Quelle jeunesse et quelle vitalité ! A plus de 70 ans, Martin Scorsese revient en force et en clouant
le bec à quelques jeunes prétentieux absolument certains d’avoir inventé le
close-up sur l' Alka-Seltzer! Le Loup de
Wall Street, c’est une leçon de cinéma. Et pas n’importe lequel, celui de
Scorsese. Après P.T. Anderson et son
instantanément culte There will be blood,
c’est au tour du réalisateur de Raging Bull de se frotter
à son Citizen Kane. Ascension et chute d’un jeune trader, un
self-made man comme on dit, dans l’Amérique de la fin des années 80. Une époque
où tout était possible, où l’argent coulait à flot, où les nouvelles entreprises
fleurissaient un peu partout dans le monde.
Jordan Belfort (génialissime Di Caprio)
en veut ! Son rêve : travailler comme trader à Wall Street. Et il y
arrive le bougre. Un jour. Avant que le bureau pour lequel il travaille ne
sombre brutalement et ferme boutique. C’est totalement fauchés que son épouse
et lui partent s’installer loin de la Big Apple. Jordan pousse alors la porte d’un
bureau provincial constitué principalement de « beaufs ». Un bureau qui vivote,
mais dont la commission est très élevée : 50% ! Belfort ne tardera pas
à devenir le patron et à y créer un lieu incontournable de la bourse.
Son fonctionnement :
arnaquer le bas-peuple, extorquer des fonds et se ramasser un maximum d’argent
en un minimum de temps. Les gros poissons, ce sera pour plus tard. A grand coup d’enfumage
et de technique de vente imparable, Belfort et ses employés font fortune. Pas
juste un peu, non, une fortune colossale
et indécente ! Et l’indécence ne prévaut pas seulement sur les comptes en
banques, c’est leur vie entière qui sent le stupre et les stups.
De véritables orgies sont organisées pour « motiver les gars ».
Alcool, sexe, drogues et lancés de nains, tout y passe. Belfort ne tardera pas
à éveiller les soupçons du FBI et à chuter plus vite qu’il n’a atteint le
pouvoir.
C’est bien de pouvoir dont il s’agit.
De pouvoir et de manipulation. Belfort, du haut de son nuage de magnat de la bourse, de trafficoteur
de devises, d’actions, croit que non seulement tout lui est dû, mais que rien,
absolument rien ne peut le faire choir. L’excès de cocaïne rend manifestement naïf.
Un excès de confiance dans certains de ses acolytes le mènera à sa perte.
Scorsese filme du Scorsese, en s’auto-caricaturant
presque. Il utilise tous les effets qui ont fait de lui un des cinéastes les plus
talentueux qui soit. En tant que spectateur, on sourit beaucoup de cela et
sincèrement, ça fait un énorme plaisir.
Le film est cruel et à ne pas
mettre devant toutes les mirettes… on s’en prend plein la figure. Des nuages de
cocaïne, des fesses en veux-tu en voilà, des seins, des voitures de sport,
des cocktails plus ou moins licites, des billets de banque… plein la figure,
jusqu’à écœurement. A aucun moment on est capable de ressentir la moindre
sympathie pour le personnage de Belfort. Il donnerait même plutôt envie de
vomir. On applaudirait presque à sa chute.
Scorsese n’assène aucune morale à
son film. Cependant, il prend un malin plaisir à nous montrer, dans un dernier
trip fatal, que Belfort ne vaut pas plus qu’un ver de terre. C’est d’ailleurs
par terre, rampant, qu’il finira, dans une séquence qui révélera que Leonardo
Di Caprio sait vraiment tout jouer et qu’il bénéficie d’une souplesse
insoupçonnée.
La qualité des seconds rôles est
également à mettre en avant, à une exception près : Jean Dujardin. C’est
vraiment la fausse note du film. Si le portrait du banquier suisse peu
regardant avec la loi est brillamment dressé par Scorsese et Terence Winter, il
est cependant interprété de manière tout à fait insupportable par Dujardin. L’acteur,
oscarisé pour son rôle dans The Artist – ce qui
pour moi restera toujours un mystère – se borne, une fois de plus, à ne jouer
QUE du Jean Dujardin. Incapable d’une quelconque générosité, s’entêtant à penser
que l’on prend possession d’un rôle en jouant des sourcils, il se regarde jouer
et s’écoute réciter. Insupportable. Heureusement, son passage à l’écran dure,
en tout et pour tout, moins de dix minutes. Cela ne met donc pas en péril ce film qui
dure 2h45 !
Bref, Le Loup de Wall Street, à voir de toute urgence, ne serait-ce que
pour se souvenir de ce qu’est vraiment le cinéma.
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