« Notre Jury a décerné la Caméra d’Or à un film sauvage, généreux et mal
élevé. » C’est avec ces mots que Nicole Garcia, présidente du Jury Un
Certain Regard, a remis le prestigieux prix à Party Girl au dernier festival de Cannes.
Angélique a la soixantaine. Elle
n’a pas encore abandonné les jeux de la séduction. Ancienne danseuse de
cabaret, elle est aujourd’hui hôtesse. Elle incite les hommes à consommer dans
une boîte de nuit proche de la frontière franco-allemande. Elle n’a jamais eu
de véritable chez elle : « On
vit là où on danse » Sa famille est disséminée. Un de ses fils vit
loin de la Lorraine, à Paris, une de ses filles, la plus jeune, lui a été
retirée il y a plusieurs années et a été placée dans une famille d’accueil.
Deux autres de ses enfants vivent dans la région.
Sentant qu’elle ne séduit
plus autant qu’à ses débuts, et étant de plus en plus considérée uniquement
comme une prostituée et non plus comme une belle femme, Angélique a des envies
d’ailleurs. Michel, un client fidèle, est très amoureux d’elle. Il lui fait une
demande en mariage qu’Angélique accepte, pleine d’espoir pour sa nouvelle vie.
Le mariage d’Angélique et Michel
est l’occasion pour cette sexygénaire de réunir ses enfants autour d’elle. Mais
tout ne se passe pas comme prévu. Tendresse et Amour, ce n’est pas la même
chose, même à 60 ans. Angélique rêve d’amour, d’un corps dont elle ne pourrait
pas se décoller, de désir. Son besoin de liberté sera plus fort que toute
stabilité.
Party Girl est un portrait de femme d’une tendresse affolante. Bien que très émouvant, il ne glisse jamais dans le mélo vulgaire, privilégiant la pudeur et la retenue. Les personnages ne sont d’ailleurs pas très doués pour exprimer leurs sentiments. C’est leur façon de se protéger.
Inspiré très largement de la vie d’Angélique
Litzenburger, Party Girl nous
entraîne avec poésie et délicatesse dans un univers dont on ne sait plus s’il est
réel ou fictif. Qu’est-ce qui est romancé ? Quels dialogues sont improvisés ?
Samuel Theis, co-réalisateur et fils d’Angélique, nous présente une grande
partie de sa famille. Sa mère, ses frères et sœurs, jouent leur propre rôle,
entourés d’acteurs non-professionnels. Quelle performance ! Quelle
justesse ! Quelle émotion !
Six mains, six yeux, trois
cerveaux, un seul superbe film. Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis
réussissent un tour de force : mettre en scène avec délicatesse,
intelligence et sensibilité, les complexités des liens filiaux, la recherche de
sensualité à un âge plus avancé, et ce besoin éperdu de liberté qui nous habite
tous. Un film qui colle à la peau et au cœur. A voir impérativement, pour se
remémorer ce qui fait notre humanité.
ST/31.08.2014