Alors que le palmarès est déjà
connu, que les polémiques sur Feuchtgebiete et L’Expérience
Blocher se sont dégonflées, que le coup de gueule d’Yves Yersin, hier
soir à la cérémonie de clôture du Festival del Film Locarno, fait parler de lui,
moi je vais tranquillement vous parler de mes deux derniers jours à Locarno.
Avec la liberté de ton qui me caractérise. Oui, je suis libre, totalement
libre. Libre d’aller à contresens sur l’autoroute de la « bonne pensée».
Revenons sur jeudi qui fut une
journée particulière. La première bonne surprise de la journée a été de croiser
Kyioshi Kurosawa dans le funiculaire qui relie Locarno à Orselina. C’est intimidée,
et soucieuse de ne pas trop le déranger dans son temps libre, que je l’ai
remercié pour son cinéma inventif et audacieux. Il m’a gratifiée d’une solide
poignée de main et d’un merveilleux sourire. Et lorsque je lui ai demandé si je
pouvais faire une photo avec lui, il m’a pris mon téléphone des mains et s’est
chargé de la faire. Je ne suis pas certaine qu’il ait compris tout ce que je lui
ai dit, mais la gentillesse de son regard ne pouvait cacher qu’il était touché.
La deuxième belle surprise a été
le film de Shinji Aoyama, Tomogui. Il s’agit de
la remise en question d’un fils qui découvre au début de sa nouvelle relation
amoureuse, qu’il a beaucoup de traits communs avec son père, notamment la
violence lors des rapports sexuels. Ce n’est qu’à la mort de ce dernier, qu’il
pourra prendre conscience de quels sont ses réels désirs et de quelle manière
il entend mener sa vie. Un film intelligent aux dialogues crus. Les scènes de
sexe ont un sens chez Shinji Aoyama, ce qui n’a de loin pas été le cas de
nombreux films vus à Locarno cette année.
Puis, il y a eu la masterclass de
Werner Herzog. Un moment que j’attendais impatiemment. Après de très longues
minutes d’attente en plein cagnard, enfin la libération. La fraîcheur de La
Salla n’a pas altéré le feu, la passion des gens présents. Les questions
fusent, les déclarations d’admiration aussi. L’homme est calme, ouvert à la discussion.
Réservé, mais passionné par moments, notamment lorsqu’il parle de Viva Zapata d’Elia
Kazan et la façon dont le personnage de Marlon Brando est présenté au
spectateur, la meilleure façon selon lui. Un grand moment, sachant que j’ai
beaucoup d’affection pour ce réalisateur et que son œuvre était souvent source
de débat avec mon papa.
Werner Herzog |
J’imagine que vous l’attendez
tous, vous qui m’avez suivie durant ce festival. Voici le palmarès de ce 66ème
Festival del Film Locarno. Palmarès décevant pour ma part, un peu à l’image de
la compétition internationale qui n’a pas réveillé chez moi des enthousiasmes débordants, à 2-3 exceptions près. J’ai trouvé mon bonheur
principalement dans la section Cineasti del presente. Comme déjà écrit, Historia de la meva mort d’Albert Serra est
une imposture. Un film mégalomane, hermétique. Le cinéaste arrogant et
antipathique m’a déjà énervée avant même le début de son film : « Les personnes qui resteront jusqu’à la fin
auront le sentiment d’avoir vécu quelque chose d’exceptionnel ! »,
tels ont été les mots de Serra lors de la présentation de son film. Regardez :
j’ai pondu un chef d’œuvre. Tout ce que je déteste. Bref, le Pardo d’oro lui est revenu.
Albert Serra |
Le prix
de la mise en scène est revenu à Hong Sangsoo pour son délicat U ri Sunhi, tandis que le pardo de la
meilleure actrice revient à Brie Larson pour sa performance dans Short Term 12. Fernando Bacilio, rôle-titre d’El Mudo, reçoit quant
à lui le Pardo du meilleur acteur. Viennent ensuite des mentions spéciales à Short Terme 12 et à Tableau
Noir de Yves Yersin. Le prix spécial du jury a été décerné à E Agora ? Lembra-Me de Joaquim Pinto, qui raconte le voyage du
réalisateur atteint du virus du SIDA. Quant au Prix du public UBS, décerné à un
des films projeté sur la Piazza Grande, c’est le très convenu Gabrielle de Louise Archambault qui le décroche, sans
grande surprise, tant il a été ovationné lors de sa projection. Pour le reste
du Palmarès, c’est ici..
Brie Larson |
Voilà, l’aventure tessinoise est
terminée pour ma part. J’espère que vous aurez eu autant de plaisir à me lire
que j’en ai eu à vous faire partager mes coups de cœur et mes coups de gueule.
A l’année prochaine pour une édition que j’espère plus audacieuse, et où les
prises de risques ne seront pas celles de projeter un film où deux jeunes
femmes s’échangent des tampons usagés ou celui où un vieux Casanova libidineux
bouffe de la merde ou encore le
portrait lisse d’un Christophe Blocher à l’agonie. Ciao Locarno, à l'année prochaine! Je t'aime malgré tout ...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire