Alice Guy |
Le Festival International de
Films de Fribourg va ouvrir ses portes ce soir, en silence, en projetant des
courts-métrages d’Alice Guy, pionnière du cinéma, et The Kid de
Charlie Chaplin. Le silence sera tout relatif vu que The Kid sera
accompagné en direct par L’orchestre de chambre fribourgeois.
Des films muets pour lancer une
édition toute consacrée aux femmes ? Est-ce à dire, que nous les femmes,
nous parlons trop ? Non ! C’est au contraire une invitation à prendre
la parole. A nous exprimer, quel que soit le support, cinéma, peinture,
écriture, BD, et j’en passe. Prenons la parole !
Alice Guy est la première femme
réalisatrice de l’histoire. En fait, elle a été pionnière dans presque tous les
domaines liés au cinéma : première femme productrice, première femme à
avoir créé une société de production, en 1910 !
Alice Guy a débuté comme
secrétaire dans une société de photographie en 1894. Elle a 21 ans. Employé de
la même société, Léon Gaumont. Gaumont… Gaumont… ce nom vous dit quelque chose ?
Et oui ! C’est le père de la production française ! Il rachètera la
société de matériel de photo qui l’employait et la suite, on la connaît.
Retour à Alice. Elle restera dans
la nouvelle société créée par Gaumont et deviendra sa secrétaire. Les progrès
techniques, les inventions des Frères Lumières entre autres, éveilleront la
curiosité d’Alice. Elle se prend de passion pour la photographie animée et
soufflera à Gaumont l’idée qu’elle puisse éventuellement se lancer dans
quelques expérimentations. Gaumont lui donne son feu vert, mais cela doit se
faire en dehors des heures de travail. En 1896, Alice réalise donc son premier
court-métrage : La Fée aux Choux.
Gaumont lui confie alors la direction du secteur lié aux fictions d’animation.
Rien ne l’arrête ! Elle choisit ses collaborateurs, tourne des centaines
de films, tous très courts. En 1906, elle épouse Herbert Blaché, opérateur chez
Gaumont, et part s’installer aux Etats-Unis. Là-bas, en 1910, elle crée sa propre
société de production. La Solax Film Co est née. Elle devient rapidement la
plus grosse société de production des Etats-Unis avant l’émergence du rouleau
compresseur Hollywood.
Autant vous dire que la projection,
ce soir, de certains de ses films, qu’Alice a tenté de retrouver en vain de
1927 à sa mort en 1968, touche au miracle ! De quoi nous réjouir !
Des films muets pour débuter un
festival de cinéma : quel beau cadeau ! Cela touche aux racines du
cinéma, aux racines du rêve. Cela m’a donné l’envie de refaire un petit tour du
côté du muet. Je ne suis pas une grande amatrice de classement en tous genres,
mais je tenais à vous faire découvrir les 5 films muets qui m’ont le plus
touchée dans ma vie de cinéphile. Il va de soi que cela est totalement arbitraire
et subjectif. Deux films ne figurent pas dans cette liste, et pour cause, ce
sont deux films, qu’ils soient muets ou non, qui sont encore aujourd’hui des
références inclassables et tout simplement incontournables : The Kid de
Charlie Chaplin et Le Voyage dans la
Lune de Georges Méliès.
Le cinéma muet, même s’il a connu
son apogée jusqu’à la fin des années 20, le premier film parlant, du moins
considéré comme tel, même si les scènes parlées sont rares, c’est un film
sonore, Le Chanteur de
Jazz d’Alan Crosnan en 1927, a cependant réservé quelques
surprises, dont une de taille, en 2013 ! Le premier qui me dit « The Artist !» va
directement au coin ! Non, plus sérieusement, je ne suis pas là pour
démolir le cinéma de Michel Hazanavicius qui me laisse totalement de marbre, mais
pour vous faire rêver. Rêvons donc ! Et vous verrez, à quel point les femmes
sont présentes dans cette liste de mes 5 films muets préférés. Il n’y a pas de
hasard !
LE VENT – Victor Sjöström - 1928
Le Vent est tiré
d’un roman de Dorothy Scarborough. Il a été adapté pour l’écran par Frances
Marion. Quiproquo amoureux, amours contrariées, désert, ranch, vent qui rend
fou. Voilà en résumé Le Vent.
Sjöström, bien qu’ayant passé les
première années de sa vie aux Etats-Unis, est suédois. Il reviendra en Suède en
1887, au décès de sa mère, puis repartira pour les Etats-Unis en 1924. Si
pendant sa première période suédoise, il réalisera bon nombre de films adaptés
de grands auteurs scandinaves – Ibsen ou encore Lagerlöf- sa deuxième période
suédoise, le verra plutôt face caméra. Il fera l’acteur, plus que le
réalisateur. On le verra notamment Les Fraises Sauvages d’Ingmar
Bergman.
LA PASSION DE
JEANNE D’ARC – Carl Teodor Dreyer – 1927
Dreyer filme le procès de Jeanne d’Arc.
Un film de près de 2 heures où Jeanne d’Arc affronte ses juges. Incompréhension,
haine, outrages. Une Renée Falconetti sublime, tête rasée et visage en larmes.
Je défie quiconque de rester insensible à ce film, à ce visage. Je l’ai vu sur
grand écran à Locarno il y a quelques années. C’est probablement un des moments
les plus forts de ma vie de cinéphile. Un de ces moments que l’on n’oublie pas.
Tourné de façon très serrée, au plus proche des personnages, c’est un des films
qui me rappelle, s’il est encore besoin de le faire, que le cinéma est une
source fantastique d’émotions fortes.
L’AURORE –
Friedrich Wilhelm Murnau – 1927
Une histoire de séduction, de
tentative de meurtres, d’amour retrouvé. Un film où les éléments, les passions
se déchaînent.
L’histoire est relativement
basique et franchement, sans goût particulier. Mais Murnau, avec la science de
l’image qui lui était propre, en particulier dans les séquences nocturnes,
auxquelles il a donné une luminosité incroyable, a peut-être réalisé le plus
beau film du monde ! C’est du moins ce que disait François Truffaut. Et
comme Truffaut est un de mes maîtres, je ne suis que sa voix. Ou suis-je sa
voie ?
LA PRINCESSE AUX
HUITRES – Ernst Lubitsch – 1919
Quaker a tout. Il est gros, il
est riche, il est le roi des huîtres d’Amérique. Son rêve, que sa fille Ossi
épouse un prince. C’est aussi le rêve de sa fille, digne héritière du père, qui
crie au scandale lorsque des journaux osent la marier à un simple comte. Mais
rien n’ira comme les deux le souhaitent.
Un film délirant, drôle ! C’est
un Lubitsch qui réside encore à Berlin qui réalise ce film. Il ose tout !
BLANCANIEVES – Pablo Berger – 2012
Alors là, qui l’eût cru ?
Moi, la grande amoureuse de contes, et grande réfractaire à toutes ces
adaptions à deux balles et de mauvais goût qui sont sorties sur les écrans ces
dernières années, j’ai littéralement craqué pour cette Blanche-Neige ibérique.
Transposition du conte dans l’Espagne des années 20 et qui plus est, dans le
milieu de la tauromachie. Il fallait oser ! Si les contes ont cette
fabuleuse capacité de parler tant aux enfants qu’aux adultes, proposant un
double niveau de lecture, Pablo Berger ne s’attache qu’à une seule chose ;
transmettre des émotions. Visuellement, c’est sublime ! Le noir blanc est
envoûtant. Musicalement : ça touche au génie ! Passant d’une fanfare
au flamenco, tout en évoquant par moments la magie de la musique d’Alban Berg. Dans
le top trois des adaptations de contes, avec La Belle et la Bête
de Cocteau ou en encore Peau d’Âne de
Jacques Demy.
ST/11 mars 2016
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