jeudi 17 mars 2016

FIFF 2016: de l'amour à (la) mort


A Lupino a day keeps the doctor away !  C’est tellement ça ! J’ai pour habitude, dans les festivals que je fréquente, de toujours voir un vieux film comme on dit, par jour. Déjà parce que j’adore ça et surtout, parce que j’ai besoin qu’on me raconte des histoires. Bien souvent, ce sont des histoires qui tiennent en trois phrases, mais qui font tellement de bien. The Man I love de Raoul Walsh n’échappe pas à cette règle. L’histoire est banale pour un film du milieu des années 40 : une femme, deux hommes, un peu de pègre, de la musique. La femme est très femme, maquillée, pomponnée, arborant des tenues incroyable et les mecs sont très virils. Un film noir quoi. Mais c’est tellement bon ! Et quand en plus la musique du thème principal, entêtante, est signée George Gershwin, moi j’embarque tout de suite ! Les histoires d’amour se font et se défont à la vitesse de l’éclaire, rien à voir avec la vie. C’est peut-être pour ça que j’aime tellement ces vieux classiques.
 
The Man I love
 
Raoul Walsh pensait d’abord à Ann Sheridan et Humphrey Bogart pour incarner les deux héros principaux de l’adaptation du roman de Maritta Wolff. Ce seront finalement Ida Lupino et Robert Alda qui incarneront Petey Brown et Nicky Toresca. Quant à l’amour impossible de Petey, San, ce sera Bruce Benett. Ida Lupino a une voix très grave pour une femme, et c’est rare à cette époque où Hollywood les préfèrent plutôt évaporées. Seule Lauren Bacall possédait une voix aussi grave. Des voix envoûtantes. Raoul Walsh offre à Ida Lupino un de ses plus beaux rôles, une femme fatale et malheureuse à qui elle donne non seulement un corps et une voix remarquable, mais également de la substance. Bref, the Lupino effect, faut le voir pour le croire ! The Man I love sera une grande source d’inspiration pour Martin Scorsese lorsqu’il réalisera New York New York 30 ans plus tard.

Sous le charme ! The Summer of Sangaile de la réalisatrice Alanté Kavaïté, membre du Jury cette année, est une perle. Un film tellement intimiste qu’on a presque envie de le garder rien que pour soi, comme un petit trésor.

Sangaile a 17 ans. Elle est fascinée par l’acrobatie aérienne, mais elle souffre d’un profond vertige qui l’a jusqu’ici empêchée de monter dans un avion. Lors d’un meeting aérien, elle rencontre Auste, qui est en charge d’une tombola. Auste est une jeune femme libre, créative, habitée par une douce folie. Les deux jeunes femmes tombent amoureuse et découvre les douceurs de l’amour saphique. Douceur, c’est le bon mot. La réalisatrice propose, avec finesse, délicatesse et sensualité, une immersion dans l’intime de ces deux jeunes femmes. Une mise en scène remarquable qui, même dans les scènes de sexe, ne glisse jamais dans le vulgaire. On a plutôt l’impression d’être suspendu, à l’abri de la réalité, comme dans une bulle. On comprend aussi très rapidement que la peur du vide de Sangaile est surtout liée à un vertige intérieur. On ne sait pas vraiment d’où vient ce mal-être qui est exprimé par des coupures qu’elle s’inflige sur l’avant-bras. Auste, avec sa joie de vivre et sa spontanéité, et en photographiant aussi Sangaile, la déguisant, la mettant en scène, va lui ouvrir de nouvelles perspectives. Plein de charme et de poésie.

The Summer of Sangaile


Le charme a rapidement été rompu avec Roundabout in my Head de Hassen Farhani. Dans le plus grand abattoir d’Alger, entre les carcasses et le sang, des hommes parlent de leurs espoirs, d’amour et leurs envies d’ailleurs. Le contraste entre le discours et les images est tel, que je me suis violemment braquée. On sent bien à quel point le réalisateur souhaite nous faire comprendre que cet abattoir est un point de départ vers des histoires de vies. Qu’il est un peu organisé comme une ville dans la ville. Que c’est un lieu ouvert, où transitent les bêtes et les hommes, mais que c’est également un lieu fermé où coule le sang. Parce que du sang, il y en a. Sur le sol, sur les hommes. Je soupçonne ce film de vouloir nous imposer une deuxième vision, passé le « traumatisme » de la première. Je le reverrai, moins fatiguée, moins à fleur de peau, peut-être qu’il me révèlera les beautés qui, pour le coup, me sont restées inconnues, invisibles, inaudibles. Je pense que mon cerveau a dû activer une espèce de pare-feu, considérant que j’avais déjà été suffisamment triturée, malaxée, retournée, chamboulée au cours des dernières 24 heures…
 
Roundabout in my Head
 
Tout ça, c’était sans compter sur Born in Battle qui allait suivre. Surfant entre l’allégorie et le récit de vie, ou plutôt de mort, Yangzom Brauen, réalisatrice suisso-tibétaine, nous immerge dans le quotidien d’enfants-soldats. C’est brutal. C’est cru. Mais la force qu’y inculque la réalisatrice est phénoménale. C’est terrible à dire, tant le sujet est grave, mais c’est très beau. Des portes se dessinent sur des murs, créant des ouvertures sur la réalité, laissant peut-être un espoir au jeune gamin qui raconte son expérience. Des corps déchiquetés, par la magie d’un feutre, se reconstituent. Mais la fin est inéluctable.
 
Born in Battle
 
Quant au Syndrome de Petrouchka d’Elena Haszanov qui a clôturé ma journée en salles et dont c’était l’unique projection dans le cadre du FIFF, je lui consacrerai une chronique entière dans les jours à venir. Il est en salles, allez le voir ! C’est une très belle histoire empreinte d’un lyrisme slave, portée par une musique merveilleuse, qui vous saisira le cœur. Elena Hazanov nous emporte, avec douceur et raffinement, dans une histoire à la fois étrange et effrayante, aux limites de la folie. Amour, passion, obsession, désir de possession. Il y a une ambiance de conte qui plane sur ce superbe film.
Le Syndrome de Petrouchka

 

Prochaines projections


The Man I love : plus de projection
The Summer of Sangaile :  plus de projection
Born in Battle: plus de projection
Roundabout in my Head : 17.03 12h45

Le Syndrome de Petrouchka : actuellement en salles

 

ST/16.03.2016

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