Une perle de novembre, voilà ce
qu’est Inside Llewyn Davis, le
dernier film des frères Coen. Inspiré de la vie de Dave Van Ronk, ce road
movie à l’humour grinçant dresse le portrait d’un anti-héros : Llewyn
Davis. Musicien, chanteur, guitariste folk, Llewyn Davis est un être que l’on
peut détester de prime abord : véritable sangsue, pique-assiette et
squatteur de sofa, méprisant la plupart des personnes qui, selon lui, ne
connaissent rien à la musique. Cependant, il devient, au fur et à mesure que le film évolue, un personnage auquel on s’attache. Rien ne
lui réussit. Ses tentatives de percer dans le milieu du show-business sont
toutes des échecs cuisants. Sa vie sentimentale, désertique, et ses relations
familiales compliquées, notamment avec sa sœur, complètent le portrait de ce looser de
compétition. C’est de New-York à Chicago, sans le sous, guitare en bandoulière
et accompagné d’un chat, que Llewyn Davis nous entraîne dans sa quête du succès
et du contrat avec une maison de disque qui lui ouvrirait les portes de la
gloire.
Joel et Ethan Coen nous ramènent à
une époque où la musique folk ne connaissait pas encore l’engouement qu’on lui
a connu dès le milieu des années 60. C’est cette période sombre qui est décrite
avec cruauté, mais également avec nostalgie. Un temps révolu où une petite
poignée de passionnés s’échangeait oralement de vieilles chansons comme s’il
s’agissait, pour chacune d’elles, d’un secret.
Llewyn Davis est le prototype
même du chanteur folk issu de la classe ouvrière et qui partage sa vie entre
musique et petits jobs. La plupart des chanteurs de cette époque
n’enregistreront pas de disques, mais se contenteront de se produire dans
quelques petits bars, dévoués corps et âmes à leur art, animés par un optimisme
propre à leur jeunesse. La majorité d’entre eux ne feront d’ailleurs jamais
carrière. Il ne faut pas oublier non plus que les principaux clubs new-yorkais
de l’époque restaient fidèles au jazz.
Avec une bande originale qui ne
s’échappe pas de nos oreilles bien des jours après l’avoir vu, Inside Llewyn Davis, réveille en nous
des envies de réécouter l’intégrale de plusieurs folkeux : Bob Dylan en
tête (joli clin d’œil en fin de film à l’interprète de Mr. Tambourine Man), Joan Baez ou encore Pete Seeger. Mais une
autre envie renaît, celle de s'immerger dans les écrits de Jack Kerouac, de
plonger dans les grands espaces, en sentant un vent de liberté souffler dans
nos cheveux.
Comme à leur habitude, les frères
Coen distillent un humour corrosif et créent des personnages hauts en couleurs,
tel Roland Turner, jazzman héroïnomane (John Goodman, irrésistible) qui
partagera un bout de route avec Llewyn. La présence comique d’un chat, échappé
d’un appartement où Llewyn squattait, apporte un peu de légèreté et de douceur
à un film qui somme toute porte un regard impitoyable sur la période pré-Dylan,
plus confidentielle, notamment à cause d’un manque d’intérêt des médias pour
cette musique jugée à l’époque un peu trop « campagnarde ». Malgré la cruauté de l’univers dépeint par les
frères cinéastes, Inside Llewyn Davis est
un film tendre, plein de mélancolie. Les images gris-bleu font que la rudesse
de l’hiver passe à travers l’écran et nous donne des frissons. Et des frissons,
la voix d’Oscar Isaac, qui donne au personnage de Llewyn un charisme et un charme rares, nous en
procure également. De toute beauté.
Vous l’aurez compris, Inside Llewyn Davis est un des films à
voir absolument en cette fin d’année.
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