Grande journée que celle d’aujourd’hui. J’ai pu voir, en séance de presse, deux films
pour lesquels je me réjouissais tout particulièrement : Tableau noir d’Yves Yersin et L’étrange couleur des larmes
de ton corps d’Hélène Cattet et
Bruno Forzani. Ni l’un ni l’autre ne m’ont déçue. Je vous en parlerai demain,
lorsque les festivaliers auront eu l’occasion de le voir. Pas de Cukor aujourd’hui,
mais un film d’Otar Iosseliani, Brigands, chapitre VII.
Iosseliani est un réalisateur géorgien qui viendra s’installer en France au
début des années 80. Son travail jusqu’au moment de son exil sera très souvent
confronté aux rigueurs et à la censure du régime communiste. Son dernier film,
sorti en 2010, Chantrapas, a été
relativement mal accueilli et par le public et par la critique spécialisée. Il
n’en reste pas moins que Iosseliani est un des réalisateurs parmi ceux qui
comptent. Comme le dit Carlo Chatrian, directeur artistique du Festival del
Film Locarno : « Les films de
Iosseliani sont, jusqu’à la façon dont ils sont produits, des hymnes à la
liberté. Liberté de regarder le monde avec un regard indépendant et d’y
projeter une ironie sublime, incomparable, qui permet de relancer le point de
vue et de remettre en discussion la vision choisie. Parce que même quand le
film est fini, la ronde de la vie peut continuer. »
Otar Iosseliani |
Brigands, chapitre VII entre bien la définition du cinéma de
Iosseliani qu’en fait Chatrian. Le burlesque est omniprésent, la liberté
également. Il nous emmène d’une époque à une autre, du roi jaloux qui fait
décapiter sa reine parce qu'elle a ouvert sa ceinture de chasteté au père
membre du régime communiste qui initie son fils aux techniques de tortures, le
film de Iosseliani respire l’ironie et la liberté de ton, non sans faire grincer
des dents de temps à autre. Sorti en 1996, il avait été qualifié à l’époque par
les Inrocks de la manière suivante : « Nous
aimons plus que de raison le cinéma burlesque et délicieusement cruel de ce
Géorgien décalé, poétique, politique, ironique. Iosseliani est un doux enragé
mais surtout un incroyable séducteur. Si vous n’avez pas succombé à son charme,
c’est tout simplement que vous n’avez jamais rencontré un seul de ses films. ».
Je ne peux que rejoindre cet avis.
Je suis heureuse de pouvoir vous parler de mon gros coup de cœur pour un
film de la compétition internationale : Short Term 12 de Destin Cretton. Quel film remarquable.
Quelle intelligence. Brillant sur tous les plans. C’est le deuxième long métrage
de ce réalisateur hawaïen. Au départ, il s’agissait d’un court qui a été récompensé
au Festival de Sundance en 2009 puis qui a été présélectionné aux Academy
Awards en 2010, pendant que son premier long I’m not a Hipster
faisait sa première à Sundance. Un réalisateur qui commence à s’imposer
dans le circuit du cinéma indépendant américain. Le succès de la version courte
de Short Term 12 incita le cinéaste à en tourner une version
longue, pour notre plus grand bonheur. Short term12, c’est le nom d’un foyer
qui accueille des jeunes difficultés. Grace, une jeune éducatrice, y travaille,
entre rigueur et complicité. Lorsque Jayden débarque au Foyer, Grace se retrouve
confrontée à des problèmes qui ont jonchés sa propre vie. La très proche remise
en liberté de son père, ainsi que sa grossesse, ne vont pas arranger les choses.
Elle va devoir trouver un équilibre entre sa vie personnelle, son travail, et
trouver, à travers l’humour et l’espoir, des solutions pour avancer dans sa vie
de femme et de future mère. Un must de cette 66ème édition où la
pudeur, aussi étrange que cela puisse être, est la clé qui ouvre les portes de
l’âme humaine. Enorme coup de cœur.
Dans la section Cineasti del presente, Costa
da Morte de l’espagnol Lois Patiño
est une merveille. Costa da Morte, c’est une région de l’Espagne, la Galice,
qui du temps de l’époque romaine était considérée comme le bout du monde. Les paysages
sont hachurés, la mer a provoqué de nombreux naufrages, l’ambiance y est
brumeuse et tempétueuse. C’est en mettant en lumière les relations
contradictoires entre les pêcheurs, les artisans et les éléments qui les
entourent, que Patiño dresse un portrait de cette région. Tendre et délicat, un
voyage au cœur d’une région faite de légendes.
Et pour ceux qui sont dans les parages de la Piazza Grande, ne ratez pas
demain lundi à 14h à La Sala, « Bonne Espérance » de Kaspar Schiltknecht.
Vous le retrouverez demain, ainsi que Céline Cesa, comédienne, dans un
entretien qu’ils m’ont accordé.
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