n'roll qui n'a pas la langue dans sa poche, qui bénéficie d'un humour ravageur et qui est bardée de tatouages : un totoro dessiné par Miyakazi, un gland dessiné par Peter de Seve, créateur de Scrat, et last but not least, un prochain double tatouage dessiné par Tim Burton himself... Cette originaire de Toulouse, qui a rejoint la Ville Lumière lorsqu'elle avait 4 ans, m'a accordé une heure. Une heure de bonheur, de rigolade, de discussion entre femmes aussi. Une "rencontre" qui m'a touchée, et qui au-delà de la passion commune du cinéma, m'a permis de découvrir que je partageais un autre point commun avec cette femme : le goût pour les "brioches"... En surveillant d'un oeil sa fille qui décorait "façon cascadeuse" le sapin de Noël, Caroline Vié a eu la gentillesse de répondre à mes questions.
 
 
 
 
Caroline, quel a été votre premier contact avec le cinéma?
 
 J'étais très jeune. Je devais avoir 5-6 ans lorsque j'ai vu "Astérix et Cléopâtre" au cinéma avec ma maman. Mais c'est "L’Inconnu du Nord-Express" qui a vraiment été le déclencheur de ma cinéphilie. J'ai tout de suite été fascinée par Hitchcock. Lorsque j'étais en 6ème, j'ai fait un exposé sur Alfred Hitchcock. Ma maman m'a laissée regarder le Ciné-Club qui passait en fin de soirée, m'a emmenée à la bibliothèque pour trouver le livre que Truffaut avait écrit sur Hitchcock.
J'ai dû voir "Psychose" à 10 ans... ça m'a terrorisée! Surtout la scène de la douche. Mais j'ai adoré. Je n'ai pas été traumatisée. Je ne pense pas que l'image soit dangereuse. Hitchcock a un sens du suspens extraordinaire et ses films possèdent plusieurs degrés de lecture. Gamin, on est fasciné par l'histoire et en grandissant on y ajoute un degré de lecture supplémentaire. Enfant, les films d'Hitchcock agissent un peu comme des contes. La mort d'Hitchcock  m'a attristée, j'aurais aimé le rencontrer.
 
 
 
 
 
"Vertigo" qui a ravi la place de "meilleur film du monde" à "Citizen Kane", vous en pensez quoi?
 
Je m'en fous! (rires) Ces classements ne veulent rien dire! C'est un débat de cinéphiles poussiéreux. J'aime autant "Vertigo" que "Citizen Kane", tous les deux ont leurs forces et leurs faiblesses. Et puis on peut aimer les pommes et les poires (rires), les pommes ne sont pas meilleures que les poires.
 
 
Vous avez été sollicitée pour voter pour l'élaboration de ce classement?
 
Je ne crois pas. Ou alors si je l'ai été, j'ai oublié. Ou alors j'ai supprimé le mail... (rires)
Je suis tellement souvent sollicitée pour plein de votes vous savez...
 
 
Vous avez commencé par écrire dans des fanzines. Quelle était votre motivation? Vous vouliez déjà faire du journalisme?
 
Oui! J'avais surtout envie de faire des rencontres plus que des analyses de films. J'avais 17 ans, je parlais anglais et j'ai donc pu écrire pour Ciné-Zine Zone parce qu'ils cherchaient des gens qui parlaient anglais. C'est une histoire de rencontres. Cependant, je pense que ce que j'écrivais à l'époque ne devait pas être très passionnant (rires) C'est un homme, Pierre Charles, qui m'a mis le pied à l'étrier.
Vers 1984, j'ai ensuite écrit pour "L’Ecran Fantastique". Et je me souviens avoir pu voir Richard Burton avant qu'il ne meurt. C'était pour le film "1984".  Actuellement, j'écris majoritairement pour le quotidien "20 Minutes".

 
Qu'est-ce qui vous a donné l'envie d'écrire un roman?
 
J'avais envie de savoir si j'étais capable de sortir du carcan journalistique. Une envie de plus de liberté. Cela a pris du temps. Du moment où j'ai rencontré "Brioche" à sa publication, cela a pris une petite dizaine d'années. "Brioche" existe vraiment.
 
 
Mais rassurez-moi, vous ne l'avez jamais séquestré?
 
Justement, il est dans ma cave et c'est bientôt l'heure du repas (rires)...
 
 
Votre livre engendre beaucoup d'images dans l'imaginaire du lecteur. Vous avez pensé à la possibilité de le porter à l'écran?
 
Pas du tout! Je n'y ai même pas pensé en l'écrivant. D'ailleurs, je ne suis pas certaine que ce soit une histoire faite pour. J'avais envie de montrer que la beauté et le bonheur n'ont pas les mêmes caractéristiques pour tout le monde. C'est une passion impossible, ce n'est pas "Misery"!
L'héroïne aime vraiment "Brioche" et elle essaie de le convaincre, à sa manière certes, de l'aimer. Elle souffre terriblement, beaucoup plus que lui. Elle fout sa vie en l'air par amour pour lui. Écrire un scénario? Ce n'est pas mon truc. J'ai essayé, mais non. Je préfère le roman.
 
 
Vous vous sentez privilégiée dans votre métier de journaliste de cinéma?
 
Bien sûr. J'exerce un métier qui me plaît, que j'ai choisi, et je gagne correctement ma vie. C'est un luxe de nos jours. Malheureusement, je ne couvre que peu de festivals. Je travaille pour un quotidien et je suis maman, donc difficile de s'absenter sur une longue durée. C'est un métier où l'on voit beaucoup de merdes, beaucoup de mauvais films, ce qui permet d'apprécier encore plus les très beaux films lorsqu'ils arrivent. La différence lorsque l'on exerce ce métier, c'est que l'on ne choisit pas ce que l'on va voir... et je peux vous assurer que pour certains films, même le fait que ce soit gratuit, ça ne suffit pas! (rires)
 
 
Vous avez un genre de film que vous appréciez particulièrement?
 
J'ai des goûts éclectiques... mais disons que je préfère un petit polar bien fichu à une comédie romantique. J'ai beaucoup consommé de films d'horreur, mais ceux qui sortent ces dernières années sont relativement décevants. Sinon, je m'intéresse beaucoup à l'animation.
 
 
En parlant d'animation, c'est quoi cette identification à Scrat?
 
Scrat, c'est moi! C'est l'épitomé de l'obsession. Il fait plein de bêtises pour conserver son gland... et il ne le mange même pas! C'est tout moi ça... (rires) Tout le monde a son gland... (rires)
 
 
 
 
 
Vous vous lancez dans l'écriture de votre deuxième roman. De quoi parlera-t-il?
 
Il parlera de la maladie d'Alzheimer. Je suis un peu terrifiée d'ailleurs. J'espère faire aussi bien que "Brioche". J'essaie d'écrire ce que j'ai envie d'écrire, de la façon dont j'ai envie de le faire, avec mon style personnel. Il y aura certainement des allusions au cinéma, mais cela ne parlera pas de cinéma. Je vais parler de mon expérience personnelle avec la maladie d'Alzheimer. Si tout va bien, il devrait être prêt pour la rentrée littéraire 2014...
 
 
Merci Caroline Vié!
 
 

BRIOCHE

 
"Brioche", est le premier roman de Caroline Vié. C'est l'histoire d'une journaliste de cinéma qui un jour croise un acteur qui lui retourne le coeur. Il est commun, un peu grassouillet, n'a rien de particulièrement séduisant. Pourtant c'est lui et rien que lui qu'elle désire. Il ressemble à une brioche dorée... et la gourmandise de la journaliste n'a plus de limites. Edité aux Editions JC Lattès, ce roman est à lire d'urgence!
 
 
 
 

Propos recueillis par téléphone le 24 novembre 2012 / Cinécution

 

samedi 17 novembre 2012

AMOUR - Michael Haneke - 2012

 
Une odeur de mort s'échappe d'un appartement du Paris bourgeois. Les pompiers et la police forcent la porte d'entrée: c'est le début d'un flashback de près de 2 heures qui nous plonge dans l'intimité de Georges et Anne.
 
Théâtre des Champs-Elysées à Paris, des spectateurs attendent le début d'un récital de piano. Au milieu de ces gens, Georges et Anne, professeurs de piano à la retraite, sont venus applaudir un de leur ancien élève qui fait une brillante carrière de concertiste. Dès ce moment, on se rend compte de toute la tendresse qui lie ces deux êtres: complicité, gestes tendres, sourires, lumière dans les yeux.
Leur quotidien est fait de petites sorties (elles ne sont qu'évoquées), d'écoute de musique, de lecture, de discussions et de délicates attentions (ou seraient-ce des habitudes?). Même s'il est très pudique, leur amour se ressent très fortement. La douceur des sentiments et l'affection ont remplacé la folle passion de leurs 20 ans. Ils ont une fille, Eva, musicienne, qui vit à l'étranger et qui ne vient que peu les voir.
 
 
Un matin, lors du petit-déjeuner, le regard d'Anne se perd dans le vide et elle ne répond plus à Georges. C'est la première petite attaque cérébrale. On sent la détresse de Georges face à cet événement alors qu'Anne revient à elle, et qu'il devient agressif croyant à une plaisanterie de mauvais goût. C'est simplement sa façon d'exprimer sa peur de la perdre. Anne subit une intervention qui malheureusement laissera des séquelles: elle se retrouve en fauteuil roulant, paralysée du côté droit.
 
Les gestes de tous les jours deviennent dès lors plus complexes. Anne a besoin de Georges pour se lever, faire sa toilette, pour aller aux toilettes, pour lui couper la nourriture. Anne subit de nouvelles attaques et son état se péjore. Elle restera cependant à la maison, Georges le lui a promis.
 
 
 
 
Michael Haneke, avec "Amour", nous torture une nouvelle fois. Ce film nous arrache le coeur et nous met face à nos pires souvenirs ou à nos pires craintes: perdre nos proches, nos parents, l'être aimé. Rien que d'y penser cela nous déchire les entrailles. Ce sont des douleurs physiques et psychiques que chacun de nous endure dans sa vie.
 
Il nous montre aussi cet amour inconditionnel que se porte Georges et Anne. Un amour fait de respect, de tendresse, d'attentions. Ils ont été amants, ils sont aujourd'hui compagnons. Chacun dans son corps porte les signes de la vieillesse: les membres perdent de leur souplesse, les gestes deviennent hésitants, les mains tremblent légèrement, les forces diminuent. Mais la promesse qu'ils se sont faite il y a plusieurs décennies est toujours d'actualité: "Jusqu'à ce que la mort nous sépare"
Lorsque la maladie s'invite dans cette vie de retraités relativement sereine, il faut du courage à celui qui reste valide. Georges prend ses responsabilités et tient ses promesses quitte à s'épuiser. Il aide son "Anne chérie". Lors des moments où Georges doit aider Anne à se lever, il doit s'approcher d'elle, coller ses genoux au siens et la prendre dans ses bras alors qu'elle enroule son bras valide autour de son cou. On imagine aisément, vu la pudeur des gestes du début du film, que leurs corps ne se sont plus retrouvés si proches depuis un certains temps. C'est profondément poignant.
 
 
 
 
Jean-Louis Trintignant est bouleversant. Son regard est magnifiquement mis en valeur : tantôt doux, protecteur, inquiet, puis soudainement il devient terriblement grave. Emmanuelle Riva quant à elle incarne une Anne qui saura rester digne jusqu'au bout.
 
Mon seul regret, le personnage d'Eva incarné par Isabelle Huppert. Il est totalement dispensable. Si cette fille unique n'avait existé qu'au travers de conversations téléphoniques, cela aurait été suffisant.
 
Pas une once de voyeurisme, malgré la dureté des images. C'est la vie. La réalité dans tout ce qu'elle peut avoir de cruel. Il n'y a pas de musique au générique de début et il n'y en a pas au générique de fin, comme si avant l'amour il n'y avait rien et comme si après la mort, il n'y avait rien non plus. Vous serez sans nul doute profondément bouleversés par ce film et par la musique de Schubert, particulièrement ses Impromptus pour piano. Et là, c'est un coup de génie que d'utiliser Schubert: le plus pur, le plus simple, le plus "straight to the fucking point" des compositeurs de la période romantique. Palme d'or du dernier Festival de Cannes,  "Amour" est un chef d'oeuvre.
 
 
 
Votre Cinécution

KAMA SUTRA - Mira Nair - 1996


Maya et Tara sont deux jeunes filles qui grandissent côte à côte. Une chose les différencie cependant : Tara est une princesse et Maya sa servante. Cela ne les empêche pas de prendre des cours de danse traditionnelle ensemble. Elles sont les meilleures amies du monde et sont inséparables.
En grandissant , la beauté de Maya devient remarquable, elle fait de l'ombre à la jeune princesse Tara qui est promise au prince régnant du royaume voisin, Raj Singh. Un prince opiomane, machiste, possédant un harem impressionnant. Lorsque, lors de la présentation de l'épouse à son futur mari, le prince ne remarque que Maya, Tara ne le supporte pas : elle lui crache à la figure et lui ordonne de rejoindre sa chambre, la renvoyant à son statut de servante.
Alors que les différents rituels qui précèdent le mariage ont cours, Raj se retrouve seul avec Maya et lui fait l'amour. Maya qui jusqu'à maintenant avait toujours porté les vieux saris de Tara lui a pris quelque chose qui lui appartient pour la vie : le corps de son mari. La famille de Tara répudie Maya. La rivalité entre les deux femmes est dès lors le centre l'intrigue.


Lors du rituel d'ablutions dans les eaux du Gange, Maya fait la connaissance de Jay Kumar. Jay est sculpteur à la cour du roi et les deux ne tardent pas à devenir amants. Comme elle ne sait où loger, il la présente à Rasa Devi : une magnifique femme qui fut, dans sa jeunesse, la première courtisane du roi. Elle initiera Maya aux mystères du Kama Sutra, cet art ancestral de l'amour. Au-delà de l'acte sexuel en lui-même, le Kama Sutra est l'art de la jouissance, pour les deux partenaires. Rasa inculque également à Maya que la femme a, tout autant que l'homme, le droit de désirer. Maya, après son initiation, est accueillie comme première courtisane à la Cour. Elle retrouve Tara et Raj Singh. La lutte, entre les deux amies d'enfance devenues rivales, se jouera sur un terrain sensuel...



Mira Nair, dans ce sublime film initiatique, ne se contente pas de nous livrer un mode d'emploi du Kama Sutra, ni de nous en exprimer les vertus bénéfiques pour notre vie sexuelle, elle met en lumière une femme en avance sur son temps. En effet, Maya, bien qu'issue d'une caste modeste, se refuse à toute servitude et prend sa vie en main comme elle l'entend. C'est une femme libre avant l'heure et qui use, et abuse, de ses charmes, pour arriver à ses fins. Mais c'est également une femme de caractère qui tient tête au roi. Ce film est une apologie du pouvoir sexuel de la femme. La femme n'y est pourtant pas décrite comme un objet sexuel, ou lorsqu'elle l'est, c'est uniquement dans le but de dénoncer cet état de fait.



Avec un titre aussi sulfureux, vous imaginez bien que la sexualité, la sensualité et l'érotisme sont présents. Cependant, ce n'est pas le propos prinicipal du film. L'histoire, universelle et peu originale (elle peut-être transposée à n'importe quelle époque et dans n'importe quel milieu), trouve sa force dans les personnages principaux et notamment dans celui de Maya. Une femme qui entend bien utiliser son corps comme elle le souhaite.



Mira Nair jette, dans ses films "Kama Sutra" ou "Monsoon Wedding", un regard fasciné et fascinant sur les traditions de son pays. Toutefois, elle ne se laisse pas aveuglée par la beauté des rituels, mais y pose également un oeil critique, en s'interrogeant sur la place réelle des femmes dans la société indienne. Dans sa filmographie, et plus spécifiquement dans "Salaam Bombay!"elle n'hésite pas à montrer une image plus méconnue de l'Inde, en l'occurrence le destin des enfants des rues souvent entraînés dans des réseaux de prostitution.



Mira Nair, une cinéaste engagée? Probablement. Même si "Kama Sutra" dépeint une Inde idéalisée (saris aux couleurs vives, palais magnifiques, temples superbes, philosophie...) il n'en est pas moins un film féministe engagé, mais également un film qui offre un éclairage sur le système des castes au travers de la sexualité comme l'a fait, quelques années plus tard, Ashutosh Gowariker et son film "Lagaan" qui expliquait ce système au travers d'un match de cricket. Entre le cricket et le Kama Sutra, je vous laisse choisir ... Même si j'adore ces deux films, moi, j'ai fait mon choix...




Votre Cinécution





vendredi 16 novembre 2012

JAGTEN - Thomas Vinterberg - 2012


 
 

Alors que nous sommes mi-novembre, que la saison de la chasse culinaire, cuisine chaleureuse et gourmande accompagnée de son train de fruits de saison, se termine gentiment, Thomas Vinterberg déboule sur les écrans de Suisse romande et nous sert sa propre conception du fameux menu automnal. Quatorze ans après "Festen", et quelques films qui n'ont suscité que peu d'enthousiasme, "Jagten", littéralement "La Chasse", nous offre des retrouvailles glaçantes, qui n'ont rien de la douceur d'un marron glacé, avec le réalisateur danois. Chaque bon cuisinier sait que pour faire une délicieuse sauce d'accompagnement pour le gibier, il faut, cela est indispensable, mettre du sang dans la sauce. Force est de constater que Vinterberg est un excellent cuisinier et qu'il connaît la recette de la sauce "Grand Veneur" pour accompagner le civet de chevreuil. Sauf que dans "Jagten", le sang ne coule pas visiblement : c'est d'une hémorragie interne dont il s'agit. Un mal insidieux qui va faire saigner un homme dans le plus profond de sa chair: une rumeur.
 
 


Le film débute sur une scène pleine de testostérone, de clichés sur le danois moyen : grand, baraqué, un peu bedonnant, barbu, buveur-chasseur, et friand de baignade tout nu dans les eaux gelées d'une rivière. Le danois moyen se réunit en meute virile, entonne des chansons à boire, et considère que l'obtention du permis de chasse est un rituel de passage pour un ado afin de devenir un mec, un vrai, un pur, un dur!
 
 
 
Au milieu de tous ces joyeux chasseurs, un homme se détache : Lucas (le bouleversant Mads Mikkelsen!). Lucas a la quarantaine et vient de retrouver du travail après un divorce difficile qui le prive de la présence régulière de son fils Marcus. Il aime son travail d'éducateur dans une école maternelle. Sa complicité avec les enfants est douce et magique. Hormis les différends qui l'opposent à son ex-femme, la vie de Lucas retrouve une certaine sérénité.
 
Arrive alors ce fameux jour, où Klara (la surprenante et toute jeune Annika Wedderkopp), la fille du meilleur ami de Lucas et élève dans sa classe, lui fabrique un coeur, le lui offre, et l'embrasse même sur la bouche alors que Lucas joue au mort parce que les enfants lui ont sauté dessus. Lucas redonne le coeur bricolé à la petite Klara et lui explique qu'elle ne doit pas embrasser les adultes sur la bouche. Vexée, la petite fille fait l'amalgame entre des images pornographiques que son frère aîné lui a montré et le rejet dont elle vient de faire l'objet. Elle se confie à la directrice de l'école, Grethe (que l'on devine aisément vieille fille...). Cette dernière convoquera Lucas et lui suggérera dans un premier temps, quelques "jours de vacances". La rumeur enfle (notamment "grâce" à Grethe qui scande à qui veut bien l'entendre: "Moi je crois les enfants, ils ne mentent pas."), les propos se déforment, des dépliants expliquant les "symptômes de l'abus sexuel" sont distribués aux parents d'élèves... La chasse à l'homme débute : Lucas devient l'homme à abattre.
 
 
 
Vinterberg se pose en critique d'une société bien pensante, la même au Danemark qu'ailleurs, celle-là même qui pense qu'il vaut mieux  anticiper, accuser à tort, que passer à côté de quelque chose. On avisera plus tard. Lucas n'a pas droit à la présomption d'innocence. D'emblée, les questions du psychologue à Klara sont fermées et suggèrent même l'éjaculation dont n'a jamais parlé l'enfant. Les adultes sont également montrés du doigt: lorsque la fillette se rétracte, sa mère lui dit :"Non, cela est arrivé." Lucas est un pédophile et personne dans le village n'envisage que cela puisse être autrement.
L'ascension de la violence, quelle soit verbale ou physique envers Lucas (et son fils) est fulgurante. Le seul élément rationnel que nous montre Vinterberg, c'est l'arrestation de Lucas, sinon ce ne sont qu'à des réactions viscérales auxquelles nous assistons. Le film devient dès lors insoutenable. On peine à trouver une position sur notre fauteuil, à respirer... On est mal à l'aise. On oscille entre larmes et frissons d'horreur. Et si finalement toutes ces "accusations" étaient réelles? Et si Vinterberg avait volontairement occulté les éléments qui prouvent la pédophilie de Lucas? On fait des suppositions, on observe les personnages, les regards qu'ils se lancent, les attitudes... on soupçonne tout le monde...
 
 
 
"Jagten" est oppressant, poignant, dérangeant, mais visuellement superbe! Lorsque Vinterberg est calme et posé, ses plans sont d'une grande beauté et d'une finesse impressionnante. Le final est magistral... mais comme dirait Voltaire (et mon ami Gabriel qui m'a soufflé cette phrase, et qui accessoirement était assis deux rangées derrière moi) : "Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose"...
 
 
 
 
Votre Cinécution