Typisch d’Schwiiz ! Typiquement
la Suisse ! Qui d’autre que nous pour créer un poste d’inspecteur des
déchets, de shérif du PET, d’ayatollah du sac poubelle non-conforme ? Tout
un inventaire de règles pour gérer l’élimination de nos déchets en bonne et
due forme. La personne responsable de veiller à la bonne application de toutes
ces règles, c’est lui : Hansjörg « Jöggi » Stähli, vieux garçon
d’une quarantaine d’années, qui prend son rôle très à cœur.
Son quotidien est rôdé :
patrouille de contrôle dans les rues de sa petite ville, remise à l’ordre des
contrevenants, et surtout, interventions d’urgence lorsqu’un sac poubelle ou un
quelconque déchet n’est pas mis dans la poubelle ou le container
adéquat. Dans son bureau, une multitude de classeurs répertoriant les délits d’un
certain Teddy. Des canards en plastique, des détritus de toutes sortes jonchent
les abords des forêts ou les jardins collectifs urbains. Teddy sévit partout,
régulièrement et à toute heure. Il faut le démasquer.
Après enquête, il s’avère que Teddy
est une jeune fille livrée à elle-même, Emma (la malicieuse Luna Dutli). Sa maman, Lily (Johanna Bantzer), travaille dans un
fast-food, le Lucky Burger. Stähli (Bruno Cathomas) y va tous les jours pour consommer un thé
avec deux crèmes, mais surtout pour voir Lily, dont il est secrètement
amoureux. Stähli, décide de couvrir les agissements d’Emma. Il découvrira alors
que Lily est atteinte d’une pathologique particulière : elle accumule,
collectionne tout ce qui lui tombe sous la main. La comédie tourne alors au
drame sociétal.
Recycling Lily ne se contente pas de véhiculer quelques clichés
liés à nos mœurs, il va plus loin, mettant en avant le ridicule de certains.
Toutes les maisons sont mauves. Vous savez, ce mauve années 80-90 que l’on
aurait dû interdire ? Les jardins sont au carré, les rues si propres que l'on pourrait lécher les trottoirs. La ville
concourt d’ailleurs pour obtenir un prix de l’Office fédéral de l’environnement.
Le maire, complètement psychotique est obnubilé par cet événement.
La vie même de « Jöggi »
est atteinte de routine chronique. Une maladie terrible. Il vit encore avec sa
maman, totalement accroc à Derrick et aux bâtonnets au kirsch qu’elle suce à
longueur de journée. Tous les soirs, le même rituel : plateau télé, généralement
un émincé de bœuf et purée de pommes de terre avec le petit lac de sauce – vous
avez souri, parce que je sais que vous le faites aussi ! – un petit verre
de rouge. Les assiettes posées avec précision sur de petits napperons en
crochet blancs, fraîchement et méticuleusement amidonnés. L’amour qu’il porte
à Lily va révolutionner son quotidien. En dire plus vous gâcherait le plaisir,
croyez-moi !
Les personnages secondaires, à l’image
du voisin « welsch » incarné par Claude Blanc, ou encore le
tenancier-biker de la buvette préférée de « Jöggi », sont délicieux.
Et je peux vous assurer que comprendre le suisse-allemand est un réel atout
pour apprécier toutes les nuances de ce film haut en couleurs, filmé avec folie, poésie et talent par Pierre Monnard.
Oui, on rit beaucoup, de tous ces
personnages caricaturaux, de ces petites manies de perfectionnistes aussi
réputées que les coucous ou le chocolat ! Mais surtout, et c’est là la
force de ce film, on est terriblement attendri par la relation qui lie Hansjörg à la
petite Emma et à sa maman. Une merveille de tendresse ! Ce que l’on
en retient, et qui nous poursuivra certainement, c’est qu’édicter quelques
règles qui facilitent la vie communautaire, c’est bien. Ne pas s’y plier
de temps en temps et s’en extraire, c’est mieux. Les appliquer à la lettre nous
prive de choses élémentaires, comme l’inattendu ou la
spontanéité. Et nous fait immanquablement passer à côté de l’essentiel :
la vie.
ST / 23 mai 2014
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