mardi 17 avril 2012

ERASERHEAD - David Lynch - 1977

ATTENTION SPOILERS!

Le film dont personne ne voulait! Même le American Film Institut, qui avait pourtant donné une somme considérable à David Lynch pour réaliser Eraserhead sous forme de court-métrage suite à son prometteur  Grandmother (http://youtu.be/QLIxS7Bdz10), se retire lorsque le projet de Lynch prend de l'ampleur et dépasse le minutage convenu. Mais Lynch ayant une réserve suffisante de pellicules, continue. Un tournage qui va lui prendre 4 ans!


Avant de rentrer dans le vif du sujet, il faut se mettre "en condition"...

In Heaven, everything is fine...



Le rêve comme seule échappatoire possible? Avec la mort et la folie, c'est un leitmotiv chez Lynch. David Lynch, un des grands cinéastes capable de mener le spectateur où il veut, de le déboussoler, de le perdre, de le noyer. Il fait de nous ce qu'il veut, pour autant que l'on laisse de côté notre esprit rationnel. Mais il nous ne donne pas de réponses. Il nous égare bien soigneusement, plan après plan et nous laisse avec nos interrogations. Chacun est dès lors susceptible d'avoir sa propre interprétation.  Lynch est à mon sens beaucoup moins complexe que l'on pourrait le croire. Si l'on accepte d'ouvrir notre esprit à la poésie, même sombre, on est transporté. Pas besoin d'analyser, il faut laisser l'univers de Lynch venir à nous. On dirait le discours d'une allumée? Peut-être. Mais surtout celui d'une admiratrice du discours lynchien.



David Lynch


Eraserhead n'est pas un rêve, mais un cauchemar. Angoissant, pesant. Empreint d'un surréalisme plein de poésie malgré la noirceur du propos. Tout est sombre. Dès les premiers plans. Après un prologue que l'on ne comprend pas tout de suite, mais qui en fait est un rêve, Henry déambule dans une zone industrielle glauque. Tout est sale, laissé à l'abandon, tout sent la mort. Il se promène, nous fait découvrir son univers, on ne sait pas tout de suite où il va. Mais l'on remarque déjà à son comportement qu'Henry est différent. Sa démarche est particulière. Son pas atypique.Etonnamment, j'ai pensé à des scènes de films de Buster Keaton. Henry étant gauche, maladroit, mettant le pied dans la seule flaque aux environs. Il est vêtu d'un costume dans lequel on a un peu le sentiment qu'il a "grandi dedans". Sa position corporelle est très renfermée. Henry est un introverti, un angoissé. Henry est un homme torturé en quête du bonheur. Il fréquente une femme qu'il n'aime pas, Mary. On sent très clairement dès la première apparition de Mary qu'il y a un mur entre ces deux-là. La famille de Mary est une famille où chacun se tient à une "bonne" distance l'un de l'autre. Henry et Mary ont un enfant ensemble. Cet enfant est un monstre. Mais cet enfant, c'est la représentation de l'inconscient d'Henry. Seul lui peut s'en occuper. L'enfant se calme lorsque Mary ne supportant plus les pleurs de l'enfant quitte Henry et le laisse seul avec l'enfant difforme. L'enfant est comme Henry, solitaire.



Dès le départ de Mary, se succèdent pour Henry une série d'événements curieux. Henry rencontre la dame qui vit dans son radiateur. Une blonde au visage angélique, si ce n'est qu'elle possède une paire de joues disproportionnées. Cette femme chante dans le radiateur de la chambre d'Henry. Henry reçoit aussi la visite de sa belle voisine, avec laquelle il aura une relation sexuelle (vision de ce que sa vie pourrait réellement être). Henry fait ensuite un rêve où son cerveau est utilisé comme gomme au bout d'un crayon.





Revenu de ce rêve, Henry veut revoir sa voisine, mais il la découvre en compagnie d'un autre homme. Le bébé se moque d'Henry et rigole. Henry devient fou et tue l'enfant. Henry est soulagé, il a tué la bête. Un suicide mis en scène? Toujours est-il que le film s'arrête là, après que la dame du radiateur soit revenue chercher Henry.



Un film déroutant qui nous livre des scènes irréelles de manière brutale. Pas de distorsions du réel, non, tout est surréel d'entrée. Aucune possibilité pour le spectateur de s'accrocher à des éléments du réel, il n'y en a pas. Pas plus qu'il n'y a une vraie trame à laquelle se référer. Eraserhead est quasi irracontable. On peut sortir quelques éléments, mais ce qui prime, ce sont les ressentis. Eraserhead c'est un cinéma qui fait appel aux sens. Lynch nous ouvre tous les sens, nous laisse à vif, mais livrés à nous-même. Spectateur, débrouille-toi!

Le titre "français" d'Eraserhead est Labyrinth Man. Pour être un labyrinthe, c'est un labyrinthe. Mais un de ceux où l'on aime se perdre.

Eraserhead est un film dont personne ne voulait au départ. Trop atypique, dérangeant. Il entre alors dans le circuit des Midnight Movies. Séances de minuit qui ne doivent leur succès qu'au bouche à oreille. Dans ce même circuit, on trouve des films comme El Topo de Jodorovsky, Pink Flamingo de John Waters, The Rocky Horror Picture Show de Sharman, La Nuit des Morts vivants de Romero, The Wall d'Alan Parker ou encore Harold et Maud de Ashby! Des films dont on ne pourrait décemment plus se passer.





Votre Cinécution


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