lundi 17 septembre 2012

LA DISPARITION DE GIULIA - Christoph Schaub - 2009

C'est l'hiver, en fin de journée il fait nuit, les bus sont bondés. Giulia (Corinna Harfouch) est assise dans un de ces bus pour se rendre à la fête d'anniversaire que lui ont organisé cinq amis : un couple gay qui se chipote en permanence, un couple hétéro qui lutte contre les crampes aux mollets quand ils veulent faire un petit câlin juste avant de partir et un célibataire qui refuse de vieillir et qui porte des baskets dorées pour tenter de retenir le temps qui file (ou pour mieux courir après sa jeunesse). Dans le bus, Giulia, se sent invisible. Entre deux ados d'à peine 18 ans qui débattent sur le cadeau qu'elles vont chaparder pour l'offrir à leur coup de coeur commun, une vieille dame qui se rend à un anniversaire dans une résidence pour personnes âgées, et une bombe anatomique qui attire tous les regards, Giulia voit son reflet disparaître dans la vitre du bus. Prise de panique, elle descend du bus précipitamment. Elle entre chez un opticien et croise John (Bruno Ganz), un allemand à la recherche d'un cadeau à offrir. Ces deux-là vont passer la soirée ensemble, Giulia préférant la compagnie de cet inconnu qui la rend visible à celle de ses amis qui l'attendent au restaurant.

Dans une résidence pour personnes âgées de la même ville, Léonie (Christine Schorn) fête ses 80 ans. Sa fille lui a organisé une soirée qui a tout du goûter d'anniversaire. C'est une belle démonstration de la façon dont notre société infantilise les personnes du troisième âge. Léonie, qui a toujours été une femme de caractère, profondément libre, en conflit perpétuel avec sa fille à qui elle reproche de ne venir la voir que les jours de fêtes et d'être vieille avant l'heure, prendra un malin plaisir à jouer la vieille dame indigne et à saboter la fête. Dehors la "Chorale des oiseaux", dégage le gâteau!



Au même moment, dans un magasin, Jessica (Elisa Schlott) et Fatima, deux ados qui en pincent pour le même garçon, sont à la recherche d'un cadeau d'anniversaire à lui offrir. Elles constatent rapidement que tout est hors de prix. La solution: voler une paire de chaussures pour leur chouchou commun. Mais voilà, elles se font attraper par un vigile. Entrent alors en scène les parents de Jessica: divorcés, en conflit, chacun pense qu'il possède la solution pour résoudre les problèmes de Jessica, jusqu'à ce que l'adolescente leur fait remarquer qu'elle est là est qu'elle a besoin d'eux deux.

 



Christoph Schaub et Martin Sutter nous offrent un "film réflexion" sur l'âge, le vieillissement, la mort. Chaque étape de vie possède son propre mal-être. Le scénario de Martin Suter est impeccable, les dialogues sont irrésistibles. On rigole du cynisme distillé çà et là, des situations où même le choix du repas devient source de débat sur l'âge: pas de beurre, mais de l'huile d'olives. Pas de viande, que des légumes. Pas d'oeufs, ce n'est pas bon pour le cholestérol. Les dialogues sont en apparence superficiels, mais ils nous projettent en pleine face ce dont nous avons le plus peur: vieillir, respectivement, mourir.



La caméra de Christoph Schaub fonctionne divinement dans les scènes intimistes entre John et Giulia, mais on regrette qu'elle soit trop sage, notamment dans la scène de la bagarre de tarte qui met fin aux réjouissances du côté de chez Léonie. Pas facile de mettre en scène un "film assis", où l'essentiel de l'action, que ce soit au restaurant ou dans la résidence pour personnes âgées se passent autour d'une table. Pour ma part, mais ce ne sont là que mes goûts, j'aurais apprécié une plus grande variété de plans. Mais peut-être est-ce là une volonté de Schaub que de nous montrer que ces grands débats sur l'âge sont plombants et que de toute manière vieillir est une fatalité contre laquelle, même en déployant des moyens extraordinaires (chirurgie esthétique, pilules miracle, régimes alimentaires fantaisistes), nous ne pouvons rien faire.

Un de mes profs de philosophie disait: "Si l'on a peur de la mort, il est ridicule d'avoir peur de vieillir. Plus on vieilli, plus on repousse l'échéance de la mort.". A méditer donc.

 

Votre Cinécution

2 commentaires:

  1. Il est clair que Cinécution ne défend pas que le cinéma, il défend aussi les films et leurs auteurs, a fortiori quand ils sont suisses. En cela, il n'est pas le seul, car il est rare qu'un film suisse se voie maltraité par la critique (ou alors, il faut avoir étudié la kremlinologie pour maîtriser l'art de lire entre les lignes).
    Et je me demande si cette mansuétude n'est pas néfaste pour le cinéma suisse à long terme.

    Le spectateur lambda (sans connotation négative) est susceptible de se déplacer en masse pour un film scandinave, pour autant que l'information lui parvienne aux oreilles. Et il peut le faire aussi pour un film suisse, à deux conditions
    - qu'il y ait un film suisse suffisament attrayant
    - que l'information (la critique) trie entre les films attrayants, et ceux qui ne méritent qu'une curiosité polie.
    Prenons "Neutre" par exemple. Le film a eu un certain succès d'estime, mais pas à la mesure de son potentiel. Tous les gens à qui je l'ai conseillé ont été surpris en bien par ce film. Dans le cas de la Disparition de Giulia, je n'ai pas rencontré grand-monde qui a été emballé. Si la critique ne fait pas la différence, le public ne la fait pas non plus, et rejette en masse le cinéma suisse.
    Pour en revenir donc à la disparition de Giulia, je donnerais le conseil suivant: il y a d'autres choses de Schaub à voir, d'autres choses de Martin Suter à lire, et d'autres films suisses qui eux méritent vraiment la peine d'être vus (Pas douce, La petite chambre, Snowhite, Neutre, etc.)

    PS quel est l'intérêt d'un film alémanique en Hochdeutsch?

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  2. S'agissant de la critique dure et peu enthousiaste de films suisses, je te donne volontiers pléthore d'exemples autour d'un verre, la presse n'étant de loin pas complaisante. S'agissant de parler d'autres films suisses sur Cinécution (entre autres ceux dont tu parles), le jour où j'aurai 6 bras, 12 mains et le don d'ubiquité volontiers. Quant au Hochdeutsch, ne sert-il pas à exporter le film vers nos voisins allemands relativement friands des productions alémaniques? Long est le débat sur le cinéma suisse. Si on parle d'"All that remains" par exemple, tourné intégralement en anglais avec comme seule actrice suisse Isabelle Caillat, qui plus est dans des paysages très éloignés de ceux de notre "belle Confédération", qu'en dire? Faut-il blâmer un cinéma suisse qui est ambitieux? Il faut arrêter de faire des films dans sa salle de bain! Il y a des petits bijoux dans le cinéma suisse de hier et d'aujourd'hui, voire de demain: Michel Soutter, Alain Tanner, Jean-Luc Godard, Lionel Baier, Séverine Cornamusaz, Ursula Meier, Christoph Schaub, Stéphanie Chuat et Véronique Reymond, Daniel Schmid, Georges Schwizgebel, Olivier Beguin... et certainement que j'en oublie! Il est urgent que le cinéma suisse soit d'abord reconnu chez lui comme étant un beau et bon cinéma, constitué de gens passionnés et talentueux, en soutenant financièrement les projets, avant d'attendre que les festivals du monde entier reconnaissent le talent de nos cinéastes et qu'ensuite seulement on se "vante" qu'ils soient suisses. Et pour en revenir à "La Disparition de Giulia", je ne crois pas que ma publication soit complaisante.

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