A Lupino a day keeps the doctor
away ! C’est tellement ça ! J’ai
pour habitude, dans les festivals que je fréquente, de toujours voir un vieux
film comme on dit, par jour. Déjà parce que j’adore ça et surtout, parce que j’ai
besoin qu’on me raconte des histoires. Bien souvent, ce sont des histoires qui
tiennent en trois phrases, mais qui font tellement de bien. The Man I love de
Raoul Walsh n’échappe pas à cette règle. L’histoire est banale pour un film du
milieu des années 40 : une femme, deux hommes, un peu de pègre, de la
musique. La femme est très femme, maquillée, pomponnée, arborant des tenues
incroyable et les mecs sont très virils. Un film noir quoi. Mais c’est
tellement bon ! Et quand en plus la musique du thème
principal, entêtante, est signée George Gershwin, moi j’embarque tout de
suite ! Les histoires d’amour se font et se défont à la vitesse de l’éclaire,
rien à voir avec la vie. C’est peut-être pour ça que j’aime tellement ces vieux
classiques.
The Man I love |
Raoul Walsh pensait d’abord à Ann
Sheridan et Humphrey Bogart pour incarner les deux héros principaux de l’adaptation
du roman de Maritta Wolff. Ce seront finalement Ida Lupino et Robert Alda qui
incarneront Petey Brown et Nicky Toresca. Quant à l’amour impossible de Petey,
San, ce sera Bruce Benett. Ida Lupino a une voix très grave pour une femme, et c’est
rare à cette époque où Hollywood les préfèrent plutôt évaporées. Seule Lauren Bacall possédait
une voix aussi grave. Des voix envoûtantes. Raoul Walsh offre à Ida Lupino un
de ses plus beaux rôles, une femme fatale et malheureuse à qui elle donne non
seulement un corps et une voix remarquable, mais également de la substance. Bref,
the Lupino effect, faut le voir pour le croire ! The Man I love sera une
grande source d’inspiration pour Martin Scorsese lorsqu’il réalisera New York New York
30 ans plus tard.
Sous le charme ! The
Summer of Sangaile de la réalisatrice Alanté Kavaïté, membre du Jury
cette année, est une perle. Un film tellement intimiste qu’on a presque envie
de le garder rien que pour soi, comme un petit trésor.
Sangaile a 17 ans. Elle est
fascinée par l’acrobatie aérienne, mais elle souffre d’un profond vertige qui l’a
jusqu’ici empêchée de monter dans un avion. Lors d’un meeting aérien, elle
rencontre Auste, qui est en charge d’une tombola. Auste est une jeune femme
libre, créative, habitée par une douce folie. Les deux jeunes femmes tombent
amoureuse et découvre les douceurs de l’amour saphique. Douceur, c’est le bon
mot. La réalisatrice propose, avec finesse, délicatesse et sensualité, une
immersion dans l’intime de ces deux jeunes femmes. Une mise en scène
remarquable qui, même dans les scènes de sexe, ne glisse jamais dans le
vulgaire. On a plutôt l’impression d’être suspendu, à l’abri de la réalité, comme
dans une bulle. On comprend aussi très rapidement que la peur du vide de Sangaile
est surtout liée à un vertige intérieur. On ne sait pas vraiment d’où vient ce
mal-être qui est exprimé par des coupures qu’elle s’inflige sur l’avant-bras.
Auste, avec sa joie de vivre et sa spontanéité, et en photographiant aussi
Sangaile, la déguisant, la mettant en scène, va lui ouvrir de nouvelles
perspectives. Plein de charme et de poésie.
The Summer of Sangaile |
Le charme a rapidement été rompu
avec Roundabout in my Head de
Hassen Farhani. Dans le plus grand abattoir d’Alger, entre les carcasses et le
sang, des hommes parlent de leurs espoirs, d’amour et leurs envies d’ailleurs.
Le contraste entre le discours et les images est tel, que je me suis violemment
braquée. On sent bien à quel point le réalisateur souhaite nous faire
comprendre que cet abattoir est un point de départ vers des histoires de vies.
Qu’il est un peu organisé comme une ville dans la ville. Que c’est un lieu
ouvert, où transitent les bêtes et les hommes, mais que c’est également un lieu
fermé où coule le sang. Parce que du sang, il y en a. Sur le sol, sur les
hommes. Je soupçonne ce film de vouloir nous imposer une deuxième vision, passé
le « traumatisme » de la première. Je le reverrai, moins fatiguée,
moins à fleur de peau, peut-être qu’il me révèlera les beautés qui, pour le
coup, me sont restées inconnues, invisibles, inaudibles. Je pense que mon
cerveau a dû activer une espèce de pare-feu, considérant que j’avais déjà été
suffisamment triturée, malaxée, retournée, chamboulée au cours des dernières 24
heures…
Roundabout in my Head |
Tout ça, c’était sans compter sur
Born in Battle qui allait suivre. Surfant entre l’allégorie et le récit de
vie, ou plutôt de mort, Yangzom Brauen, réalisatrice suisso-tibétaine, nous
immerge dans le quotidien d’enfants-soldats. C’est brutal. C’est cru. Mais la
force qu’y inculque la réalisatrice est phénoménale. C’est terrible à dire, tant
le sujet est grave, mais c’est très beau. Des portes se dessinent sur des murs,
créant des ouvertures sur la réalité, laissant peut-être un espoir au jeune
gamin qui raconte son expérience. Des corps déchiquetés, par la magie d’un
feutre, se reconstituent. Mais la fin est inéluctable.
Born in Battle |
Quant au Syndrome de Petrouchka
d’Elena Haszanov qui a clôturé ma journée en salles et dont c’était l’unique
projection dans le cadre du FIFF, je lui consacrerai une chronique entière dans
les jours à venir. Il est en salles, allez le voir ! C’est une très belle
histoire empreinte d’un lyrisme slave, portée par une musique merveilleuse, qui
vous saisira le cœur. Elena Hazanov nous emporte, avec douceur et raffinement, dans
une histoire à la fois étrange et effrayante, aux limites de la folie. Amour,
passion, obsession, désir de possession. Il y a une ambiance de conte qui plane
sur ce superbe film.
Le Syndrome de Petrouchka |
Prochaines projections
The Man I love : plus de
projection
The Summer of Sangaile : plus de projection
Born in Battle: plus de projection
Roundabout in my Head :
17.03 12h45
Le Syndrome de Petrouchka :
actuellement en salles
ST/16.03.2016
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