mardi 1 avril 2014

FIFF 2014: N'ayez pas peur du cinéma...


Certains films ont une capacité impressionnante à nous poursuivre. Ils nous rentrent sous la peau et s’attaquent à chacune de nos cellules, une à une… ils nous habitent et nous laissent que peu ou pas de répit. Tel fut le cas aujourd’hui pour Han Gong-Ju  de Lee Sujin. Je suis ressortie de la projection complètement retournée, comme une chaussette. Profondément touchée par la beauté de la réalisation. Les cadrages et la photographie sont absolument sublimes. Le propos est difficile, lourd, mais amené avec pudeur et maturité, alors que c’est le premier film de ce « jeune » cinéaste sud-coréen. Je mets jeune entre guillemets, parce que je ne connais pas son âge et que c’est comme ça qu’il est présenté. Toujours est-il que pour un premier film, c’est magistral.
 
Han Gong-Ju
 
Gong-Ju est une jeune femme, encore adolescente, qui cache un sombre secret. Seule dans une nouvelle ville, dans une école où elle ne connaît personne. Ses parents ont refait leur vie chacun de leur côté, la laissant livrée à elle-même. Lorsqu’une de ses camarades de classe la surprend en train de chanter sous la douche, elle lui propose d’intégrer la chorale a capella dont elle fait partie. Le talent de Gong-Ju est tel que ses camarades décident de mettre des enregistrements vidéo d’elle sur internet. Ce sera alors, petit à petit et subtilement distillé, que le secret qu’elle cache au fond d’elle se révélera. Il reste encore deux projections de Han Gong-Ju, ne les ratez pas ! Bien que n’ayant pas encore vu tous les films en compétition, plus particulièrement le très attendu Manuscripts don’t burn  de Mohammad Rasoulof, je pense sincèrement que ce film peut remporter le Regard d’Or.
 
Manuscripts don't burn
 

Ce film a été introduit, et est présenté dans le catalogue, comme pouvant heurter les personnes sensibles. Pourquoi prendre autant de précaution ? Je vous avoue être toujours un peu agacée face à ce genre d’avertissement. Plus qu’agacée, je suis profondément énervée. Donner ce genre de recommandation, c’est déjà livrer une partie de l’intensité du film. Fréquenter un festival de cinéma, et plus largement, vivre, tout simplement, c’est prendre un risque. Celui d’être surprise, dégoûtée, enchantée, bouleversée, déçue, choquée. Quand je suis venue au monde, comme nous tous, je n’avais pas des panneaux à chaque coin de ma chambre pour me dire : « Attention, il y aura des moments où tu seras déçue, des moments où tu seras triste et d’autres où tu seras très heureuse. » Je n’ai pas besoin, et là encore, je parle en mon nom personnel, qu’on me dise avant une projection : « Attention, tu vas avoir des émotions et il se pourrait qu’elles soient fortes. Te voilà prévenu(e)!». Bullshit ! C’est justement ce que j’attends du cinéma ! Des émotions, quelle que soit leur nature ! Sur mon blog, je l'ai fait un temps. Aujourd'hui, je ne le fais plus, jugeant que les personnes qui me lisent sont prêtes à prendre des risques. Allez voir des films et laissez-vous surprendre ! Et ne perdez pas de vue que la véritable barbarie humaine est visible tous les jours, et sans avertissement, dans les événements qui font l'actualité. Et là, ce n'est pas du cinéma. D'ailleurs, les différentes sections du FIFF, en particulier Décryptage, permet, en heurtant quelques fois, de porter un autre regard sur ces faits d'actualité. Il n'y a rien de plus sain que de sortir de sa zone de confort. C'est là que les expériences deviennent intéressantes et que la réflexion se met en branle. Voilà, parenthèse fermée et courroux apaisé.
Quick Change
 

Pour poursuivre mon marathon cinématographique, j’ai enchaîné avec Quick Change du réalisateur philippin Eduardo Roy Jr. Je vais être claire d’entrée : je n’ai pas aimé, mais alors pas du tout, la façon dont ce film est réalisé. Par contre, les thèmes abordés, les relations amoureuses des personnes transsexuelles, leur obsession de la beauté et de la jeunesse, et l’exploitation de leur misère, tant économique que sentimentale, m’ont profondément touchée. Ces personnes m’ont toujours émue et m’émouvront toujours. La sexualité, déjà quand elle est bien définie, que l’on soit gay, lesbienne ou bi, n’est pas toujours facile à gérer, mais quand on est enfermé dans un corps qui n’est pas le nôtre, je n’ose imaginer. Je ne sais pas d’où me vient cette tendresse pour les transsexuels, mais elle est bien réelle. Pour en revenir au film, le cinéaste philippin hésite entre documentaire et fiction. Et c’est bien dommage. Un choix aurait dû être fait pour donner de l’intensité au discours, et au scénario, qui sont loin d’être simplistes.

Ma journée s’est terminée avec l’excellent thriller On the Job d’Erik Matti, film qui a déjà fait l’objet d’une chronique.

Demain sera une grande journée, outre le fait que je vais enfin voir Manuscripts don’t burn  de Mohammad Rasoulof – un des cinéastes iraniens actuels le plus intense et le plus doué - et Borgman d’Alex van Warmerdam, Patrick Chesnais sera à Fribourg pour défendre La Braconne de Samuel Rondière. Oui, nous serons le 1er avril, non, ce n’est pas une blague ! 

 
La Braconne

 

ST/31.03.2014

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