De Spike Jonze, j’aimais deux
choses : Being John Malkovich qu’il
a réalisé en 1999 et Synedoche New-York qu’il
a produit en 2008 (surtout parce le regretté Philip Seymour Hoffman y interprète
Caden Cotard). Sinon, les Jackass I, II, et XXVIII
(y en a-t-il vraiment eu 28 ?
NON ! et heureusement !) et autres débilités, n’ont trouvé que peu d’indulgence
à mes yeux.
Mais alors pourquoi suis-je allée
voir HER ? Pour
Joaquin Phoenix, voyons ! Oui, quelques fois mon côté midinette se
réveille et la perspective de passer presque deux heures en compagnie du beau,
et si merveilleusement imparfait Joaquin, ne me laisse pas de marbre.
Dans un futur proche, Theodore
(Joaquin Phoenix) vit des moments difficiles. Il vient de se séparer de sa
femme et la procédure de divorce ne s’annonce pas très joyeuse. Le quotidien de
Theodore consiste à rédiger des lettres à l’allure manuscrite pour des gens qui
ne savent plus écrire par eux-mêmes. C’est le genre de chose qui, pour moi,
grande amatrice d’échanges épistolaires, est un véritable crève-cœur. Theodore
relève ses mails, repousse les rendez-vous avec ses amis – quand il ne les
annule pas – et joue à un jeu holographique vulgaire et grossier, le soir chez
lui. Palpitant...
Un jour, Theodore découvre un
nouveau logiciel d’exploitation qui, une fois qu’il a récolté un minimum d’informations,
propose une voix qui gère tout le poste et qui est censée vous correspondre. Courriels, appels, rendez-vous, tout.
Cette voix (celle de la troublante Scarlett Johansson) le réveille aussi le
matin et lui souhaite une bonne journée. Le reste du temps, Samantha, c’est son
nom, discute, rigole et joue un peu au psy avec Theodore. Son humour et sa « personnalité »,
créés sur mesure, font des miracles. Theodore retrouve goût à la vie petit à
petit. Et aussi étrange que cela puisse paraître, cette intelligence
artificielle est capable d’éprouver des sentiments. De séances de sexe
virtuelles en gros fous rires, Samantha et Theodore tombent amoureux. Oui, c’est
étrange, mais on y croit.
Bien plus qu’une bluette perdue
dans le paysage des comédies romantiques, HER est une représentation
de notre façon de communiquer, de tomber amoureux. L’abondance des réseaux
sociaux, des sites de rencontres, l’immédiateté avec laquelle s’installe l’intimité
virtuelle entre deux correspondants parlent certainement à bon nombre d’entre
nous. Cette pseudo aisance instantanée contraste avec la difficulté qu’ont les
gens à exprimer leurs émotions et l’obligation pour eux de passer par un tiers
(en l’occurrence Theodore) pour souhaiter un joyeux anniversaire de mariage,
pour déclarer leur flamme ou simplement remercier les personnes qui partagent
leurs vies. C’est le paradoxe de notre époque : nous n’avons jamais eu
autant de moyens de communication et nous n’avons jamais été aussi seuls.
Au-delà de ce premier degré d’analyse,
plus évident, on peut aisément considérer cette relation entre Theodore et
Samantha comme une métaphore du processus de deuil. En effet, Theodore qui
vient de se séparer de sa femme doit faire le deuil de la vie à deux et
réapprendre à vivre seul. Chacun de nous a déjà vécu ces moments où la solitude
pèse, mais où, pour rien au monde, on ne souhaite « remettre le couvert ».
Pour se sentir vivant, on collectionne les conquêtes (Theodore a plusieurs
rendez-vous), on cherche à plaire et à faire l’amour. Theodore le dit
clairement à un moment. Il voulait que cette femme rencontrée un soir, le « baise »,
pour « combler ce petit trou dans le cœur ». La relation avec
Samantha a l’avantage de ne nécessiter aucun engagement. Il sait qu’il peut
plaire. Il reprend confiance en lui et en l’avenir. A la fin du processus, au
moment où il est prêt à redémarrer une relation, les béquilles s’envolent…
Theodore peut jouir à nouveau de la vie. Seul.
HER est
un film touchant, qui nous parle certainement à tous. Malgré qu’il se passe
dans le futur, les effets spéciaux sont minimes et l’on peut sans autre se
projeter dans cette société finalement pas si éloignée de la nôtre. Tout est
assez plausible et on y croit aisément. Regardez nos smartphones : il ne
leur manque que la parole ! Un film rempli de charme et non dénué de fraîcheur.
ST/ le 5 mai 2014
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