vendredi 27 mars 2015

FIFF 2015: trop plein d'amour et crise du désir


Lorsque que j’avais 9-10 ans, que ma cinéphilie était encore balbutiante, je regardais les films de Charlie Chaplin, Autant en emporte le Vent et Le Docteur Jivago. Quand on me demandait ce que je voulais faire plus grande, je répondais : Géraldine Chaplin ou Scarlett O’Hara. Si j’ai compris assez rapidement que Scarlett était une peste – mais bon, elle faisait quand même chavirer Clark Gable – je n'ai compris que quelques années plus tard pourquoi j’étais tellement fascinée par Géraldine Chaplin. Premièrement, elle est la fille de Charlie Chaplin. Comme beaucoup d’enfants dont un des parents aime le cinéma, j’ai grandi avec les films de Chaplin. Très jeune, mon papa nous a montré Le Dictateur, Le Kid ou encore Limelight. Je me rappelle avoir posé de nombreuses questions. Chaplin a donc indirectement participé à mon éducation. Deuxièmement, j’ai compris en m’intéressant à la filmographie de Géraldine Chaplin, qu’elle était une femme audacieuse, imprévisible. Toujours là où on ne l’attend pas.

Ce matin, elle est venue accompagner la projection de Sand Dollars, un film de la République Dominicaine, merveilleusement réalisé par Laura Amelia Guzman et Israel Cardenas.
 
 

Noeli est une très jeune femme dominicaine qui vend ses charmes à des touristes. Elle n’est vraiment une prostituée, mais elle profite des touristes, à qui elle joue la comédie de l’amour, pour leur soutirer de l’argent. Les choses se compliquent un peu lorsqu’elle fait la connaissance d’Anne. Ce qui change fondamentalement, c’est qu’Anne tombe éperdument amoureuse de Noeli.

Anne a un rêve : ramener Noeli en France. Elle lui procure un passeport et suffisamment d’argent pour que la jeune dominicaine la suive.
 
 

Sans poser aucun jugement sur la situation, les deux réalisateurs offre une vision très humaine de ce que peut être le tourisme sexuel. Sauf que là, l’amour fait son apparition. On n’est plus uniquement dans une situation de « blanc dominant ». Noeli, bien que profitant des largesses d’Anne, se sent bien et en sécurité avec elle. Si le pouvoir d’Anne est la richesse, celui de Noeli est la jeunesse. Un pouvoir dont elle abuse aussi, mais jamais à l’encontre d’Anne. Profondément pudique et nuancé, Sand Dollars est bouleversant. Mettant en lumière plusieurs sujets tabous – tourisme sexuel, amours saphiques, différences sociales – ce film aborde ces thèmes de façon délicate. Tandis qu’Anne attend une démonstration d’amour sincère de la part de Noeli, cette dernière attend la même chose, de Yeremi, son compagnon qu’elle fait passer pour son frère. Toutes deux attendront en vain.
 
 

Un vrai coup de cœur. Géraldine Chaplin sera à nouveau présente ce vendredi pour accompagner le film qui sera projeté à 12 :15 à Cap Ciné. Ne ratez pas une occasion unique de croiser cette femme merveilleuse que j’ai eu la chance de serrer fort dans mes bras. Un grand moment d’émotion dont je me souviendrai longtemps.

Autre coup de cœur de la journée, And They call it Summer de Paolo Franchi. Accompagné sur toute sa durée par la chanson de Bruno Martino E la Chiamano Estate, ce film italien de 2012, inédit en Suisse, nous propose d’entrer dans l’intimité de Dino et Anna. Couple de quadras fous amoureux l’un de l’autre, ils ne trouvent cependant pas le chemin de la sexualité. Dino est incapable de faire l’amour à sa femme, préférant les rencontres éphémères avec des prostituées ou des couples dans des soirées échangistes. Dino n’en est pas moins très amoureux. Tous deux souffrent de cette situation. Dino en vient même à retrouver les anciens amants de sa femme, dans l’espoir de comprendre comment ils vivaient l’intimité avec elle, leur proposant même de la recontacter et de reprendre leur liaison. Aucun n’accepte. La douleur qu’éprouve le couple est palpable et plonge le spectateur dans une tristesse absolue.
 

Le récit est surprenant tant il n’est pas linéaire. A nous, spectateur, de remettre les pièces du puzzle dans l’ordre. Cela ajoute du trouble au propos. Un sujet qui touche profondément, car tout un chacun a déjà connu une crise de désir, sans pour autant s’embourber à ce point dans un amour transgressif et malsain. En apparence, le couple est parfait. Cette vision extérieure idéale du couple est d’ailleurs accentuée par l’usage de filtres qui rendent l’image très onirique, légèrement floutée, des intérieurs très blancs, lumineux. Mais ce qui se cache sous la couette est autrement plus triste. La dichotomie devient forte lorsque des séances très crues de sexe s’intercalent.
 
 

C’est affolant de beauté et en même temps, d’une grande tristesse. Superbe. Merveilleusement filmé, Franchi a d’ailleurs été récompensé au Festival international du film de Rome en 2012, And They call it Summer pose plusieurs questions. L’amour fou permet-il de mettre tous ces désirs de côtés ? Est-ce que la sexualité est un fondement de la relation ? L’amour platonique se suffit-il à lui-même ? A nous de trouver nos propres réponses. Et je ne vous parle même pas de Jean-Marc Barr et Isabella Ferrari qui incarnent ce couple avec une élégance et une sensualité indescriptibles…et le tout en italien… Mamma mia !

 

ST/26.03.2015

jeudi 26 mars 2015

FIFF 2015: terre(s) éphémère(s) et fragilité(s)


Le silence vous effraie ? George Ovashvili va vous faire changer d’avis.

Dénué de dialogues, concentré sur deux personnages principaux, un grand-père et sa petite-fille, incluant une mini-intrigue, Corn Island se veut une réflexion profonde sur le cycle de la vie.

Un vieil homme débarque sur une île minuscule. Il prend la terre entre ses mains, la sent, la goûte. Il reviendra. C’est accompagné de sa petite-fille qu’il commence à construire une petite cabane de fortune. Ensemble, ils planteront du maïs. On les croit seuls au monde, jusqu’à ce que des soldats passent en bateau à moteur. On comprend alors que l’environnement n’est pas des plus sereins.
 
 

La petite île, située sur la rivière Inguri – frontière naturelle entre la Géorgie et l’Abkhazie- se retrouve au centre de conflits. Des coups feu viennent régulièrement briser le silence. Les soldats interpellent quelques fois le grand-père. Chacun parle dans sa propre langue, géorgien, abkhaze ou russe, personne ne se comprend.

Tandis que le temps s’égrène, que les épis de maïs poussent, la jeune fille a ses première règles. D’une beauté exceptionnelle, mais possédant encore ce charme innocent de l’enfance, elle éveille, inconsciemment, du désir chez ces hommes qui régulièrement passent aux abords de l’île. Jusqu’au jour où un fuyard vient se réfugier sur l’île. Premiers émois sensuels au milieu du champ de maïs.
 
 

Bouleversant de beauté, ce film nous propose une expérience sensorielle unique. La lenteur de l’action, bien que filmée de façon étonnamment fluide, nous invite au lâcher-prise total. Nos sens sont en éveil. Nos oreilles entendent les respirations, les crissements des maïs et des bottes de blé, les coups de feu. Nos yeux sont admiratifs de la superbe photographie et des plans au plus proche des protagonistes. Notre odorat sent les poissons fraîchement pêchés, la terre mouillée par la pluie. On en vient même à deviner l’odeur de la jeune fille. On frissonne régulièrement devant tant de beauté. Le rapport de l’homme à la nature, toutes les formes de nature, est au centre du film, rappelant les plus grands-chefs d’œuvre d’Akira Kurosawa. On ne peut s’empêcher de penser à Dersu Uzala dans la scène finale.

Epuré et minimaliste, le film n’en est pas moins dense. Il nous questionne aussi beaucoup. Où sont les parents de la jeune fille ? Pourquoi ce silence ? D’où vient cette complicité qui leur permet de se comprendre sans s’adresser la parole ? Quel est ce secret, ou cette douleur, qui les unit si fortement ?
 
 

Il existe des films que l’on voit avec plaisir, Corn Island se vit. Intensément. Une fable magique. Pour moi, le Regard d’Or de cette 29ème édition du FIFF. Aucun autre film jusqu’à maintenant ne m’a à ce point transportée, émue. Il m’accompagne encore deux jours après son visionnement. Quelque chose me dit que je n’ai pas fini d’y repenser.

Il m’est très difficile de vous parler de tous les films que je vois. Par manque de temps, et également par souci de ne pas devenir ennuyeuse. Mais je peux vous dire que les moments vécus durant ce festival, mis à part 2-3 films qui m’ont profondément agacée, resteront gravés dans ma mémoire. A l’image de cette merveilleuse Masterclass de Jean-François Stévenin, menée par deux gamins aux yeux brillants, Thierry Jobin et Ursula Meier, ou cette rencontre  bouleversante avec Alanis Obomsawin, qui m’a éclairée sur la situation des amérindiens ou encore l’expérience humoristique caustique proposée par Gyorgy Palfi dans son film aux accents buñueliens et kafkaïens, Free Fall.
 
Free Fall - Gyorgy Palfi
 
Soyez curieux, entrez dans des salles pour voir des films dont vous ne connaissez rien. Ça en vaut la peine et cela invite, bien souvent, à une profonde réflexion sur le monde qui nous entoure, mais nous amène aussi à se questionner sur notre propre existence.

Quelques fois, je me dis que je suis trop émotive pour ce genre de marathon cinématographique. Ça me fait autant de bien que de mal. Pour preuve, je n’ai pas pu assister à la projection de Silvered Water d’Ossama Mohammed. J’ai pris peur. Je me sentais trop fragile. Trop bouleversée par les merveilleux films que j’avais vus, j’ai soudainement été angoissée qu’on m’offre une vision cruelle d’un monde qui court à sa perte. Par manque de courage, je me suis préservée. Mais ce film, je le verrai. Je ne sais pas encore quand, mais je le verrai. Quand ce sera le moment. Que je le veuille ou non, je suis persuadée que ce sont les films qui nous choisissent. Vision romantique d’une cinéphile un peu barjot.

 

ST/ 26.03.2015

mardi 24 mars 2015

FIFF 2015 : désir féminin et zombies


A chaque jour sa petite touche d’érotisme. Avec la section Cinéma de genre consacrée aux films érotiques, c’est chose possible cette année au FIFF. L’occasion de voir autre chose que des obscénités telles que Fifty Shades of Grey – qui, comme l’a dit Thierry Jobin lors de la cérémonie d’ouverture « n’a d’obscène que le nombre de salles qui le programment" - est trop belle pour la laisser m’échapper.

Totalement séduite par la bande-annonce, lors de la préparation de mon programme de la semaine, j’ai mis Longing for the Rain dans ma liste des films que je tenais à voir absolument. Un film érotique chinois, qui plus est réalisé par une femme, je devais le voir. Je n’ai pas été déçue.

Issue du documentaire, Yang Lina, réalise là son premier long métrage de fiction. Dans un cinéma chinois essentiellement dominé par des hommes, l’audace de Yang Lina fait mouche. Les scènes de sexes, explicites, sont sans précédent dans l’histoire du cinéma chinois. La cinéaste dresse également un portrait sans concession de cette classe moyenne chinoise dont l’unique objectif est de gravir encore et encore dans l’échelle sociale, au détriment du bien-être personnel.
 
 
 

Selon la réalisatrice, la Chine serait en train de devenir un haut-lieu de la libération sexuelle. Les « coups d’un soir » ne seraient pas exception et le sexe serait accessible facilement, qu’importe qu’on ait de l’argent ou qu’on soit marié. Elle a ressenti la nécessité de faire un film sur le désir féminin, pour sortir des clichés patriarcaux véhiculés par le cinéma de son pays.

Longing for The Rain est un fascinant mélange : fantômes, drame érotique et documentaire social. La vacuité de la société chinoise actuelle est incarnée de façon assez cruelle par le mari de l’héroïne. Plus occupé à battre ses propres records sur un jeu vidéo qu’à aimer sa femme. Il l’honore de temps à autre de façon assez peu romantique. Tant qu’elle s’occupe bien de leur fille et qu’elle fait bien la cuisine, tout va bien. Lui, il travaille et ramène les sous à la maison. Cela n’empêche pas leur mariage d’être serein. Fang Lei, l’héroïne, une fois que sa petite est partie à l’école, occupe ses journées en faisant du shopping avec ses amies. Elles parlent un peu de sexualité, de vibromasseurs, avec quelques rires gênés. On comprend assez rapidement que sexuellement, ce n’est pas le nirvana pour la jeune trentenaire. Un jour, un mystérieux amant imaginaire apparaît dans ses rêves et lui fait l’amour passionnément. C’est la révélation. Cet homme, dont elle n’aperçoit jamais le visage, lui permet d’accéder à des sphères de plaisir qui lui étaient jusqu’alors inconnues. Elle s’épanouit, embellit, ses angoisses se calment… Elle n’est dès lors plus capable de différencier le rêve de la réalité. Craignant pour sa santé mentale – la culpabilité liée au plaisir fait sa grande apparition – elle rend visite à un prêtre taoïste qui doit la délivrer de ce « démon ». Cela fonctionne. Mais Fang Lei s’éteint petit à petit. Sombre dans la mélancolie et le vide. Elle fera tout pour retrouver son amant imaginaire, jusqu’à faire exploser son couple.
 
 

Le mélange des genres est absolument fascinant. La caméra est sans cesse au plus près de la peau de Fang Lei. En tant que spectateur, nous avons également de la peine à faire la part des choses entre la réalité et les rêves de Fang Lei. Plus subtile que sensationnel, ce film est bouleversant de beauté. Je ne peux que vous conseiller de vous y plonger.

La journée s’est poursuivie avec une projection unique d’un film rare : Néa de Nelly Kaplan. Tourné en Suisse en 1976, Néa, librement inspiré d’une nouvelle d’Emmanuelle Arsan – auteure d’Emmanuelle – conte les aventures d’une jeune fille, Sibylle, qui s’éveille à la sexualité. Détestant l’univers bourgeois dans lequelle elle est née, elle s’évade en lisant des livres érotiques qu’elle vole chez un libraire du coin (le beau Sami Frey…) et en écrivant un journal érotique. Pour être plus à même de comprendre les sensations d’une femme sexuellement active, elle signe une sorte de pacte avec le bibliothécaire.

Ce film est charmant de par sa facture. On dirait une succession de clichés de David Hamilton. Les dialogues ne sont pas très riches et l’omniprésence d’un chat nous fait sourire de nombreuses fois. Le côté subversif de ce film ne passe pas par les scènes de sexe édulcorées, mais bien par le message qu’il délivre : une jeune fille de 16 ans déflorée par un homme d’âge mûr, mais qui au final tient le couteau par le manche. Le corps extrêmement enfantin d’Ann Zacharias, qui interprète Sibylle, sème le trouble dans l’esprit du spectateur. Loin d’être un cliché de Lolita, le personnage de Sibylle entretient au contraire son côté enfant. Et ça crée un certain malaise.
 
 

Suivi d’une rencontre avec Edi Stöckli, plus connu sous son surnom de Porno Edi, le film a permis de faire la lumière sur ce qu’était le cinéma érotique, voire pornographique, dans les années 70. Discussion intéressante et croyez-le ou non, très drôle.

Ma journée s’est achevée sur un documentaire sur les zombies : Doc of the Dead. D’où viennent-ils ? Où vont-ils ? Qu’est-ce qui les rend si fascinants et en même temps si effrayants ? Pourquoi occupent-ils une telle place dans notre société actuelle ? Comment sont-ils passés du circuit relativement underground des séances minuit à un circuit plus mainstream ? Alexandre O. Philippe a proposé sa vision un peu décalée, mais néanmoins documentée, du phénomène.

 

ST / 23.03.2015

dimanche 22 mars 2015

FIFF 2015 : C'est pas tous les jours dimanche... même un dimanche!


Se réveiller un dimanche matin et se dire que la première chose que l’on fera après le café, c’est écouter Jean-Marc Barr parler du corps (surtout de son corps), du désir et du sexe au cinéma, y a pire moi j’dis ! L’homme est bien dans son corps, bien dans sa tête. Il assume sa sexualité et les chemins divers et variés qui l’on conduit à son épanouissement actuel. Un ravissement de l’écouter dialoguer avec Patrick Morier-Genoud.

Puis, flottant sur un petit nuage, je me suis dirigée vers la première projection de ma journée : Children’s Show, film philippin réalisé par Roderick Cabrido. C’est l’histoire de deux jeunes ados, quasi livrés à eux-mêmes, qui vivent chez leur grand-mère depuis le suicide de leur mère. Ils participent à des matchs de boxe très violents et flirtant avec la légalité afin de subvenir aux besoins du ménage. La relation fragile avec leur père alcoolique devient de plus en plus dangereuse. L’intention du cinéaste est bonne, le résultat nettement moins. Bien que la photographie soit très soignée, que les plans soient intéressants, la surenchère proposée par la bande-son poussée à fond représente tout ce que je déteste, surtout si elle n’est pas justifiée, comme dans les films d’Hélène Cattet et Bruno Forzani par exemple.  Les goûts et les couleurs me direz-vous ? Oui… et non. Le sujet, sensible à la base, ne nécessitait pas tant d’effets superflus. Le film perd en authenticité et on en vient à se sentir manipulé, ce qui n’est pas très agréable. La bande originale est insupportable tellement elle est binaire. A l’image des coups distribués me redirez-vous… oui… mais cela ne fonctionne pas de cette manière. C’est dommage, très dommage. Parce que ce film aurait vraiment gagné en qualité et en intensité si le réalisateur avait su rester fidèle à ses racines et n’avait pas voulu imiter un cinéma qui ne lui ressemble pas.
Children's Show - Roderick Cabrido
 
Un peu dépitée – et c’est suffisamment rare pour être signalé – j’ai modifié mon programme pour me diriger vers la section Cinéma de genre… un peu d’érotisme pour sauver cet après-midi. Et bien non ! Misère, misère… Quand ça veut pas, ça veut pas…

Si l’ennui peut véhiculer une charge érotique puissante, sous certaines conditions, celui présent dans Señoritas de Lina Rodriguez est mortifère. Cela faisait longtemps que je n’avais pas failli mourir d’ennui. Entre les interminables déambulations de l’héroïne dans des rues sombres, filmée de dos, la nuit,  et les séances de masturbation – dénuées de tout érotisme – c’est long… très long… trop long. Pour ne rien vous cacher, j’ai tenu une heure avant de quitter la salle. Peut-être aurais-je dû attendre le Q&A à la fin de la projection, mais sincèrement, je n’en pouvais plus. Et je regrette de le dire ainsi, mais vous qui me lisez et me suivez depuis quelques années, vous savez comment je suis. Je ne peux pas vous mentir, ni exprimer des sensations que je n’ai pas ressenties.
 
Señoritas - Lina rodriguez
 

J’ai donc écourté ma journée et décidé de m’octroyer une soirée peinarde à la maison, en visionnant un film qui m’a réconciliée avec le 7 ème art. Rassurez-vous, la crise fut de courte durée : Orson Welles me sort de ce genre de situation à la vitesse de l’éclaire !

En résumé, mis à part la Masterclass de Jean-Marc Barr, cette journée a été un échec. Cela dit, il est tout à fait normal que sur les quelques 130 films projetés, certains ne comblent pas toutes mes envies et mes attentes de cinéphiles un peu barjot. Cela n’entame en rien mon enthousiasme, car je suis réconfortée sur une chose : j’ai pris des risques. Et c’est cette prise de risque qui rend les festivals de cinéma si excitants. Et demain, on repart sur de nouvelles aventures !

 

ST/22.03.2015

FIFF 2015 : que la vie soit!


C’est parti, la 29ème édition du Festival International de Films de Fribourg s’est ouverte hier devant un parterre de personnalités issues du monde du cinéma et de la politique. Les jurys ne sont pas encore au complet, les festivaliers prennent leur rythme de croisière et les discours  s’enchaînent de façon fluide. Manuel Sager, directeur de la DDC souligne l’importance de la culture et sa nécessité de ne pas être considérée comme un luxe. L’humour et l’espoir sont, selon lui, des ressources de première nécessité. Thierry Jobin, directeur artistique du FIFF, a quant à lui souligné une nouvelle fois, et réaffirmé haut et fort, le rôle central des festivals de cinéma dans la défense de la liberté, et l’importance d’échapper aux différents mainstream, en s’ouvrant à d’autres cultures. Ne pas laisser l’inculture, qui mène aux amalgames ou à l’intolérance, s’installer.

Je pourrais vous parler de ce film qui a fait l’ouverture : Mr. Kaplan. Un film uruguayen d’Alvaro Brechner. Une comédie sarcastique qui s’attaque à la vieillesse, et au devoir de mémoire, mais qui accuse, malgré un rythme assez sympathique, quelques longueurs et maladresses. Je pourrais vous parler de La Bûche de Noël, le court-métrage d’animation qui nous a fait pleurer de rire, mon voisin de fauteuil et moi. Je pourrais aussi évoquer Gonzalez du mexicain Christian Diaz Pardo, qui parle du surendettement et du manque de scrupules de certaines Eglises.

Je pourrais aussi vous dire que j’ai collé un bec à Jean-Marc Barr. Que j’ai imité Flipper le dauphin pour le faire sourire et éventuellement négocier un bain de minuit dans la Sarine… Oui, je pourrais faire tout ceci. Mais j’ai surtout envie de vous parler d’un film. Un seul. Celui qui m’a mis la peau à l’envers, qui m’a retourné le cœur : Life May Be.

C’est une plongée dans l’intime que nous proposent Mania Akbari et Mark Cousins. Ces deux passionnés entretiennent une correspondance sur un support particulier : le film. Des lettres parlées, envoûtantes. Leurs voix, celle de Mark Cousins en anglais et celle de Mania Akbari en farsi, sonnent comme une douce musique à nos oreilles. Un duo d’anges qui se répond. Les tabous n’ont pas leur place dans cet échange épistolaire d’un nouveau genre. L’exil, le corps, sa nudité, l’’identité, la mémoire. Autant de thèmes qui sont abordés avec pudeur et élégance. Deux belles sensibilités qui partagent leurs expériences les plus intimes. C’est d’une beauté à tomber par terre.
 
 

Les textes de la poétesse iranienne Forough Farrokhzad subliment les souvenirs de Mania Akbari, tandis que des évocations de films et de réalisateurs  matérialisent ceux de Mark Cousins.
 
 " Quand ma confiance était pendue à la corde souple de la justice
Et que dans toute la ville
On morcelait les cœurs de mes lumières,
Quand l’on fermait les yeux enfantins de mon amour
Avec le bandeau noir de la loi...

Et que des temps troublés de mes yeux
Jaillissait le sang
Et que dans ma vie
Il n’y avait rien, rien que le tic-tac de l’horloge
J’ai compris : il faut, il faut, il faut
Que j’aime à la folie "

Et que des temps troublés de mes yeux
Jaillissait le sang
Et que dans ma vie
Il n’y avait rien, rien que le tic-tac de l’horloge
J’ai compris : il faut, il faut, il faut
Que j’aime à la folie "

L’importance de l’échange. La magie des voyages épistolaires. Pas besoin de visa pour, l’instant d’une lettre, passer de Rome à Malmö en faisant une escale à Téhéran ou à Londres. Des mots qui vous passent sous la peau et qui vous atteignent directement au cœur. Le tout, et c’est important de le relever, sans pathos, mais avec une authenticité bouleversante.

Un film qui pose les bonnes questions : qui sommes-nous ? Où allons-nous ? Sommes-nous conditionnés par la société dans laquelle nous avons grandi ? Quelle est notre réelle marge de manœuvre en matière de liberté ? La beauté formatée imposée aux femmes dans le monde occidentale est-elle à ce point éloignée de l’obligation de porter le tchador ? Quel est notre rapport au corps ? Le vide engendré par un exil forcé peut-il être comblé par quelques cartons entreposés à Téhéran qui attendent d'être envoyés à Londres? Comment remplacer les odeurs qui sont cruellement absentes?
 

 

C’est avec des gravures dansantes, des chants en farsi, des odeurs de pubs écossais, des paysages qu’on croirait surréels tant ils sont beaux que ces deux artistes donnent leur vision du monde. Le final, allégorique, sur fond de Requiem allemand de Brahms, terminera de vous emporter dans ce tourbillon de questionnements.









 
 
Un film que tout un chacun devrait avoir l’obligation de voir. Un film qui peut faire de nous de meilleures personnes.

Un film qui donne envie d’écrire des lettres. Ce que j’ai fait hier soir. J’ai écrit à Mania Akbari et Mark Cousins. Une lettre moderne : un mail. Mania m’a déjà répondu. Une réponse détentrice d'une bien belle promesse et d'un espoir commun : se rencontrer à la fin de la semaine, lorsqu’elle sera à Fribourg.

Il y a encore trois projections prévues. Ne les ratez pas.


 

 ST/ 21.03.2015

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 
 





mercredi 11 mars 2015

FIFF 2015 - demandez le programme!



Liberté : état de quelqu’un qui n’est pas soumis à un maître. Condition d’un peuple qui se gouverne en toute souveraineté. Possibilité d’agir selon ses propres choix et de s’exprimer sans subir de pression. La Liberté possède plusieurs facettes et le Festival international de films de Fribourg (FIFF) a décidé de lui donner la parole lors de sa 29ème édition, prévue du 21 au 28 mars prochain. 




Une compétition internationale de haut vol


12 films, plus de 20 pays représentés (en comptant les co-productions), voilà qui déjà annonce de bien belles couleurs. Les habitués du FIFF reconnaîtront avec plaisir certains cinéastes déjà présents dans les éditions précédentes. Par exemple l’extraordinaire Mania Akbari, réalisatrice iranienne établie à Londres et artiste audacieuse, qui présentera ses échanges épistolaires d’un autre genre avec Mark Cousins (Story of Film : an Odyssey) dans le très poétique et intime Life May Be. Emotions garanties  100% pour qui a déjà pu ressentir la force du travail de cette femme admirable. Adilkhan Yerzhanov, présent l’an passé avec le très étrange Constructors, verra son film The Owners entrer dans la compétition.  Je suis très impatiente de découvrir cette nouvelle proposition, tant son travail précédent m’avait laissée sceptique.
Les festivaliers auront également le plaisir de retrouver Géraldine Chaplin dans une co-production République Dominicaine, Argentine, Mexique, où elle incarne une française distinguée, transie d’amour pour une toute jeune femme qui vit grâce à la générosité des touristes sexuels. Sand Dollars  de Laura Amelia Guzman et Israel Cardenas, pose la question d’un choix : le cœur ou la raison ?
La liberté s’invite aussi dans la compétition internationale. Une liberté courageuse, défiante, celle de Jafar Panahi et de son film Taxi.  Au volant d’un taxi, le cinéaste iranien sillonne les rues de ce pays qui lui interdit de filmer, et dresse, au fil des conversations avec ses passagers, un portrait sans concession, tinté d’ironie, de l’Iran contemporain.
Et sinon, vous souvenez-vous de In the Name of Love de Luu Huynh, projeté en 2013 ? Ce film m’a fait découvrir qu’il existait un cinéma vietnamien. Et bien, ce cinéma-là revient cette année par la grande porte avec Flapping in the Middle of Nowhere  de Diep Hoang Nguyen. Radical et percutant, à l’image du cinéma sud-coréen également en compétition avec A Girl at My Door de July Jung.
Les liens très subtils qui  unissent une mère et son enfant sont abordés par le biais très original du ping-pong dans le film poétique Ata de Chakme Rinpoche, moine tibétain.
Les autres films en compétition peuvent être consultés ici.

Liberté : nom féminin


Revendiquer sa liberté, c’est savoir très exactement d’où l’on vient et quelles sont nos racines. S’il y a bien une femme qui le sait et qui le crie, c’est Alanis Obomsawin . Membre du jury international longs métrages, cette pionnière du cinéma amérindien n’a de cesse, depuis le début des années 70, de s’affranchir des préjugés liés aux « peaux rouges » et véhiculés par le western américain. Trois de ses documentaires seront d’ailleurs projetés dans le cadre de la section Nouveau Territoire : cinéma indigène nord-américain. Une belle rencontre en perspective.
Autre personnalité féminine membre du jury : Alix Delaporte. Cette cinéaste française, issue du journalisme et du documentaire, se fait remarquer avec son premier long métrage : Angèle et Tony. Une sensibilité frontale et réaliste comme on en trouve rarement dans le cinéma français. Son nouveau film, Le Dernier Coup de Marteau, récompensé par deux fois lors de la dernière Mostra de Venise, sera projeté durant la semaine du FIFF.
La suissesse de l’étape se nomme Ursula Meier. Celle pour qui Mike Leigh a inventé un prix à Berlin portera son regard rigoureux, authentique, simple et généreux sur les films en compétition. Elle mènera également une Masterclass aux côtés de Jean-François Stévenin, lequel a donné des couleurs à sa Carte Blanche.
Seul homme du jury international longs métrages, le cinéaste australien d’origine néerlandaise, Rolf de Heer

Alanis Obomsawin - photo courtesy of NFB

Erotisme et humour


Mesdames, sachez-le, il l’a fait. Thierry Jobin nous a « trouvé le petit français » ! Nous plongerons en compagnie de Jean-Marc Barr dans les eaux troubles du désir. En effet, il animera une Masterclass consacrée à la représentation du corps et du désir, directement liée à la section Cinéma de genre : Terra Erotica I. Nous pourrons également le (re)découvrir dans des films très charnels comme Too much Flesh ou encore And They call it Summer. Le cinéma érotique n’est pas l’apanage des hommes, comme nous le montreront deux cinéastes femmes. L’une est chinoise, Tian-yi Yang. Elle nous entraînera dans le monde mystérieux du fantasme au féminin avec Longing for the Rain. La seconde est colombienne, Lina Rodriguez. Elle dépeint dans Señoritas, la complexité d’une jeune femme, farouchement indépendante, convaincue qu’elle peut tout assumer toute seule, jusqu’au plaisir sexuel.
Pouvez-vous rire de tout ? C’est la question que pose la section Décryptage. En proposant des films aussi variés que Free Fall du hongrois György Pfàlfi, PlayTime de Jacques Tati ou encore l’excellent documentaire Caricaturistes, fantassins de la démocratie

Hommage à… : La Syrie


A travers le regard du réalisateur syrien Ossama Mohammed, c’est tout un voile qui se lève sur la Syrie, et son peuple qui ne cesse de se filmer. Les documentaires et les films de fictions sélectionnés par ce cinéaste passionnant racontent une histoire de la Syrie par le cinéma.  

Silvered Water, Syria Self-Portrait - Ossama Mohammed

A ne pas manquer…


Soyons réalistes : impossible de voir les 130 films proposés sur 8 jours. Donc, voici les films que je vous suggère de ne pas manquer, en plus de tous ceux déjà mentionnés ci-dessus :
-          Local God de Gustavo Hernandez (parce que les films d’horreur c’est fun!)
-          Néa de Nelly Kaplan (parce que y a Sami Frey dedans et que l’unique projection est suivie d’une rencontre avec Edi Stöckli, l’homme qui a introduit le cinéma porno en Suisse... et que ça va être drôle de l’entendre nous dire comment il camouflait les « schnäbeli » sur les pellicules…)
-          Doc of the Dead d’Alexandre O.Philippe (vous saurez tout sur les zombies… d’où ils viennent, où ils vont, dans quel état ils errent… et surtout, le matériel dont vous devez disposer pour vous en protéger… essentiel de nos jours !)
-          Silvered Water, Syria Self-Portrait d’Ossama Mohammed (parce qu’il est nécessaire de voir des images de la descente aux enfers de la Syrie filmées par les gens sur place à l’aide entre autre de téléphone portables. Ne fermons pas les yeux !)
-          Haemoo de Sung-bo Shim (parce que ce film est produit par Bong Joon-ho, l’incroyable réalisateur de Memories of Murder , Mother, ou encore The Host – le film qui a remis au goût du jour les films de monstres-  ou dernièrement Snowpiercer)
-          Kubot : The Aswang Chronicles 2 d’Erik Matti (parce que le rire sonore et contagieux du cinéaste philippin résonne encore dans les rues de Fribourg et qu’après un détour par le thriller – On the Job – il revient à ses premières amours: les films de monstres poilus…)
-          A Girl walks home alone at Night d’Ana Lily Amirpour (parce qu’une femme voilée, vampire qui plus est, qui erre dans une ville imaginaire où tous parlent le farsi, on ne peut tout simplement pas passer à côté)

Et un dernier conseil : n’oubliez pas d’être curieux !



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ST/11.03.2015