dimanche 22 mars 2015

FIFF 2015 : que la vie soit!


C’est parti, la 29ème édition du Festival International de Films de Fribourg s’est ouverte hier devant un parterre de personnalités issues du monde du cinéma et de la politique. Les jurys ne sont pas encore au complet, les festivaliers prennent leur rythme de croisière et les discours  s’enchaînent de façon fluide. Manuel Sager, directeur de la DDC souligne l’importance de la culture et sa nécessité de ne pas être considérée comme un luxe. L’humour et l’espoir sont, selon lui, des ressources de première nécessité. Thierry Jobin, directeur artistique du FIFF, a quant à lui souligné une nouvelle fois, et réaffirmé haut et fort, le rôle central des festivals de cinéma dans la défense de la liberté, et l’importance d’échapper aux différents mainstream, en s’ouvrant à d’autres cultures. Ne pas laisser l’inculture, qui mène aux amalgames ou à l’intolérance, s’installer.

Je pourrais vous parler de ce film qui a fait l’ouverture : Mr. Kaplan. Un film uruguayen d’Alvaro Brechner. Une comédie sarcastique qui s’attaque à la vieillesse, et au devoir de mémoire, mais qui accuse, malgré un rythme assez sympathique, quelques longueurs et maladresses. Je pourrais vous parler de La Bûche de Noël, le court-métrage d’animation qui nous a fait pleurer de rire, mon voisin de fauteuil et moi. Je pourrais aussi évoquer Gonzalez du mexicain Christian Diaz Pardo, qui parle du surendettement et du manque de scrupules de certaines Eglises.

Je pourrais aussi vous dire que j’ai collé un bec à Jean-Marc Barr. Que j’ai imité Flipper le dauphin pour le faire sourire et éventuellement négocier un bain de minuit dans la Sarine… Oui, je pourrais faire tout ceci. Mais j’ai surtout envie de vous parler d’un film. Un seul. Celui qui m’a mis la peau à l’envers, qui m’a retourné le cœur : Life May Be.

C’est une plongée dans l’intime que nous proposent Mania Akbari et Mark Cousins. Ces deux passionnés entretiennent une correspondance sur un support particulier : le film. Des lettres parlées, envoûtantes. Leurs voix, celle de Mark Cousins en anglais et celle de Mania Akbari en farsi, sonnent comme une douce musique à nos oreilles. Un duo d’anges qui se répond. Les tabous n’ont pas leur place dans cet échange épistolaire d’un nouveau genre. L’exil, le corps, sa nudité, l’’identité, la mémoire. Autant de thèmes qui sont abordés avec pudeur et élégance. Deux belles sensibilités qui partagent leurs expériences les plus intimes. C’est d’une beauté à tomber par terre.
 
 

Les textes de la poétesse iranienne Forough Farrokhzad subliment les souvenirs de Mania Akbari, tandis que des évocations de films et de réalisateurs  matérialisent ceux de Mark Cousins.
 
 " Quand ma confiance était pendue à la corde souple de la justice
Et que dans toute la ville
On morcelait les cœurs de mes lumières,
Quand l’on fermait les yeux enfantins de mon amour
Avec le bandeau noir de la loi...

Et que des temps troublés de mes yeux
Jaillissait le sang
Et que dans ma vie
Il n’y avait rien, rien que le tic-tac de l’horloge
J’ai compris : il faut, il faut, il faut
Que j’aime à la folie "

Et que des temps troublés de mes yeux
Jaillissait le sang
Et que dans ma vie
Il n’y avait rien, rien que le tic-tac de l’horloge
J’ai compris : il faut, il faut, il faut
Que j’aime à la folie "

L’importance de l’échange. La magie des voyages épistolaires. Pas besoin de visa pour, l’instant d’une lettre, passer de Rome à Malmö en faisant une escale à Téhéran ou à Londres. Des mots qui vous passent sous la peau et qui vous atteignent directement au cœur. Le tout, et c’est important de le relever, sans pathos, mais avec une authenticité bouleversante.

Un film qui pose les bonnes questions : qui sommes-nous ? Où allons-nous ? Sommes-nous conditionnés par la société dans laquelle nous avons grandi ? Quelle est notre réelle marge de manœuvre en matière de liberté ? La beauté formatée imposée aux femmes dans le monde occidentale est-elle à ce point éloignée de l’obligation de porter le tchador ? Quel est notre rapport au corps ? Le vide engendré par un exil forcé peut-il être comblé par quelques cartons entreposés à Téhéran qui attendent d'être envoyés à Londres? Comment remplacer les odeurs qui sont cruellement absentes?
 

 

C’est avec des gravures dansantes, des chants en farsi, des odeurs de pubs écossais, des paysages qu’on croirait surréels tant ils sont beaux que ces deux artistes donnent leur vision du monde. Le final, allégorique, sur fond de Requiem allemand de Brahms, terminera de vous emporter dans ce tourbillon de questionnements.









 
 
Un film que tout un chacun devrait avoir l’obligation de voir. Un film qui peut faire de nous de meilleures personnes.

Un film qui donne envie d’écrire des lettres. Ce que j’ai fait hier soir. J’ai écrit à Mania Akbari et Mark Cousins. Une lettre moderne : un mail. Mania m’a déjà répondu. Une réponse détentrice d'une bien belle promesse et d'un espoir commun : se rencontrer à la fin de la semaine, lorsqu’elle sera à Fribourg.

Il y a encore trois projections prévues. Ne les ratez pas.


 

 ST/ 21.03.2015

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 
 





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