crédit: Fred-Eric de la Vignalière |
Michael Lonsdale était à Fribourg
au début du mois de décembre. Marie-Dominique Minassian, professeure auprès de
la faculté de théologie de l’université de Fribourg, l’a invité à venir lire des
textes issus de son livre : De la Crêche à la Croix. Des textes signés
Christophe Lebreton, moine de Tibhirine. Qui mieux que celui qui a incarné un
bouleversant Frère Luc dans Des Hommes et
des Dieux de Xavier Beauvois pour ce faire ?
L’occasion était trop belle pour
la laisser s’échapper. Une demande d’entretien a donc été faite. Et quelle
surprise, je ne serais pas seule, mais accompagnée d’un ami cinéphile averti, qui
avait lui aussi fait une demande. Julien Comelli, responsable du cahier cinéma
de La Gazette de la Région (www.la-gazette.ch)
et moi, avons donc eu le privilège de nous entretenir une heure avec Michael
Lonsdale.
Avec une gentillesse affolante, une
tendresse et un humour infinis, Michael Lonsdale s’est livré. De Truffaut à
Welles, en passant par Molinaro, Buñuel et sa grande amie Marguerite Duras, le
comédien a partagé de nombreux souvenirs, est revenu sur quelques anecdotes de
tournage. Avec la simplicité et l’humanité qui le caractérisent, il a accepté
de répondre à nos questions. Beaucoup d’émotions, quelques larmes de joie, des
rires et des yeux d’enfants. Bonne lecture !
Stéphanie Tschopp : Comment êtes-vous entré en contact avec le
cinéma ?
Le premier cinéma que j’ai vu,
c’était par hasard. A Londres. Il y avait, dans un musée de mécaniques – on
appuie sur des boutons et on fait marcher des tas de trucs – des projections de
films de Charlot. J’ai été frappé par ce petit bonhomme qui faisait rire. Ça
m’a impressionné. Et puis après, j’ai développé peu à peu une passion pour le
cinéma et les comédiens. A Londres, j’ai aussi vu Blanche-Neige.
J’ai eu une peur pas possible. J’en ai fait des cauchemars à cause de la
sorcière ! Je la vois encore avec ses ongles et le miroir… Il ne faut pas
montrer ça aux enfants, ce n’est pas bon. Je sais bien que les enfants aiment
avoir peur. Il faut leur raconter des histoires. Mais là, c’était terrifiant.
Et c’est drôle, quand on est parti au Maroc – on devait y rester six mois, on
est resté dix ans, pendant la guerre – il y avait une émission enfantine à
Radio Maroc. Un copain m’a dit qu’une dame cherchait des enfants qui savent
lire et jouer. J’y suis allé. Et mon premier rôle a été Atchoum dans
Blanche-Neige et les sept Nains (rires) On
chantait et on s’amusait. C’était formidable ! Je n’aurais pas raté ça
pour un empire !
Pendant la guerre au Maroc, il
n’y avait pas grand-chose. Il a fallu attendre le débarquement des alliés pour
que le cinéma revienne. Une indigestion de films ! Je n’allais pas à
l’école, j’avais le cinéma permanent : John Ford, les films de guerre américains…
J’ai commencé à me dire que j’aimerais faire ça un jour. J’avais envie, mais
cela me semblait inatteignable et impossible. On achetait des chocolats.
Dedans, il y avait des petites photos de comédiens. Je les recueillais
soigneusement et je leur faisais la classe. Des trucs de gosses (rires) Mais je m’arrangeais toujours
pour que ce soit Greta Garbo la première ! (rires)
ST : Vous parlez d’enfance, de jeu… Vous avez toujours conservé
cet état d’esprit dans votre métier, non ?
Oui. Je le dis souvent :
nous jouons ! Nous jouons comme des gosses, mais nous sommes des adultes.
Je pense que pour les enfants, c’est un grand bonheur lorsque les parents
racontent la petite histoire avant de dormir. Ils ne peuvent pas dormir s’il
n’y a pas cette petite histoire. Ça s’inscrit dans les gênes. Lorsque je
demande à des gens pourquoi ils vont au cinéma ou au théâtre, ils me répondent
que c’est pour se changer les idées. Je leur dst alors : « vous ne
pensez pas que c’est encore un reste de votre enfance où vous aviez besoin qu’on
vous raconte des histoires ? »
On me demande aussi comment on
passe de Moonraker à
Marguerite Duras. Je le répète : nous jouons ! Il ne faut pas en faire une histoire incroyable ! Moi,
je n’aimais que ça enfant : jouer !
Pour jouer, ça j’étais là. Pour les études, c’était assez
catastrophique. Je ne comprenais rien aux mathématiques. Il faut toujours faire
attention : quand les gosses ne comprennent pas, c’est qu’ils sont
prédisposés à autre chose qu’à faire des études.
Julien Comelli : Vous parliez de Moonraker, comment avez-vous atterri sur ce tournage ?
Ayant parlé l’anglais jusqu’à
l’âge de dix ans, ça m’a beaucoup servi. En France, on m’a dit : tu ne
peux pas faire Duras et James Bond. Et j’ai dit : mais si ! C’est ça
qui est amusant.
Le géant, Richard Kiel, je l’ai
rencontré la première fois à la cantine du studio. Les américains avaient loué
tous les studios de Paris pendant 6 mois. Je lui parlais en anglais et je lui
demande ce qu’il veut boire. Il me répond un café, mais dans une grande tasse,
parce que sinon, il n’arrivait pas à passer son doigt dans l’anse (rires) Il était
gentil et simple.
Sur le tournage, il y avait un
monsieur qui ne faisait que transporter son appareil dentaire dans un coffret.
C’était lourd et toutes les deux heures, on faisait une pause. Il était marié,
son épouse lui arrivait à la ceinture (rires).
Elle était enceinte jusqu’aux oreilles et elle a accouché durant le tournage.
Un jour, il est arrivé avec le bébé dans ses mains. Ses deux mains réunies
faisaient un berceau. Et le regard de ce géant devant ce bout de truc, c’était
inoubliable. Il faut voir des choses comme ça dans la vie. Il était émerveillé.
Moonraker, Lewis Gilbert, 1979 |
ST : Vous dites que ce n’est pas forcément le genre de film que
vous appréciez en tant que spectateur…
Vous savez, je suis très anglais.
En France, si on ne fait pas attention, on très vite classé, soit Rive droite,
comédies de boulevard, soit Rive Gauche, les intellectuels. Et on n’aime pas
que l’on change de catégorie. Ce qui est idiot. En Angleterre, on s’amuse
beaucoup. Laurence Olivier, qui savait, à 20 ans, qu’il allait jouer tous les
rôles de Shakespeare, tous, à alterner avec pièces de boulevard pour se
détendre. J’ai beaucoup appris avec le théâtre de boulevard. Ma joie a commencé
à exister vraiment lorsque je suis passé Rive gauche avec Ionesco, Beckett,
Duras. Le plus grand plaisir pour moi a été de faire des choses qui n’avaient
jamais été faite. Jeune, on m’a demandé d’entrer à la Comédie française. J’ai dit
non.
ST : Ce qui veut dire que vous avez beaucoup joué et mis en scène
des auteurs contemporains ?
Oui, oui, oui. Avec Beckett on a
fait des choses incroyables. Aucune psychologie, que des choses mécaniques.
Beckett tenait à cela. C’était jouissif. On récitait notre texte à une vitesse
de mitrailleuse. Avec Ionesco aussi. Un homme complètement fou ! J’ai vécu
des moments inoubliables. Et évidemment avec Duras.
ST : Vous aviez une amitié particulière avec Marguerite
Duras ?
Oui. On s’est connus pour jouer L’Amante anglaise avec Madeleine Renaud.
Madeleine remplissait les salles. Elle pouvait jouer Marivaux, mais aussi Harold et Maud.
JC : On saute un peu du coq à l’âne, mais j’aimerais que vous
parliez d’un film qui m’a beaucoup marqué : La Traque
de Serge Leroy.
Terrible ce film !
Dur ! Le tournage était pénible. Mimsy Farmer avait un rôle difficile. Je
n’ai pas de souvenirs précis. C’était du travail. Pas vraiment ce que j’aime.
Il faisait très froid. On a tourné ça en Normandie, dans les étangs de je-ne-sais-plus-où.
On a gelé sur ce film.
JC : Dans le même ordre d’idée, les films un peu oubliés, il y a
un film que j’aime beaucoup : Les
Œufs brouillés.
Mais oui, bien sûr ! Je me suis inspiré de
Giscard. Là, j’ai des souvenirs plus plaisants. Le président débarque dans
une famille, un peu en avance, et propose de faire des œufs brouillés. Le film n’a pas été projeté à l’Elysée, ou
alors on ne nous a rien dit (rires)
Evidemment, aller comme ça chez les gens, c’était très original.
ST : Est-ce qu’il y a un film que vous avez tourné, qui vous a
changé ?
Non, il y a eu des moments très
merveilleux, avec Orson Welles par exemple. Ce n’était pas un rôle très long,
mais quel plaisir d’être avec ce bonhomme que j’adulais !
ST : Orson Welles est la raison de mon célibat…
Ah bon ? Mais il est
mort ! (rires) Ouh, il était
séduisant et fascinant. C’est un surdoué. Et puis, c’est un américain qui a été
chassé au moment de La Dame de Shanghai. La
production a dit qu’il dépassait les limites. Il est parti pour l’Europe. Il a
le sens de l’énorme.
ST : Dans Le Procès justement,
il va à l’envers des idées de Kafka…
Il va à l’envers du climat petit
bureau sombre, triste : 300 secrétaires ! Et il a modifié la fin, ce
que j’ai trouvé dommage. Oui, quand on emmène Monsieur K dans le terrain vague
pour l’égorgé, il y a une image frappante : il voit au loin, un homme en
blanc au balcon d’un immeuble. Qui c’est ça ? Le Christ ? Un
ange ? Et évidemment, ça finit par une bombe atomique. Bon, ce sont ses
idées à lui. C’est le dernier film où il a été heureux. Il a eu tout ce qu’il
voulait. Son grand défaut, c’était de demander toujours plus d’argent que ce
qui était prévu. Il avait à cœur de ruiner les producteurs. Il les
détestait ! Et là, le producteur, très malin, lui a donné une somme
importante, et il a gardé le double, sans rien dire. Il savait
qu’inévitablement, après 15 jours, Welles allait lui demander une rallonge. Il
avait une voiture splendide, bourrée d’alcool et de cigares.
Cette rencontre a été une grande
surprise. Je jouais une pièce avec Laurent Terzieff, dans un petit théâtre, et
un soir on me dit qu’Anthony Perkins est dans la salle. Tiens, comment ça se
fait qu’une telle star vienne dans un si petit théâtre. J’ai su bien après.
Après la représentation, je rentre à la maison et, j’avais une employée de
maison qui ne parlait et n’écrivait pas très bien le français, et je découvre
un message : « Appeleur Monsieure Willis. HURGAENT » Il était
tard, je prends le téléphone. Bonjour, je suis Michael Lonsdale, je…
« Hello, I’m Orson Welles. I want to speak to you. » J’ai cru que
c’était une blague ! Je suis allée au studio de Billancourt. Il était très
gentil. Et j’entends, dès l’entrée du studio des grognements, je me suis
dit : c’est lui, sans doute. Il m’accueille, on parle théâtre et me tend
le scénario du Procès. Je me suis précipité pour le lire.
C’était court. On a passé une
soirée, une nuit à tourner. On m’a maquillé, on a répété. Et il fallait faire
les lumières. Alors Monsieur Welles s’en va, suivi par Perkins qui le suivait
comme un petit chien. Et ils sont allés au cabaret. Deux heures
d’éclairage ! J’attendais dans ma loge et on est venu me chercher.
Première prise. Deuxième prise. Welles aimait beaucoup les comédiens.
Le Procès, Orson Welles, 1962 |
JC : En parlant de réalisateurs importants, on a eu un grand débat
avec Stéphanie hier soir, on ne savait pas si on pouvait vous poser la
question. Je vais vous montrer une photo. Comment êtes-vous arrivé dans ce film
(Le Fantôme de la Liberté)
et cette scène qui est absolument extraordinaire?
Oui, c’était très joyeux ! Vous
savez, pour Buñuel, on ferait n’importe quoi, parce qu’on sait qu’il a raison.
Parce qu’il a modifié, le jour du tournage, je ne sais plus vraiment quoi, mais
cela ne devait pas se passer comme ça. On ne découvrait pas mes fesses dans la
salle de bain. C’était drôle ce tournage ! Il y avait un plan où je tenais
un verre pour porter un toast et lui, il était dans son coin, en répétant, il
me disait de monter le verre. On l’appelait Don Luis. Mais pourquoi plus haut,
Don Luis ? C’est pour lui faire plaisir. J’ai trouvé la motivation très
bien (rires) Il n’était pas très
chaleureux, un peu distant. Les choses ont changé lorsqu’un jour, j’étais à la
cantine du studio et il arrive. Il m’a demandé si j’étais heureux. Je lui ai
répondu que oui, que c’était un plaisir de travailler avec lui, que j’étais
très honoré. Et il me répond qu’il est vieux, qu’il est très seul, que tous ses
amis sont morts. Je lui ai dit : Don Luis, j’ai très bien connu un de vos bons amis, José Bergamin, le poète espagnol en exil à Paris, chassé par
Franco. Malraux l’avait accueilli. Je suis monté dans son estime. A partir de
là, ça a changé.
Le Fantôme de la Liberté, Luis Buñuel, 1974 |
ST : Le public vous aime depuis toujours. D’ailleurs, je me suis
rendue compte que certains connaissent votre visage, votre voix, mais ne se rappellent
pas de votre nom…
Oui… ils m’appellent Michaël,
Michel… On n’a pas fait attention au départ, et mon nom a souvent été
orthographié comme Michel. C’est pas grave, c’est Michael en français… Mais
j’étais très fâché lorsqu’une copie d’India Song est sortie
et qu’ils ont écrit Michel. Mais enfin, ce n’est pas grave.
JC : En regardant votre filmographie, on voit quand même trois
catégories de rôles dans lesquels vous apparaissez : un dirigeant, dans
les films d’espionnage ou des rôles qui
ont à voir avec la religion ou l’Eglise… Vous n’avez jamais eu peur d’être
catalogué ?
Oui, c’est vrai que, sans le
faire exprès, j’ai fait une douzaine de
pasteurs ou de prêtres. Non, je n’ai pas peur d’être catalogué. Je fais
attention. C’est vrai que l’on a tendance, dès qu’il y a un rôle de religieux,
de me le proposer. Il y a eu une période où j’ai fait beaucoup de rôles
antipathiques, ça a d’ailleurs commencé avec La
Mariée était en noir, un terrible bonhomme prétentieux et idiot. C’est
un chauffeur de taxi qui un jour m’a demandé pourquoi je faisais toujours des
personnages antipathiques. Vox populi… je me suis dit : il faut arrêter.
Je refuse maintenant ce genre de rôle. Il ne faut pas que cela devienne une
spécialité. On aime ça, en France, nous mettre dans des cases. Et il y a eu ensuite toute une série de
religieux, jusqu’au formidable Frère Luc dans Des Hommes et des
Dieux.
ST : Justement, le public vous apprécie beaucoup, mais la
profession a tardé à vous récompenser. Quand vous avez reçu votre César pour le
rôle du Frère Luc, vous avez dit : « Tu es là petit coquin, tu t’es
fait attendre ! » Était-ce plus une boutade ou un réel
sentiment ?
Oui bien sûr, c’était une
boutade. ! Je ne cours pas après
les prix. J’avais été nommé, plusieurs fois déjà, mais je n’avais pas reçu de
César. Bon, ben, c’est arrivé. Et ça m’a fait plaisir (rires)
César du meilleur acteur dans un second rôle Frère Luc dans Des Hommes et des Dieux, Xavier Beauvois, 2011 |
ST : Par rapport à la foi, vous êtes quand même assez timide,
assez réservé, assez discret, qu’est-ce
qui vous a poussé à en parler de manière si ouverte ?
Parce qu’on me l’a demandé.
ST : C’est quand même quelque chose de très intime…
Pas du tout ! Ce n’est pas
intime la foi, pourquoi ? Non, non, non. Lorsque l’on est croyant comme je
le suis, on en parle, c’est la foi ! Alors oui, ça s’est su. A un moment
de ma vie, après des années de longues souffrances, avec une maman paralysée
pendant 11 ans, on m’a demandé, dans le métier, et plus particulièrement des
prêtres, de faire des lectures. Et j’ai accepté, volontiers. Quand maman est
partie, c’était très dur. Je ne voulais pas qu’elle soit à l’hôpital. Elle est
restée à la maison, avec des infirmières, 24 heures sur 24. Il m’est arrivé de
faire des films parce que j’avais besoin d’argent. Mais voilà… Ensuite, Actes
Sud m’a demandé de faire un petit livre qui s’appelait Oraison. Et on me l’a demandé de plus en plus. Je n’aurais jamais
pensé, il y a 15 ans que j’en serais
déjà à 8 livres. Mais non, je trouve que
la foi, il faut en parler. Il fut un temps, il y a plus de 25 ans, j’en parlais
beaucoup dans le métier et on me
demandait de ne pas embêter avec ça. Mais quand le mur de Berlin est tombé, on
ne savait plus vraiment en quoi croire. Les artistes sont toujours à la
recherche d’une reconnaissance. Ils ont toujours besoin d’amour et qu’on les
aime. Cela les pousse à réussir. A travers le jeu, ils se soignent. Moi j’avais
besoin de continuer à jouer, comme les enfants. Il y avait des choses en moi
qui avaient besoin de s’exprimer. Lorsque j’ai été baptisé, à l’âge de 22 ans,
par un religieux merveilleux qui m’a dit : « vous ferez au public des
confidences que vous ne ferez à personne dans la vie. A travers le rôle, vous
oserez dire des choses. » C’est ce qui est arrivé avec India Song.
ST : Etre comédien pour vous, c’était aussi une façon de montrer
que vous existiez ?
Oui, c’est ça. Sans doute. J’étais
un enfant adultérin que l’on a caché. Vous savez, les enfants enregistrent
tout. Ah, c’est comme ça, on a voulu me cacher, ben je vais te montrer que
j’existe ! Il y a un peu de tout ça.
ST : Vous avez dû faire un peu violence à votre douceur,
non ?
Mais non, pourquoi ?
ST : Ce n’est pas trop difficile de sortir de vous comme ça ?
Mais non ! Dans India song, je criais ! Vous savez,
chez Marguerite Duras, l’amour est une espèce de chose inatteignable. Elle ne
pense qu’à ça. Toute sa vie elle a été à la recherche de cette force. Elle a eu
beaucoup d’hommes dans sa vie, mais cela n’a jamais marché très fort. Mais
c’est quand même drôle ce Consul qui se met à hurler et qui dit à cette femme
des choses incroyables : « Vous pouvez aller avec n’importe qui, cela
n’a aucun importance, un jour nous serons ensemble. » Elle n’a pas osé
dire « au paradis » parce qu’elle n’était pas croyante. Elle disait
que Dieu ne l’intéressait pas, mais elle en parlait tout le temps. Ça a quand même été un
psychodrame pour moi, les hurlements du vice-consul.
Michael Lonsdale et Marguertie Duras sur le tournage de Détruire, 1969 |
JC : Encore une question sur film léger, Le Téléphone rose d’Edouard Molinaro. C’est un film assez cynique
sur le rachat des entreprises. Chaque fois que vous ouvrez la bouche, on
explose de rire. Est-ce que vous savez si Francis Weber savait que c’était vous
qui allie jouer le rôle en l’écrivant ?
Je ne sais pas. J’ai beaucoup
d’humour, c’est mon côté anglais. J’ai beaucoup aimé travailler avec Molinaro. Hibernatus, je ne
voulais pas le faire, mais il fallait que je gagne des sous. Et dans le studio,
j’ai pris une pièce et j’ai joué Hibernatus
à pile ou face. Un jour, j’étais dans une piscine, je sors de l’eau et un
petit gars dit à sa maman, en me montrant du doigt : « Maman, t’as
vu, c’est le monsieur d’Hibernatus !! » (rires)
De Funès, ce n’est pas ma
passion. On a commencé à tourner. Le vendredi, en fin de semaine, De Funès dit
stop. La version ne lui plaisait pas et il voulait que l’on fasse la version
qu’il avait refusée six mois en arrière. La tronche du producteur !! (rires) Oui, monsieur De Funès… Il avait
un droit de regard sur le montage, la musique, les figurants, sur tout !
Le premier jour, j’étais toujours au bar de la cantine du studio (rires) et Doudou (ndlr : Molinaro) était là. Il m’a dit que De Funès ne voulait
pas qu’il soit là lorsqu’il tourne. De Funès et sa pratique de l’hystérie,
certaines personnes ne rateraient ça pour rien au monde.
La scène du
« dodelinement », on l’a un peu improvisée (rires) Dites quelque chose, de toute façon, on s’en fout (rires)
ST et JC : Et du coup, on dodeline tous… (rires)
Propos recueillis à Fribourg, le mercredi 3 décembre 2014.