Laura est une extraterrestre qui
s’est approprié le corps d’une terrienne. Au volant de son pick-up, elle
aguiche des hommes solitaires. Son arme : son corps parfait, sa sexualité.
Elle les entraîne dans une maison isolée où ils finissent happés par un sol
miroir qui se dérobe sous leurs pieds. Ils sont ensuite vidés de leur
substance, ne laissant flotter, comme un ballon vidé de son air, que leur enveloppe
charnelle.
Pour Laura, c’est un rituel. Une
obsession. Elle reste totalement insensible à leur sort et les tue les uns
après les autres avec la froideur d’un serial killer. Elle n’en retire même pas
un peu de plaisir. Pour qui, pourquoi le fait-elle ? Aucune réponse ne
nous est donnée. Un motard la suit dans la l’ombre. Quel est son rôle ?
Est-il le commanditaire de tous ces meurtres ?
Le schéma se répète inlassablement
durant la première heure du film, comme un credo hypnotique, jusqu’à ce qu’un
homme, dont l’apparence rebutante n’interpelle pas Laura, refuse de céder à ses
charmes. La machine infernale se trouve subitement grippée.
Scarlett Johansson en mante
religieuse à la sexualité vorace ? Nombreux sont ceux qui en ont rêvé.
Jonathan Glazer l’a fait et offre une vision du corps de l’actrice comme rarement
avant. Tour à tour piège meurtrier pour hommes à la libido exacerbée puis
source d’interrogations pour celle qui prendra peu à peu conscience du manteau
humain qu’elle porte. Elle découvrira des émotions et des sentiments, principalement
la peur et le désir, et que cette peau sous laquelle elle vit n’est en réalité
pas faite pour assouvir ses désirs. Elle observera son corps, habillé d’une
lumière rouge sang superbe, avec perplexité. Elle se mettra en péril en
laissant peu à peu la nature humaine lui entrer par les pores.
Un film étrange et fascinant. Sa
lenteur et le parti pris esthétique y sont pour beaucoup. L’absence quasi
permanente de dialogues associée à une musique proche de l’obsessionnel, à des
bruits industriels, au brouhaha de la rue et des pensées des gens qui y
circulent, crée un climat hautement anxiogène.
Alors oui, on peut reprocher à
Jonathan Glazer une économie de moyens, des passages trop épurés, voire
cliniques, peut-être même une certaine prétention, mais il n’est pas de meilleure
façon pour glisser de la science-fiction à la réalité crue et pour donner du
corps à ce film résolument dérangeant et effrayant.
Disponible en DVD et Blu-ray chez Ascot Elite Home Entertainment.
ST / 16.11.2014