Les cheveux sont chargés d’une
symbolique forte. Et cela remonte à la nuit des temps. Source de virilité pour
les hommes – se souvenir de Samson et Dalila – et connotation hautement érotique
chez les femmes. Les cheveux sont également le reflet de notre état de santé,
physique et psychique. De grands bouleversements hormonaux et nous les perdons,
lors de l’accouchement par exemple. Un petit coup de déprime et ils sont tout
raplapla. Nous manquons de sommeil ? Ils deviennent ternes. Les cheveux
sont ce que nous sommes, sans pour autant nous définir. Quoique. Les cheveux
sont aussi, depuis toujours, un moyen d’expression : la hauteur des perruques
indiquait le rang social aux XVI, XVII et XVIIIe siècles, les crânes rasés des
skinheads marquent une prise de position vis-à-vis de la société, tout comme le
refus de les couper fut une marque de rébellion de la part des hippies.
Dans la Grèce antique, les jeunes
vierges arboraient une longue chevelure, dont elles se débarrassaient au moment
du mariage, offrant leur chevelure aux déesses de la fécondité. C'est également un signe d'appartenance à un seul homme. De nos jours
encore, changer de coupe de cheveux n’est pas anodin. Combien de femmes, lorsqu’elles
se séparent coupent leurs cheveux, changent de couleur ? C’est affirmer à la
face du monde qu’elles tirent un trait sur le passé et qu’elles sont prêtes à
recommencer quelque chose de nouveau. Si on porte un chignon, on souhaite être prise au sérieux et donner une image forte et un peu sévère. Par contre, lors de rendez-vous amoureux, on préférera laisser nos cheveux libres, un peu fous.
Pour les femmes, encore plus que
pour les hommes, les cheveux sont un attribut lié à la sexualité. A la
libération, les femmes qui avaient osé coucher avec des nazis n’étaient-elles
pas tondues ? Elles portaient sur elles les stigmates de la trahison envers
la nation. Elles ont « fauté » avec leur sexe et c’est par les
cheveux qu’on le signale.
Dans les textes religieux, les
cheveux sont considérés comme une exhibition indécente de la sexualité, raison
pour laquelle dans de nombreux textes, et pas seulement dans l’Islam, il est fortement recommandé
aux femmes de se couvrir la tête. Combien de femmes encore aujourd’hui n’entrent
pas dans un édifice religieux sans se couvrir la tête ? Hijab, chapeau,
voilette, mantille… la liste est longue pour dissimuler ce qu’on ne saurait,
devrait, voir.
Et la représentation des cheveux
est aussi passée par le cinéma : coupe à la Louise Brooks, à la princesse
Leia, le blond hitchcockien, perruques, chignons, shampoings, coupes
improbables, peignages, coiffages, etc…
Tout ça pour en venir au film qui
m’a bouleversée : HAIR de Mahmoud Ghaffari. Comme déjà
énoncé plusieurs fois sur ce blog, le cinéma iranien est pour moi, un des plus
beaux qui soit. Non seulement sur la forme, il est bien souvent artistiquement irréprochable,
mais sur le fond. Faire un film en Iran, c’est un acte politique fort qui contraint
bien des cinéastes à fuir leur pays, s’ils ne se retrouvent pas privés d’exercer
leur art. Lorsqu’un film iranien arrive jusqu’à nous, cela tient presque
toujours du miracle, mais également d’un courage à toute épreuve, de la part
des cinéastes, mais également des programmateurs. Impossible de ne pas penser à
Mania Akbari, Mohammed Rassoulof, Jafar Panahi ou encore dans le cas présent
Mahmoud Ghaffari.
HAIR nous raconte l’histoire
de trois athlètes sourdes et muettes. Elles pratiquent le karaté et rêvent de
participer à une compétition internationale. Ce qui dans la majorité des pays
ne poserait aucun souci, relève en Iran d’un véritable parcours du combattant.
Même si la fédération iranienne n’y voit pas de contre-indications, elle oblige
toutefois ses athlètes à porter une espèce de cagoule qui leur cache non
seulement les cheveux, mais également la nuque et le cou. Oui, car elles seront
filmées lors des concours et il ne faudrait pas qu’à la vue de leurs nuques les
mâles occidentaux soient excités.
Le fait que ces athlètes soient
sourdes et muettes est hautement symbolique. Elles représentent le peuple,
muselé, qui ne peut se faire entendre. Le karaté n’est là qu’un prétexte pour
exposer le non-droit à la parole des femmes, même si l’on sait que le sport de
haut niveau est bien souvent, dans les pays soumis à des régimes politiques stricts,
le seul espoir de quitter le pays. Les dialogues en langue des signes ne sont
pas traduits. Et tant mieux. Cela donne au film une force dont on ne peut
réellement saisir l’ampleur qu’en le voyant.
Sans vous en révéler plus, cela
gâcherait la puissance de ce film, vous allez être témoins, non seulement d’un
combat de femmes extraordinaire, mais également d’un choix radical. Un acte à
la symbolique bouleversante. Une force émotionnelle que j’ai rarement vécue au
cinéma. Pour ne rien vous cacher, j’étais presque en état de choc : je
tremblais de l’intérieur et à l’extérieur, j’avais froid, je pleurais. La seule
chose qui a un tant soit peu réussi à me rassurer, c’est la colère d’une des
protagonistes. Lorsque la colère est le signe fort que l’on existe, que l’on
est vivant.
S’il y a un film que vous devez voir
sur les 4 derniers jours du FIFF, c’est celui-là. Oui, le cheveu est porteur d’un
message, d’une identité. C’est une façon de s’affirmer. Si vous en doutiez,
vous ressortirez de HAIR, en en étant convaincus.
Prochaines projections
Hair : 16.03 12 :45 /
18.03 18h15
ST/15.03.2016
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