Alix (Emmanuelle Devos) est comédienne. Elle a rendez-vous à Paris pour une audition. Elle s'y rend en train. A peine installée sur son siège, elle croise le regard d'un homme plus âgé (Gabriel Byrne). Un de ces hommes au charme discret et à l'air mélancolique. Leurs yeux deviennent des fenêtres ouvertes sur le désir. Tantôt pudiques, tantôt remplis d'envie ou encore délicatement esquivés, les coups d'œil que se lancent ces deux-là sèment le trouble. L'homme tente une approche à la fin du voyage demandant à Alix comment se rendre à l'Eglise Ste-Clotilde, mais un voyageur logorrhéique brise cet instant. Chacun part de son côté.
Entre une audition ratée, un compte en banque bloqué, un portable qui rend l'âme et un compagnon injoignable, Alix tente de jongler avec tous ces aléas. Et si finalement elle lâchait prise et décidait de suivre ses sentiments profonds? Elle part retrouver l'homme du train à Ste-Clotilde.
Se laisser toucher par la grâce de l'inattendu... voilà ce que propose Jérôme Bonnell dans son dernier film. L'histoire de deux âmes, de la rencontre à l'intimité, presque en temps réel. Bonnell ne souhaitait pas que cette journée particulière soit prétexte à mille et une péripéties. Il prend son temps, laisse l'espace nécessaire à la tension amoureuse de s'installer.
Victimes d'un coup de foudre aussi bien muet qu'immédiat, les deux personnages, qui pensaient être à l'abri de l'imprévu, avoir une capacité de recul face aux évènements, se retrouvent happés par leur sentimentalité. La source d'amour qu'ils pensaient tarie par le quotidien, l'expérience, se trouve brutalement alimentée par une vague d'émotions.
Le fait qu'Alix doive s'exprimer en partie en anglais pour communiquer avec l'homme du train, rend son discours limpide et direct. Elle doit aller à l'essentiel avec le peu de vocabulaire anglophone qu'elle connaît. C'est un petit masque, une composition, qui lui permet d'oser certaines choses, mais en fait, qui lui permet surtout de devenir elle-même. Elle prend enfin sa vie en mains, elle qui ne faisait qu'attendre. Attendre ses cachets qui ne viennent pas, attendre de joindre son compagnon, attendre d'annoncer une nouvelle qu'elle garde pour elle depuis plusieurs semaines. Elle exprime enfin ses désirs intimes et c'est le début d'une nouvelle vie.
Avec ces regards qui se cherchent, ces corps qui s'attirent, ces peaux qui se réclament, Bonnell nous montre l'immédiateté du coup de foudre, la naissance du désir, avec beaucoup de sensibilité et une grande pudeur. Je regrette cependant qu'il n'y ait pas plus de passion. Une telle attirance engendre inévitablement son lot de maladresses - c'est effrayant ce genre de sentiment - mais génère surtout des envies fortes et irrépressibles. Bonnell est resté très sage dans l'illustration de ces deux corps qui trouvent un chemin l'un vers l'autre. Il manque un peu de folie pour véritablement exprimer ce que représente céder à une telle pulsion.
L'humour n'est pas en reste. Distillé subtilement, et lors d'occasions qui nous parlent à tous, il donne un brin de légèreté à ce très beau film. Bonnell termine cette journée extraordinaire en points de suspension... libre à chacun de les interpréter. Et qu'est-ce que c'est beau les points de suspension...
Votre Cinécution