Écrire pour survivre, pour ne pas sombrer dans la folie. C'est tout ce qu'il reste à cette femme qui du jour au lendemain s'est retrouvée isolée dans un chalet des préalpes autrichiennes. Elle se raconte, transcrit son quotidien, depuis ce fameux jour où la mort s'est invitée, presque tendrement et avec douceur, de l'autre côté de ce mur, barrière invisible qui la met en marge de l'humanité.
Miraculeusement épargnés, un chien, une vache, et un chat sont ses seuls compagnons. Elle va devoir apprendre à utiliser les ressources de la nature pour se nourrir et tenter, tant bien que mal, de retrouver sa place au milieu des éléments. Ses luttes sont quotidiennes et variées: maladie, faim, intempéries, tâches répétitives et physiquement pénibles. Cependant, elle découvrira non seulement le bonheur, mais au-delà de cela, l'apaisement. Ce n'est que la rencontre avec l'Homme qui la poussera dans ses retranchements et provoquera une réaction toute animale.
Comment mettre en scène l'invisible? Comment adapter le roman quasi psychanalytique et féministe de Marlen Haushofer? En 2003, Julian Roman Pölsler a obtenu les droits du roman. Il lui aura fallu pas loin de 10 ans pour voir aboutir son projet et réaliser le film dont il rêvait depuis 25 ans. Plusieurs réalisateurs, dont Michael Haneke, s'étaient déjà intéressés à adapter le livre de Haushofer, mais avaient renoncé, le considérant comme inadaptable. Haneke, pour sa part, ne pouvait s'imaginer passer une année entière dans la boue, dans les montagnes, avec uniquement une femme, un chien et une vache. L'enfer, selon lui.
Pölsler a relevé le défi. Et avec talent, il faut le dire. La facilité aurait été de proposer une série de clichés ou de kitscheries sur les montagnes, les rapports entre l'humain et les animaux. Il réussit un tour de force en les évitant soigneusement. Oui, pas évident lorsque les paysages sont sublimes, Martina Gedeck (qui joue la femme) remarquable et les animaux surprenants.
Véritable réflexion sur la solitude, la peur de la folie, la place de l'homme au sein de la nature, la force des femmes, Die Wand est également un film anxiogène. Il l'est probablement parce qu'il nous plonge dans ce qui nous fait le plus peur: l'isolement et la solitude. Se retrouver avec soi-même: des moments que l'on apprécie lorsqu'ils sont choisis. Lorsqu'ils sont imposés, c'est une autre question.
Bref, ce film est d'une humanité bouleversante. La réflexion est accentuée par le fait qu'il n'y a aucun dialogues. C'est une voix-off, celle de l'héroïne, qui nous guide tout au long des 108 minutes, dans un allemand que les personnes qui maîtrisent la langue de Goethe sauront apprécier. Une voix-off et les
partitions
pour violon solo de Jean-Sébastien Bach. Un très beau moment et un film qui nous poursuit quelques jours par les questions qu'il soulève.
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