Après une cérémonie d’ouverture
qui m’a laissée un peu planante et délicieusement rêveuse hier soir, les
premières projections du festival se sont chargées de me remettre les pieds sur
terre, et fissa !
Dans A Monster with a Thousand
Heads, Sonia, mère d’un garçon ado essaie en vain de faire valider
un nouveau traitement pour son époux malade auprès de sa caisse-maladie. N’arrivant
jamais à joindre le médecin-conseil de l’assurance – vous savez, le fameux message : « tapez
1 pour une question générale, tapez 2 pour un conseil spécialisé, et… » -
fini par débarquer au siège de l’assurance. Si au bout de 15 minutes on
comprend exactement ce qui se passer, ou plus exactement ce qui s’est déjà
produit, il n’en reste pas moins que l’on reste scotché dans nos fauteuils, dans l’attente
de la validation de nos suppositions. Mais surtout, on souhaite savoir si Sonia
est allée aussi loin que nous l’imaginons. Rodrigo Plà joue un peu avec nos
nerfs et avec la notion du temps. Le récit n’est ni chronologique, ni linéaire.
Les points de vue changent en cours de chemin. Le réalisateur uruguayen sait
très bien comment faire monter la sauce. C’est un thriller captivant, malgré
quelques longueurs que l’on pardonne aisément.
Toujours sur le continent sud-américain,
le destin de Maria nous bouleverse. Adolescente enrôlée au sein d’une milice
qui a ses quartiers dans la jungle colombienne, enfant-soldat et objet sexuel
des guérilleros, elle est chargée de mettre à l’abri l’enfant du commandant.
Alors que d’autres filles dans sa situation, après quelques palpations basiques
prodiguées par le médecin du camp, se font avorter d’office, Maria cache sa
grossesse. Alias Maria
est un film bouleversant. Un coup de poing dans la figure et le ventre. Un film
qui sent la terre, qui dégage de la moiteur et de l’humidité, qui provoque de l’inconfort et qui génère un sentiment de totale impuissance
pour le spectateur. Que pouvons-nous faire ? La réponse est : rien.
Se révolter de cette situation ? Oui. Mais à part être profondément en
colère, nous sommes totalement démunis face au destin de cette jeune femme qui,
malgré la situation, plus que périlleuse, va faire preuve d’un courage
exemplaire. Dans cette jungle où les cris de bébés se mélangent, jusqu’à se
confondre, aux bruits de la nature et des tirs de mitraillettes, José Luis
Rugeles livre là, peut-être, le prix du public de cette 30ème
édition du FIFF.
Le corps encore parcouru de
frissons, Incident light
m’a offert une petite trêve. Qu’est-ce que j’aime les films en noir et blanc. Ça
m’a toujours fait plus rêver que la couleur. Allez savoir pourquoi ? Peut-être
que cela fait plus fonctionner mon imagination et que je mon inconscient créé
sa propre palette de nuances ?
Comment se remettre à aimer
lorsque l’on se retrouve veuve, avec deux jumelles, et le souhait de conserver
un statut social relativement élevé ? Faut-il céder aux pressions de l’entourage
familial ? Un cadre pour deux petites filles en bas âge, c’est tout de
même mieux. Avoir un époux et une structure familiale aussi. Mais si l’amour n’est
pas présent ? Faut-il, même dans une Argentine des années 60, précipiter
les choses et céder aux avances du premier courtisan venu ? Même si le courtisan,
est un doux agneau, un homme pétri d’amour, de patience et de compréhension ?
Ce sont à toutes ces questions qu’Ariel Rotter tente de répondre avec douceur,
sensibilité et humour, tout en privilégiant l’ellipse, laissant ainsi au
spectateur, sous le charme de la finesse de la réalisation, le soin de
compléter les espaces vides. Petit bijou.
Après un passage d’environ 1 heure chez Ernst Lubitsch –
oui, j’ai cédé à l’appel de To be or not to be -
ma journée s’est terminée avec un film qui m’a laissé un sentiment mitigé.
Quand je suis arrivée chez moi, aux alentours de minuit, je
ne savais pas trop quoi en penser. J’ai opté pour un café dans un premier
temps, histoire de remettre un peu mes idées dans l’ordre.
Le rapport entre les humains et
la nature, plus précisément les animaux, a depuis bien longtemps alimenté les imaginaires.
Dans les livres, dans les peintures, et bien évidemment au cinéma. Si caresser
un chat peut dégager une certaine sensualité – douceur du pelage, lascivité de
la bête, sentiment de relaxation – il en va tout autrement d’un acte plus
intime, que la morale considère comme déviant. Ces représentations ont, dans la
majorité des cas, été construites dans des univers fantastiques. Je pense
notamment à La Belle et La
Bête de Jean Cocteau, à La Féline de
Paul Schrader ou encore à LadyHawke de Richard
Donner. Des malédictions, des sorts, bref que du surnaturel. Et c’est peut-être,
comme dans Max, mon Amour
de Nagisa Oshima, dans le réalisme de la relation que Wild, de Nicolette Krebitz, devient gênant,
déconcertant.
Si le malaise subsiste, certaines
scènes sont vraiment dégueulasses – pardon, mais déféquer sur un bureau ne m’a
jamais tellement transportée – il n’en reste pas moins que la métaphore est
plutôt bien amenée. Wild est
en fait une fable moderne, avec un langage cru et contemporain, politiquement
très incorrect. Une jeune femme croise le regard d’un loup et petit à petit s’affranchit
de tous les codes tacites qui gèrent notre société. Retour à l’état sauvage. Ce
qui est subversif, c’est la relation qu’elle instaure avec l’animal. Le besoin
obsessionnel de le retrouver, de le faire sien. Cette jeune femme se libère et
s’affirme au contact de l’animal. C’est troublant. Les scènes de sexe sont explicites,
dérangeantes, mais également fascinantes. Pourquoi ? Parce que la mort est
en arrière-fond. On ne sait pas vraiment comment va réagir le loup. C’est un
animal sauvage, avec des instincts primaires. Et là, une nouvelle fois, on arrive
dans le domaine érotique, le même qui nous terrorise et nous excite avec les
vampires par exemple :Eros et Thanatos. Le loup pourrait ne faire qu’une
bouchée de la jeune femme s’il le voulait.
Finalement, c’est un film que j’ai
apprécié, mais après deux cafés et presque une heure de réflexion. Cela dit, quand
je suis rentrée à la maison et que mon chat m’a fait la fête, je me suis
entendue lui dire : « Minou, notre relation restera platonique,
sache-le ! ». Et je lui ai rempli sa gamelle de croquettes.
Plus sérieusement, récemment, deux visas d’exploitation
– La Vie d’Adèle d’Abdellatif
Kechiche et Antichrist
de Lars von Trier – ont été annulés, parce que des ayatollahs de la bonne
pensée ont fait des leurs. Le film devrait être distribué dès le mois d’avril.
En toute sincérité, je ne donne pas cher de sa vie hors festivals. Et c’est dommage,
parce que c’est un film plutôt bien réalisé - même si une ou deux scènes sont dispensables - et que l’actrice principale, Lilith
Stangenberg, prend vraiment des risques. Choses suffisamment rares pour être
signalées.
Prochaines projections :
A Monster with a Thousand Heads : 15.03 15h / 16.03 20h15 /
18.03 18h
Alias Maria : 14.03 20h30 / 15.03 19h / 18.03 13h
Incident Light : 13.03 12h / 16.03 15h15 / 17.03 21h30
To be or not to be : 19.03 14h45
BONUS DU JOUR : Rencontre avec Marthe Keller
ST/12.03.2016
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