jeudi 29 mai 2014

LES RENCONTRES D'APRES MINUIT - Yann Gonzalez - 2013


Mettez un peu de Cocteau dans un bol, ajoutez-y quelques grammes de Buñuel puis une pointe de Dario Argento. Pour l’emballage, une image volée à Robbe-Grillet (La Belle Captive). Vous obtenez Les Rencontres d’après Minuit  de Yann Gonzalez.

Loin, très loin, d’être un « fous-y tout » de cinéaste cinéphile, Les Rencontres d’après Minuit  est un film très personnel qui mélange avec grâce et dureté, sexe, mort, mélancolie et poésie.

Ali et Matthias, accompagnés par leur gouvernante travestie Udo, attendent dans leur appartement fantôme, leurs invités. Dans la nuit, La Chienne, l’Etalon, l’Adolescent et la Star doivent les rejoindre. Au programme : une orgie. Les invités arrivent les uns après les autres, incarnant chacun un stéréotype qui volera en éclat à l’évocation d’un souvenir, à la réminiscence d’un rêve ou lorsque la mort s’invitera.

 
 
Alors même que dans les premières minutes on peut craindre un film trop intellectuel, trop mental – les dialogues, certes crus, sont très littéraires, et chaque personnage possède sa propre déclamation – Gonzalez nous capte et nous entraîne dans une fantasmagorie envoûtante et émouvante. Il nous invite à passer de l’autre côté du miroir, tel un Lewis Carroll du XXIème siècle.
 
 
Pris à témoin par Ali, qui nous interroge en fixant la caméra – et maintenant ? -  nous rejoignons cette étrange petite famille d’ « immortels » dans un voyage de sensualité et de tendresse. Brutal par moment, le récit nous bouleverse. Et nous sommes touchés par cette recherche d’amour et de reconnaissance constante. Le désir de chaque personnage de s’échapper du rôle que lui a imposé la vie est tellement fort qu’il transcende l’écran. Il nous vient alors à l’esprit cette réplique effrayante de vérité de La Belle Captive d’Alain Robbe-Grillet : « Voyez-vous cher monsieur, la plupart des gens que vous croisez dans la rue sont des morts ».
 
 
L’appartement dans lequel ils se rencontrent est aseptisé, ne laissant briller que quelques néons qui lui confèrent un style très années 80. D’apparence froide, il devient, grâce à ceux qui l’investissent, un cocon réconfortant, permettant à chacun de venir s’y réfugier et d’échapper ainsi à la dureté du monde qui l’entoure. L’horreur du monde actuel est évoquée avec la visite inattendue de deux policiers qui, l’espace de quelques instants, viennent inquiéter ces êtres si fragiles. Ces poupées de cristal qui se soignent au contact du groupe.

Porté par une troupe d’acteurs extraordinaires – Kate Moran, Niels Schneider, Nicolas Maury, Eric Cantona, Fabienne Babe, Alain-Fabien Delon, Julie Brémond et Béatrice Dalle- qui incarnent leurs personnages avec tellement de sensibilité qu'ils habiteront votre cœur à la fin du film, Les Rencontres d’après Minuit surprend autant qu’il envoûte.
 

Sous une apparente superficialité – décor en carton-pâte, soleil artificiel peint, néons -, une mise en scène empruntée au théâtre, de même que l’unité de temps et de lieu, Les Rencontres d’après Minuit insuffle une vague de sentiments justes, d’émotions vraies et cache en réalité une authenticité bouleversante.

Les corps se frôlent, se mélangent, les lèvres se dévorent. Subsiste au matin une sensation de béatitude, de douceur. Une confiance neuve qui naît dans l’aube orangée –bien réelle cette fois – du dernier plan du film qui nous laisse charmés et heureux d’avoir pu voir un film audacieux avec une véritable patte, qui plus est sublimé par une musique personnalisée, celle de M83. Yann Gonzalez brise tous les codes pour nous saisir à vif.
 
 

 

Disponible en DVD et Blu-ray chez Potemkine films.

ST/29 mai 2014

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