Un petit bout de femme monté sur ressorts, doté d'une énergie qui ferait pâlir de jalousie un lapin Duracell, c'est un peu Caroline Vié: journaliste de cinéma reconnue, qui a longtemps participé à l'émission "Le Cercle" sur Canal +, membre de la commission de classification du CNC, auteure d'un premier roman et maman qui court les séances de parents d'élèves. Une femme rock'n'roll qui n'a pas la langue dans sa poche, qui bénéficie d'un humour ravageur et qui est bardée de tatouages : un totoro dessiné par Miyakazi, un gland dessiné par Peter de Seve, créateur de Scrat, et last but not least, un prochain double tatouage dessiné par Tim Burton himself... Cette originaire de Toulouse, qui a rejoint la Ville Lumière lorsqu'elle avait 4 ans, m'a accordé une heure. Une heure de bonheur, de rigolade, de discussion entre femmes aussi. Une "rencontre" qui m'a touchée, et qui au-delà de la passion commune du cinéma, m'a permis de découvrir que je partageais un autre point commun avec cette femme : le goût pour les "brioches"... En surveillant d'un oeil sa fille qui décorait "façon cascadeuse" le sapin de Noël, Caroline Vié a eu la gentillesse de répondre à mes questions.
Caroline, quel a été votre premier contact avec le cinéma?
J'étais très jeune. Je devais avoir 5-6 ans lorsque j'ai vu "Astérix
et Cléopâtre" au cinéma avec ma maman. Mais c'est "L’Inconnu
du Nord-Express" qui a vraiment été le déclencheur de ma cinéphilie. J'ai tout de suite été fascinée par Hitchcock. Lorsque j'étais en 6ème, j'ai fait un exposé sur Alfred Hitchcock. Ma maman m'a laissée regarder le Ciné-Club qui passait en fin de soirée, m'a emmenée à la bibliothèque pour trouver le livre que Truffaut avait écrit sur Hitchcock.
J'ai dû voir "Psychose" à 10 ans... ça m'a terrorisée! Surtout la scène de la douche. Mais j'ai adoré. Je n'ai pas été traumatisée. Je ne pense pas que l'image soit dangereuse. Hitchcock a un sens du suspens extraordinaire et ses films possèdent plusieurs degrés de lecture. Gamin, on est fasciné par l'histoire et en grandissant on y ajoute un degré de lecture supplémentaire. Enfant, les films d'Hitchcock agissent un peu comme des contes. La mort d'Hitchcock m'a attristée, j'aurais aimé le rencontrer.
"Vertigo" qui a ravi la place de "meilleur film du monde" à "Citizen Kane", vous en pensez quoi?
Je m'en fous! (rires) Ces classements ne veulent rien dire! C'est un débat de cinéphiles poussiéreux. J'aime autant "Vertigo" que "Citizen
Kane", tous les deux ont leurs forces et leurs faiblesses. Et puis on peut aimer les pommes et les poires (rires), les pommes ne sont pas meilleures que les poires.
Vous avez été sollicitée pour voter pour l'élaboration de ce classement?
Je ne crois pas. Ou alors si je l'ai été, j'ai oublié. Ou alors j'ai supprimé le mail... (rires)
Je suis tellement souvent sollicitée pour plein de votes vous savez...
Vous avez commencé par écrire dans des fanzines. Quelle était votre motivation? Vous vouliez déjà faire du journalisme?
Oui! J'avais surtout envie de faire des rencontres plus que des analyses de films. J'avais 17 ans, je parlais anglais et j'ai donc pu écrire pour Ciné-Zine Zone parce qu'ils cherchaient des gens qui parlaient anglais. C'est une histoire de rencontres. Cependant, je pense que ce que j'écrivais à l'époque ne devait pas être très passionnant (rires) C'est un homme, Pierre Charles, qui m'a mis le pied à l'étrier.
Vers 1984, j'ai ensuite écrit pour "L’Ecran
Fantastique". Et je me souviens avoir pu voir Richard Burton avant qu'il ne meurt. C'était pour le film "1984". Actuellement, j'écris majoritairement pour le quotidien "20 Minutes".
Qu'est-ce qui vous a donné l'envie d'écrire un roman?
J'avais envie de savoir si j'étais capable de sortir du carcan journalistique. Une envie de plus de liberté. Cela a pris du temps. Du moment où j'ai rencontré "Brioche" à sa publication, cela a pris une petite dizaine d'années. "Brioche" existe vraiment.
Mais rassurez-moi, vous ne l'avez jamais séquestré?
Justement, il est dans ma cave et c'est bientôt l'heure du repas (rires)...
Votre livre engendre beaucoup d'images dans l'imaginaire du lecteur. Vous avez pensé à la possibilité de le porter à l'écran?
Pas du tout! Je n'y ai même pas pensé en l'écrivant. D'ailleurs, je ne suis pas certaine que ce soit une histoire faite pour. J'avais envie de montrer que la beauté et le bonheur n'ont pas les mêmes caractéristiques pour tout le monde. C'est une passion impossible, ce n'est pas "Misery"!
L'héroïne aime vraiment "Brioche" et elle essaie de le convaincre, à sa manière certes, de l'aimer. Elle souffre terriblement, beaucoup plus que lui. Elle fout sa vie en l'air par amour pour lui. Écrire un scénario? Ce n'est pas mon truc. J'ai essayé, mais non. Je préfère le roman.
Vous vous sentez privilégiée dans votre métier de journaliste de cinéma?
Bien sûr. J'exerce un métier qui me plaît, que j'ai choisi, et je gagne correctement ma vie. C'est un luxe de nos jours. Malheureusement, je ne couvre que peu de festivals. Je travaille pour un quotidien et je suis maman, donc difficile de s'absenter sur une longue durée. C'est un métier où l'on voit beaucoup de merdes, beaucoup de mauvais films, ce qui permet d'apprécier encore plus les très beaux films lorsqu'ils arrivent. La différence lorsque l'on exerce ce métier, c'est que l'on ne choisit pas ce que l'on va voir... et je peux vous assurer que pour certains films, même le fait que ce soit gratuit, ça ne suffit pas! (rires)
Vous avez un genre de film que vous appréciez particulièrement?
J'ai des goûts éclectiques... mais disons que je préfère un petit polar bien fichu à une comédie romantique. J'ai beaucoup consommé de films d'horreur, mais ceux qui sortent ces dernières années sont relativement décevants. Sinon, je m'intéresse beaucoup à l'animation.
En parlant d'animation, c'est quoi cette identification à Scrat?
Scrat, c'est moi! C'est l'épitomé de l'obsession. Il fait plein de bêtises pour conserver son gland... et il ne le mange même pas! C'est tout moi ça... (rires) Tout le monde a son gland... (rires)
Vous vous lancez dans l'écriture de votre deuxième roman. De quoi parlera-t-il?
Il parlera de la maladie d'Alzheimer. Je suis un peu terrifiée d'ailleurs. J'espère faire aussi bien que "Brioche". J'essaie d'écrire ce que j'ai envie d'écrire, de la façon dont j'ai envie de le faire, avec mon style personnel. Il y aura certainement des allusions au cinéma, mais cela ne parlera pas de cinéma. Je vais parler de mon expérience personnelle avec la maladie d'Alzheimer. Si tout va bien, il devrait être prêt pour la rentrée littéraire 2014...
Merci Caroline Vié!
BRIOCHE
"Brioche", est le premier roman de Caroline Vié. C'est l'histoire d'une journaliste de cinéma qui un jour croise un acteur qui lui retourne le coeur. Il est commun, un peu grassouillet, n'a rien de particulièrement séduisant. Pourtant c'est lui et rien que lui qu'elle désire. Il ressemble à une brioche dorée... et la gourmandise de la journaliste n'a plus de limites. Edité aux Editions JC Lattès, ce roman est à lire d'urgence!
Propos recueillis par téléphone le 24 novembre 2012 / Cinécution