dimanche 14 juillet 2013

HANNAH ARENDT - Margarethe von Trotta - 2013

Nous sommes en 1960. Adolf Eichmann, criminel nazi en fuite depuis 10 ans en Argentine, est arrêté par le Mossad, dans le cadre de "l'opération Attila" lancée par le premier ministre israélien de l'époque, David Ben Gourion. Ben Gourion avait à cœur d'offrir au peuple israélien son "Nuremberg".

Hannah Arendt , philosophe allemande, établie aux USA depuis le début des années 40 après avoir fui l'Allemagne nazie, quelque peu frustrée de n'avoir pas pu couvrir le Procès de Nuremberg, prend contact avec le journal le New-Yorker. Elle souhaite se rendre en Israël pour suivre le procès Eichmann.

Elle publiera une série de 5 articles dans le New-Yorker. Ceux-ci déclencheront une polémique tonitruante. Critiquant vertement la politique israélienne de l'époque, le sionisme et énonçant pour la première fois ce qu'elle a appelé la banalité du mal, Arendt est au cœur d'un cyclone qui lui vaudra bon nombre d'inimités.
 



Se concentrant uniquement sur cette période de la vie d'Hannah Arendt, Margarethe von Trotta élude volontairement la controverse dont faisait l'objet la philosophe bien avant cet évènement. Arendt, jeune étudiante, vit une liaison clandestine avec son professeur Martin Heidegger. Heidegger, membre du parti nazi, dont il démissionna de toutes activités politiques quelques mois après son adhésion, sera toujours contré par bon nombre de philosophes, ces derniers lui reprochant une personnalité dissimulatrice et une influence du discours nazi sur son œuvre. Heidegger restera un personnage ambigu avec lequel Arendt entretiendra une relation particulière jusqu'à sa mort.


Le procès Eichmann  fut l'occasion pour Hannah Arendt de se confronter pour la première fois, en chair et en os, avec le nazisme. Son analyse du procès, bien plus qu'un compte rendu, suscita de vives réactions. Elle dénonça la banalité du mal : Eichmann est un homme banal, un petit fonctionnaire ambitieux, incapable de distinguer le bien du mal tant il est soumis à l'autorité. Dans ce qu'il pense être l'accomplissement de son "devoir", il suit aveuglément les ordres et cesse de penser. Pour Arendt, cela est inadmissible et elle ne remet pas en cause la culpabilité de Eichmann. Continuer de penser et avoir conscience de nos actes et la condition sine qua none pour ne pas sombrer dans cette banalité du mal. Les régimes totalitaires rendent cette réflexion difficiles.




Cette théorie a bien souvent été mal comprise et Arendt a vu son cercle d'amis, notamment Kurt Blumenfeld, président d'une organisation sioniste, se réduire. Blumenfeld refusera de lui parler suite à la parution de ces articles. Son livre, "Eichmann à Jérusalem", paraîtra 3 ans plus tard.

On peut reprocher à Margarethe von Trotta d'avoir mis Hannah Arendt sur un piédestal, de l'avoir fait évoluer dans un film trop lisse et trop académique. Les quelques flash-backs sur sa période intime avec Heidegger ne sont pas suffisamment audacieux. Elle présente la philosophe comme une femme de caractère, à l'esprit vif, et comme une féministe volontaire. Ce qui devait sans doute être le cas. Mais montrer les failles de cette femme aurait été bienvenu, pour lui donner un peu plus d'humanité, de consistance.



La longue séquence du procès, alimentée par des images d'archives époustouflantes de Leo Hurwitz, est saisissante. Probablement la meilleure partie du film. Sinon, le film est très bavard et très représentatif des réunions d'intellectuels allemands en exil, des féministes américaines (Mary McCarthy) et autres professeurs d'université, réunions qui étaient toujours prétexte à se lancer dans des débats fougueux.

Ce n'est pas la première fois que la cinéaste s'attaque à un monument de la culture allemande. En 1986, elle fait de la vie de Rosa Luxemburg, militante socialiste et théoricienne marxiste, un film. C'est déjà à Barbara Sukowa qu'elle confia le rôle principal, comme c'est le cas dans "Hannah Arendt". Il faut reconnaître que Sukowa est remarquable. Elle adopte le phrasé particulier de l'intellectuelle allemande avec une aisance bluffante.

Un film intelligent, pas facile d'approche si l'on n'a pas les connaissances suffisantes du contexte historique. Si vous n'aimez que le cinéma de divertissement, fuyez. Par contre, si n'êtes pas contre les films qui suscitent un tant soit peu de réflexion, foncez, cela en vaut la peine.



Votre Cinécution



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