"Santé, bonheur et pipe à toute heure!"
Vous pensiez avoir affaire à un film convenu et mièvre sur les relations
intimes des personnes intellectuellement retardées? Détrompez-vous! Henri est
un film sur la renaissance, l'envol et la joie de vivre.
Henri (Pippo Delbono) et Rita (Lio) sont mariés depuis un peu plus
de vingt ans. Ensemble, ils sont à la tête d'un restaurant de village, La Cantina.
Métro-boulot-dodo... Installé dans la routine, leur couple s'est émoussé. Ils
s'apprécient, se respectent, mais n'ont plus de vie intime. Henri s'évade
auprès de ses pigeons voyageurs, rêvant secrètement pouvoir lui aussi, un jour,
prendre son envol.
Lorsque Rita meurt subitement, Henri se retrouve désemparé à
devoir gérer le café. Sa fille propose alors de demander l’aide d’un « papillon
blanc » : un membre d’une institution pour personne avec déficience
mentale. Rosette ( la touchante Candy Ming) entre dans la vie d’Henri. Leurs destins s’en trouvent
changés.
Yolande Moreau a campé le décor de son film dans un village des
alentours de Charleroi. Une région où bon nombre d’italiens sont venus s’installer
après la guerre. Les personnages principaux, de même que les rôles
secondaires, sont tous issus de la
classe ouvrière. Henri, avec les années et la lassitude, boit un peu trop de bières
avec ses potes de comptoir : Bibi et René. Ils écoutent inlassablement les
bulletins météorologiques pour savoir quel sera le moment le plus propice à un
lâcher de pigeons. Leurs propos ne sont pas toujours des plus délicats et leurs
plaisanteries sont parfois limites. La réalisatrice, et scénariste, a su, avec
intelligence, éviter les faux-pas. En montrant les points communs entre Henri, ses
amis et les résidents du foyer, notamment leur grivoiserie. Elle met en
lumière leurs préoccupations, lesquelles sont universelles : l’amour, le
sexe. Chacun à leur façon sont un peu « à part » et peinent à trouver
leur place.
La talentueuse belge réussit un tour de force : celui de ne
pas dépeindre l’univers des handicapés comme quelques chose de pseudo-poétique
ou de mignon. On sourit par moment, pas à leurs dépens, mais avec eux. Parce que
oui, ils sont très drôles et Yolande Moreau leur met des mots dans la bouche
qui pourraient sans doute choquer certains esprits trop bien-pensants. En cela,
le personnage de Rosette exprime la difficulté de vivre en groupe et de concilier
ses espoirs. Rosette rêve de normalité : de sexualité, de tendresse, de
maternité, de couple. Au-delà de ce grand désir d’indépendance, on constatera
toutefois que la jeune femme se retrouve bien démunie lorsqu’elle sera livrée à
elle-même. La solitude l’angoisse. Le vent trop fort dans les rideaux la fait
paniquer. Ce « papillon », lorsqu’elle rencontre Henri s’avérera être
un peu manipulatrice et mythomane. Tout cela pour voir se concrétiser certains
de ses désirs de femme. Qui peut l’en blâmer ?
Comme avec Quand la mer monte…, Yolande
Moreau fait une fois de plus l’économie des mots et privilégie les sons d’ambiance
(ici le bruit des battements d’ailes des pigeons, le bruit du réfectoire du
foyer ou les paroles de la tante logorrhéique). C’est en images que la belge s’exprime,
et avec un talent fou ! Vous allez aimer Henri… j’en fais le pari !
En salles dès mercredi 11 décembre 2013.
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