Lorsque que j’avais 9-10 ans, que
ma cinéphilie était encore balbutiante, je regardais les films de Charlie
Chaplin, Autant en emporte
le Vent et Le Docteur Jivago.
Quand on me demandait ce que je voulais faire plus grande, je répondais :
Géraldine Chaplin ou Scarlett O’Hara. Si j’ai compris assez rapidement que
Scarlett était une peste – mais bon, elle faisait quand même chavirer Clark
Gable – je n'ai compris que quelques années plus tard pourquoi j’étais tellement
fascinée par Géraldine Chaplin. Premièrement, elle est la fille de Charlie
Chaplin. Comme beaucoup d’enfants dont un des parents aime le cinéma, j’ai
grandi avec les films de Chaplin. Très jeune, mon papa nous a montré Le Dictateur, Le Kid ou encore
Limelight. Je me
rappelle avoir posé de nombreuses questions. Chaplin a donc indirectement participé
à mon éducation. Deuxièmement, j’ai compris en m’intéressant à la filmographie
de Géraldine Chaplin, qu’elle était une femme audacieuse, imprévisible.
Toujours là où on ne l’attend pas.
Ce matin, elle est venue
accompagner la projection de Sand Dollars, un
film de la République Dominicaine, merveilleusement réalisé par Laura Amelia
Guzman et Israel Cardenas.
Noeli est une très jeune femme
dominicaine qui vend ses charmes à des touristes. Elle n’est vraiment une prostituée,
mais elle profite des touristes, à qui elle joue la comédie de l’amour, pour
leur soutirer de l’argent. Les choses se compliquent un peu lorsqu’elle fait la
connaissance d’Anne. Ce qui change fondamentalement, c’est qu’Anne tombe
éperdument amoureuse de Noeli.
Anne a un rêve : ramener
Noeli en France. Elle lui procure un passeport et suffisamment d’argent pour
que la jeune dominicaine la suive.
Sans poser aucun jugement sur la
situation, les deux réalisateurs offre une vision très humaine de ce que peut
être le tourisme sexuel. Sauf que là, l’amour fait son apparition. On n’est
plus uniquement dans une situation de « blanc dominant ». Noeli, bien
que profitant des largesses d’Anne, se sent bien et en sécurité avec elle. Si
le pouvoir d’Anne est la richesse, celui de Noeli est la jeunesse. Un pouvoir
dont elle abuse aussi, mais jamais à l’encontre d’Anne. Profondément pudique et
nuancé, Sand Dollars
est bouleversant. Mettant en lumière plusieurs sujets tabous – tourisme sexuel,
amours saphiques, différences sociales – ce film aborde ces thèmes de façon
délicate. Tandis qu’Anne attend une démonstration d’amour sincère de la part de
Noeli, cette dernière attend la même chose, de Yeremi, son compagnon qu’elle
fait passer pour son frère. Toutes deux attendront en vain.
Un vrai coup de cœur. Géraldine
Chaplin sera à nouveau présente ce vendredi pour accompagner le film qui sera
projeté à 12 :15 à Cap Ciné. Ne ratez pas une occasion unique de croiser
cette femme merveilleuse que j’ai eu la chance de serrer fort dans mes bras. Un
grand moment d’émotion dont je me souviendrai longtemps.
Autre coup de cœur de la journée,
And They call it Summer
de Paolo Franchi. Accompagné sur toute sa durée par la chanson de Bruno Martino E la Chiamano
Estate, ce film italien de 2012, inédit en Suisse, nous propose d’entrer
dans l’intimité de Dino et Anna. Couple de quadras fous amoureux l’un de l’autre,
ils ne trouvent cependant pas le chemin de la sexualité. Dino est incapable de
faire l’amour à sa femme, préférant les rencontres éphémères avec des
prostituées ou des couples dans des soirées échangistes. Dino n’en est pas
moins très amoureux. Tous deux souffrent de cette situation. Dino en vient même
à retrouver les anciens amants de sa femme, dans l’espoir de comprendre comment
ils vivaient l’intimité avec elle, leur proposant même de la recontacter et de
reprendre leur liaison. Aucun n’accepte. La douleur qu’éprouve le couple est
palpable et plonge le spectateur dans une tristesse absolue.
Le récit est surprenant tant il n’est
pas linéaire. A nous, spectateur, de remettre les pièces du puzzle dans l’ordre.
Cela ajoute du trouble au propos. Un sujet qui touche profondément, car tout un
chacun a déjà connu une crise de désir, sans pour autant s’embourber à ce point
dans un amour transgressif et malsain. En apparence, le couple est parfait.
Cette vision extérieure idéale du couple est d’ailleurs accentuée par l’usage
de filtres qui rendent l’image très onirique, légèrement floutée, des
intérieurs très blancs, lumineux. Mais ce qui se cache sous la couette est
autrement plus triste. La dichotomie devient forte lorsque des séances très
crues de sexe s’intercalent.
C’est affolant de beauté et en
même temps, d’une grande tristesse. Superbe. Merveilleusement filmé, Franchi a
d’ailleurs été récompensé au Festival international du film de Rome en 2012, And They call it Summer
pose plusieurs questions. L’amour fou permet-il de mettre tous ces désirs de
côtés ? Est-ce que la sexualité est un fondement de la relation ? L’amour
platonique se suffit-il à lui-même ? A nous de trouver nos propres
réponses. Et je ne vous parle même pas de Jean-Marc Barr et Isabella Ferrari
qui incarnent ce couple avec une élégance et une sensualité indescriptibles…et
le tout en italien… Mamma mia !
ST/26.03.2015