lundi 19 mars 2018

FIFF 2018 - Des coups de poings dans le ventre...

J'ai presque envie de vous dire que j'ai survécu au premier week-end du Festival International de Films de Fribourg... oui, survécu. Ce n'était pas gagné, vu les émotions fortes qu'il m'a été donné d'éprouver en 48 heures. Je reprends mon souffle et je vous en parle.

Tout a débuté samedi sur le coup de 12h30, BREADCRUMBS de la réalisatrice uruguayenne Manane Rodriguez. Plongée en apnée dans la dictature uruguayenne du milieu des années 70. Un parcours de femme forte et insoumise, jeune mère célibataire, qui luttera sans cesse pour sa liberté. Certains passages, durs et crus, m'ont été aussi douloureux  à supporter que certaines scènes de SALÒ de Pasolini. Torture, viol, humiliation... rarement j'ai assisté à une projection où la salle était à ce point silencieuse.





Cécilia Roth, bien connue des aficionados d'Almodovar, incarne la Liliana d'aujourd'hui. La cinquantaine, photographe, qui entame un nouveau combat, celui de la reconnaissance des faits qui l'ont à jamais meurtrie et privée d'une relation avec son fils.

Justina Bustos quant à elle incarne la jeune Liliana. Eprise de liberté, son engagement pour la démocratie est tel qu'elle ne se soumettra jamais, frôlant la mort à plusieurs reprises.

C'est un film fort. Sobre et concis. La réalisatrice ne part pas dans tous les sens et réussit à centrer le propos d'une façon magistrale. Je n'aime pas particulièrement brandir des panneaux avertisseurs, considérant que le cinéma est là aussi pour nous bousculer, mais certaines scènes de ce film ne sont définitivement pas à mettre sous toutes les pupilles.

Présenté sur la carte blanche de Ken Loach, THE LOVES OF A BLONDE m'a donné l'occasion de revoir le 2ème film de Milos Forman. Petit bijou de la Nouvelle Vague tchèque, on y voit le génie observateur et satirique de Forman. Oui, avant d'être un réalisateur hollywoodien (VOL AU-DESSUS D'UN NID DE COUCOU ou encore AMADEUS), Forman a fait ses armes en Tchécoslovaquie, notamment entouré par Ivan Passer. Les festivaliers du FIFF se souviennent de son passage à Fribourg il y a quelques années. THE LOVES OF A BLONDE, tout le charme des années 60, les codes de séduction désuets, les bals, la musique... bref, moment jouissif pour la cinéphile que je suis.








Et sinon, du côté de la compétition internationale longs métrages, deux magnifiques surprises. La première, qui n'en est pas vraiment une, tant le film était attendu avec impatience, en tous cas pour ma part, FOXTROT du réalisateur israélien Samuel Maoz. Lion d'argent à La Mostra de Venise, représentant Israël aux derniers Oscars - non sans soulever la colère de certains - FOXTROT est un film frontal. Cependant, il cache bien son jeu. Décalé, absurde, il n'en est pas moins radical. Ceux qui ont vu LEBANON, sorti il y a presque 10 ans, se souviendront du cinéma sans concession de Samuel Maoz. Ce n'est pas dans ses habitudes de se taire. Et bien là, une nouvelle fois, il s'exprime. De l'absurdité révoltante des pratiques de l'armée israélienne aux traumatismes non-encadrés, si je puis dire, rien n'est épargné. Ce sont des coups de poings dans le ventre durant 2 heures. Le cinéaste prend régulièrement de la hauteur, pseudo distance qui n'en est pas vraiment une, pour bien nous faire comprendre, pauvre petits humains que nous sommes, que la fatalité est bien réelle. Que l'on a beau entreprendre certaines choses, actionner tous les leviers possibles et imaginables, ce qui doit être est. C'est un film immense que je vous conseille vivement de mettre à votre programme.







La grande surprise a été pour moi BLACK LEVEL de Valentyn Vasyanovych. Une heure et trente minutes sans un mot. Comment raconter la crise de la cinquantaine, évoquer la solitude moderne au travers d'une trentaine de tableaux? Et bien, comme l'a fait Vasyanovych. Il y a de la poésie, de l'absurde, de l'humour, une profonde tristesse dans ce film. C'est simple, j'ai adoré! Un vrai coup de cœur. Ce photographe, cinquantenaire, dont la vie part en couilles, n'ayons pas peur de le dire, va, par tous les moyens essayer de se prouver qu'il est encore capable, si ce n'est de bander - oui, pardon de l'écrire comme ça, mais c'est une réalité de ce film - d'avoir une force physique identique à celle d'une gamin de 20 ans et une capacité de séduction semblable à un adolescent. On peut facilement en sourire, on le fait d'ailleurs, mais au fond c'est d'une tristesse absolue. Il y a un vide dans la vie de cet homme absolument sidéral. C'est réalisé avec intelligence et originalité. C'est brillant. C'est une expérience de narration, de compréhension... un vrai moment de cinéma comme je les aime.







Et je reviendrai sur VAZANTE de Daniela Thomas, mais je vous avoue que je dois d'abord un peu le digérer...




ST / 19 mars 2018
















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