Si on vous dit : Maps to the Stars ? A quoi cela
vous fait-il penser ? Immanquablement à ces cartes distribuées aux
touristes et qui montrent les lieux et villas de vos stars préférées lorsque
vous décidez de faire un tour du côté de Los Angeles. Un peu de rêve à portée
d’appareil photo. Une grille derrière laquelle vit telle ou telle célébrité.
Cronenberg nous invite derrière cette grille… et même plus que cela. Il propose
une plongée dans l’intime des stars et dans l’univers impitoyable d'
Hollywood. Mais il ne vous donne pas les cartes pour vous y retrouver.
Ce sont donc trois histoires
parallèles. Celle de Havana Segrand (incroyable Julianne Moore), actrice has been qui court après tout ce qu’elle
n’est plus : jeune et convoitée. Elle couche à peu près avec tout ce qu'
Hollywood compte comme producteurs afin de décrocher un rôle tenu jadis par sa
mère. Mère avec laquelle elle entretient, bien qu’elle soit morte dans un
incendie, une relation compliquée. Complètement névrosée, Havana s’offre les services
d’un gourou à la mode : le Docteur Sanford Weiss (John Cusack). Qui n’a de Docteur que
le titre. Une espèce de charlatan des temps modernes, qui réussit à imposer sa
vision du monde basée sur le pardon et des touchers rectaux comme méthodes de
développement personnel. Il vit dans une grande maison, entièrement vitrée,
avec sa femme et son fils, Benjie, qui à 13 ans est déjà une vedette
capricieuse.
Le liant à ces trois vies se
nomme Agatha (talentueuse Mia Wasikowska). Elle est la fille de Weiss, la sœur de Benjie et la nouvelle
assistante de Havana. Elle sort d’un long séjour en clinique où elle a soigné
sa pyromanie.
Cronenberg nous montre qu’en
fait, preuve à l’appui avec ces trois histoires qui s’entremêlent, qu’Hollywood
est un tout petit monde. Que tout le monde se connaît, s’aime lorsqu’il le faut
et se déteste cordialement le reste du temps. L’inceste qu’aurait subi Havana,
ainsi que la relation entre le Docteur Weiss et sa femme (ils sont frère et
sœur) représente ce microcosme. A être tellement petit et hermétique, ce petit
« monde-qui-fait-rêver » fini
inévitablement à « frayer parmi ». Ce qui, selon Cronenberg,
expliquerait le côté attardé et difforme des productions des grands studios
hollywoodiens… C’est cruel. Mais la
cruauté est une aptitude humaine innée, de même que l’hypocrisie, dixit Mister
Cronenberg toujours. Son film est en lice pour la Palme d'Or qui sera décernée samedi soir sur la Croisette... ça fait un peu mise en abîme, non?
Et de la cruauté, Maps to the Stars en regorge. De Havana
qui a la capacité de se réjouir de la mort d’un enfant à Benjie qui trouve que
le lymphome non Hodgkinien (une sorte de cancer) est moins vendeur que le SIDA,
on ne peut que confirmer que la cruauté est bel et bien humaine. Ou encore
Agatha qui est priée par Havana de bien vouloir ne pas avoir ses règles sur ses
meubles qui valent une fortune… Notez que Havana et Benjie seront rattrapés par les
fantômes de leur passé. Des réminiscences âpres de leur manque d’humanité.
Cronenberg est lui-même très
corrosif. Régulièrement les noms de diverses célébrités hollywoodiennes connues
pour leurs frasques sont mentionnés… Il n’a pas dû se faire que des amis.
Le réalisateur de La Mouche ou plus
récemment de Cosmopolis démontre
qu’il n’a pas perdu de mordant et nous livre un film une nouvelle fois
percutant. Les décors sont sobres et graphiques, l’atmosphère, bien que
nettement moins hermétique que celle de Cosmopolis, toujours
aussi bavarde. Vous devez rester concentrés… mais vous rirez beaucoup à cette
représentation sans concession d’un univers où votre liberté est conditionnée
par votre succès et votre immortalité assurée par les images qui subsisteront de
vous .
« Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté »
Paul Eluard
On pense irrémédiablement à de
grands films qui ont fait l’histoire du cinéma : Sunset Boulevard
de Billy Wilder ou encore What happened to Baby Jane de Robert Aldrich. Le personnage de Julianne
Moore m’a fait penser à Bette Davis (Baby Jane) : jalouse, aigrie,
cruelle, folle, mais totalement désespérée. Mais également Benji, avec son
statut d’enfant star qui à 13 ans sort de cure de désintox… mais comme il le
dit lui-même : « Je suis arrivé
à 13 ans. C’est déjà pas mal. »
Cronenberg creuse l'âme humaine, une nouvelle fois. Alright Mister Cronenberg, we are ready for our
close-ups !
ST/ 22.05.2014
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