Cléo de 5 à 7 |
« Cléopâtre, je vous idolâââââââââtre ! » Une seule petite
phrase, prononcée par Michel Legrand, beau, jeune, filiforme et déjà tout en
sourcils, et on comprend qui est Cléo. Une reine. Jeune chanteuse à succès, petite fille
gâtée, entourée d’une cour de gens à son service. Un peu vaniteuse et
capricieuse, on n’a pas beaucoup d’affection pour elle au départ.
Cléo de 5 à 7 commence
en couleurs, celles du tarot d’une médium. Cléo veut connaître son avenir. Elle
sort de chez son médecin. Elle a fait des prélèvements et est persuadée d’être
atteinte d’une maladie et que ces jours sont comptés. Le passage chez la
tarologue ne la rassure pas. Mais elle essaie tout de même de se convaincre que
tant qu’elle est belle, et dix fois plus que les autres, elle n’est pas malade.
Le film se poursuit en noir et blanc. Elle part pour une virée shopping avec
son assistante. Son côté capricieux est ici mis en lumière. Cléo fait ce qu’elle
veut, quand elle veut, comme elle veut. Elle est très superstitieuse. Cette
superstition la prive de la chose la plus importante dans la vie, la
spontanéité.
Cléo craque lorsqu’elle répète
une chanson – Sans toi – prenant alors
conscience des choses graves qu’elle raconte. Elle se voit déjà morte et
enterrée, seule, laide et livide. Prise de colère, commence alors pour elle une
déambulation dans les rues de Paris. Cette phrase, terrible, prononcée par
Michel Legrand, alors que Cléo annonce qu’elle se sait condamnée : « Encore un truc pour qu’on dise qu’on t’aime »
Agnès Varda |
Le film d’Agnès Varda se passe en
temps réel. Deux heures de la vie d’une jeune femme qui se croit condamnée. La
caméra virevoltante de Varda fait un pied de nez à la mort qui plane au-dessus
de la tête de Cléo. Petit à petit, Cléo commence à quitter son nombril des yeux
et à regarder les gens qui l’entourent. Elle comprend alors, en observant le
quotidien d’inconnus, qu’elle est privilégiée et qu’elle n’a pas vraiment de
raisons de se plaindre. Une rencontre va la changer à jamais. Un jeune soldat
qui va devoir repartir faire la guerre en Algérie lui redonne goût à la vie et
la force de se battre face à ce qui désormais sera sa destinée.
Un film sur la peur de la mort.
Agnès Varda fait passer une émotion folle. Tantôt tout se précipite et nous
laisse haletant, tantôt la cinéaste nous laisse le temps de reprendre notre souffle
et de nous positionner face à nos propres peurs.
Le film contient un petit cadeau :
un film burlesque mettant en scène de grands noms de la Nouvelle Vague :
Jean-Luc Godard – sans lunettes – Anna Karina, Samy Frey, Jean-Claude Brialy.
Ce petit film, visionné à travers une vitre de cabine de projection, était voué
à distraire le spectateur. Varda avait peur qu’il s’ennuie. Mais comme elle dira
dans un entretien au Monde : « Ce film reflète l'amitié qu'il pouvait y avoir entre les gens de la
Nouvelle Vague, cette manière qu'on avait, même quand on traitait de sujets un
peu graves, de toujours faire des films très vite, en s'amusant »
Cléo de 5 à 7 est le
deuxième film d’Agnès Varda. Elle ne le considère pas comme un film de
jeunesse, car « tout a été fait très
sérieusement » comme elle le dit. Pour ma part, ce film me colle au cœur
et je me surprends régulièrement à chanter la chanson phare… On ne se refait
pas.
La mort, si proche phonétiquement de l’amour. Et
quoi de plus beau que l’amour d’une mère ? Saliha est maman de 4 enfants.
Son fils ainé est parti, un matin d’août, faire le jihad en Syrie. Il n’en est
jamais revenu. Comment faire le deuil d’un enfant dont on ne verra jamais le
corps ? Comment entamer un processus de reconstruction quand l’Etat ne
reconnaît pas que vous avez perdu votre enfant ? Comment vivre avec ce doute :
mon fils est présumé mort ? Ce qui ne laisse aucun doute, c’est le vide que laisse une telle
disparition. Chambre vide, lit vide, famille amputée. Comment saisir l’ampleur
de l’incompréhension de cette maman qui, pourtant attentive et aimante, n’a
rien vu venir. Son fils, élevé avec tant d’amour, dans un contexte familial
heureux, s’est laissé aveuglé par la folie religieuse. Saliha ne se tait pas.
Elle monte aux barricades, veut que ses droits de maman en deuil soient
reconnus. Elle veut connaître la vérité. Qui est derrière cet endoctrinement
fou ? Comment et pourquoi, l’Etat laisse faire ?
C’est un récit courageux, un combat quotidien,
et une grande souffrance que nous livre Jasna Krajinovic dans son documentaire The Empty Room.
La réalisatrice, que les fribourgeois avaient eu le bonheur de découvrir dans
la Carte Blanche des Frères Dardenne en 2013, avec Un été avec Anton
ou encore La Chambre de
Damien, propose une nouvelle fois une exploration de la survie. La
famille de Sahlia doit fuir le quartier dans lequel elle vivait depuis de
nombreuses années. Trop de pression, de menaces. Tout reconstruire, se battre
pour défendre ses droits. Les droits les plus élémentaires, savoir ce qu’il est
arrivé à leur fils et pourquoi ? Pouvoir, peut-être, entamer un processus
de deuil que l’on sait déjà sans fin. On ne se remet pas de la mort d’un
enfant. Quelle que soit les raisons de cette mort. Le cœur d’une maman ne se
recolle jamais après avoir été ainsi brisé. Touchant, émouvant, éclairant.
The Empty Room |
Derrière chaque grand homme, il y a une femme
dit-on. Mais il y a surtout une maman. Celle qui éduque, qui inculque certaines
valeurs, qui propose un chemin à suivre. Et même un des hommes les plus puissants
du monde a une maman. Même Barack Obama. Elle s’appelle Stanley Ann Dunham.
Oui, elle porte un nom de garçon. Le destin de cette femme ne pouvait qu’être
atypique. Imaginez, une jeune femme américaine de 18 ans, qui tombe amoureuse d’un
africain qui bénéfice d’une bourse d’étude à la fin des années
50. Certes leur amour se vit à Hawaï, mais elle est américaine. Une époque où
le mariage interracial est illégal dans une grande partie des états américains.
Elle tombera enceinte, se séparera, se mariera avec un indonésien. Une femme
libre, curieuse du monde, soucieuse des humains, obsédée par l’éducation. Une
femme brillante et libre. Une femme qui s’est engagée pour donner l’accès au
microcrédit aux femmes. Une femme charismatique et chaleureuse, dont le rire
résonnait partout où elle passait. Une femme qui rêvait, avec ses copines de
collèges, d’un meilleur avenir pour les femmes. Elle se projetait déjà
éthnologue au collège. Elle a toujours su que c’est ce qu’elle ferait.
Obama Mama |
Basé sur des témoignages d’amis d’enfance, de
personnes qui la côtoyaient de personnes avec lesquelles Stanley Ann Dunham a
collaboré, d’images d’archives fascinantes, de petites phrases que son fils,
Barack a écrit dans son autobiographie, Obama Mama de
Vivan Norris nous propose de découvrir celle qui indirectement, par l’éducation
qu’elle a offerte à son fils a changé la face du monde et a permis, peut-être,
de faire naître une meilleure compréhension interraciale dans un pays qui
manque de racines. Elle a peut-être fait un rêve, celui d’une plus grande tolérance
et d’une plus grande ouverture au monde, en faisant preuve d’humanisme. Un
portrait qui dépasse largement le biopic et qui nous offre, les rêves, les
aspirations d’une femme qui, par ses valeurs a offert à l’Amérique un espoir: Barack Obama, 44ème président des Etats-Unis et premier président afro-américain.
Prochaines projections
Cléo de 5 à 7 : 19.03 17h
The Empty Room : plus de
projections
Obama Mama : 17.03 18h30
STS/14.03.2016
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