dimanche 30 septembre 2012

L'INVITE : Fabrice du Welz


Vous avez eu des frissons d'effroi en voyant Jackie Berroyer et Laurent Lucas dans "Calvaire"? Vous avez été envoûtés par "Vinyan" et son sublime dernier plan mettant en scène Emmanuelle Béart? Le nom de Fabrice du Welz ne vous est dès lors pas inconnu. Ce quarantenaire a, avec ses deux premiers longs métrages, conquis un public certes de cinéphiles, mais surtout mis en avant une singularité exceptionnelle. Son univers constitué de références aux films paranoïaques des années 70 est avant tout un univers d'expérimentations, de bizarreries. Son prochain long métrage, attendu pour le courant 2013, réunira Gérard Lanvin, Joey Starr et Simon Abkarian. "Colt 45", produit par La petite Reine, producteur entre autres de "The Artist" (rien que ça...), promet d'être un thriller noir, un film d'atmosphère selon du Welz. Joint par téléphone, le cinéaste belge nous a accordé un entretien sur le peu de temps libre que lui laisse la post-production de "Colt 45". Découvrez un homme qui a envie de faire des films et rien que des films.
 



Vous avez fait le Conservatoire d'art dramatique de Liège, puis l'INSAS de Bruxelle, avant de faire un passage sur Canal + (La grande Famille et Nulle part ailleurs). Quand est-ce que le besoin de vous retrouver derrière une caméra s'est fait sentir?
 
Toujours. Ado déjà je tournais des petits films en Super 8 avec mes amis dans les bois. Oui, j'ai toujours voulu faire des films.
J'ai fait des études de comédiens, mais je ne suis pas comédien, loin de là. Quand j'étais enfant, je ne voyais que les comédiens dans les films, je ne m'imaginais pas tout ce qu'il y avait derrière la caméra. Lorsque j'ai découvert cet univers, j'ai voulu faire ça!
Je regardais beaucoup de films d'horreur, ils m'attiraient. Ils étaient beaucoup plus transgressifs, sexuels, viscéraux que ceux d'aujourd'hui. Bien sûr j'ai bouffé du "Vendredi 13" avant de voir des films de Cronenberg. Mais voilà, les films d'horreur j'en ai beaucoup visionné et je les aime.
 

"Calvaire" et "Vinyan" sont des films bourrés de références. Comment fait-on pour réussir tout de même à en faire des films personnels? C'est quoi le secret?
 
Je ne sais pas. On m'a déjà posé cette question et je n'ai pas vraiment de réponse.
Ce que je sais, c'est que certaines références sont conscientes, d'autres moins. Elles font partie de moi. C'est comme "Soudain l’été dernier" de Joseph L. Mankiewicz, je ne m'étais même pas rendu compte qu'il m'avait servi de référence, on me l'a fait remarqué plus tard. Je ne suis donc pas toujours conscients des références. En même temps,  j'ai en besoin, elles me permettent de trouver ma propre voie.
Mon prochain projet (ndlr: "Alleluia"), qui s'inspire d'un fait divers (les Tueurs de la Lune de Miel), sera forcément influencé par les deux adaptations qui existent déjà: celle de Leonard Kastle et celle d'Arturo Ribstein.
Mais bon, je ne sais plus qui disait cela, Scorsese je crois, il faudrait cinq films pour faire un bon cinéaste: j'en suis à mon troisième...


Jackie Berroyer et Laurent Lucas  in "Calvaire", 2004


Deux films d'horreur à votre actif, un polar noir en préparation, est-ce qu'à l'image de Ben Wheatley vous mettez dans vos films tout ce qui vous fait peur, tout ce qui vous angoisse?

Non, je ne crois pas, ou alors si je le fais, c'est de manière inconsciente. Mes obsessions, lorsque j'en ai, sont inhérentes à certains événements, je ne les cultive pas. Même si certains pensent, en voyant "Calvaire" et "Vinyan" que je suis un dingue névrosé, ce n'est pas le cas. Non, pas d'angoisses particulières. Et si j'en ai, elles me servent de matière pour avancer, comme tout le monde en fait.
Les thématiques du deuil impossible ou de l'amour aveugle touchent tout le monde.
J'aime le cinéma populaire. Vous savez, moi je veux faire des films envers et contre tout. Ce qui m'intéresse, c'est de faire du cinéma et que les spectateurs apprécient mes films. Mes deux premiers films n'ont pas vraiment été compris. J'essaie aujourd'hui de trouver un pont entre la narration et le public. Que ma radicalité, mes excès trouvent un chemin vers le public. C'est ce à quoi je m'attèle aujourd'hui en faisant des scénarios plus construits, plus écrits. Je pense mes films de manière organique, pas intellectuelle.
Pour revenir à Ben Wheatley, avec "Kill List", il a réussi à trouver un chemin vers le public avec une rare singularité. Nicolas Winding Refn et son "Drive" aussi.
"Vinyan" a déstabilisé beaucoup de personnes: les gens veulent se détendre, se divertir et pas forcément prendre des coups sur la tête.
Mon prochain film, "Colt 45" est un film noir, un film d'atmosphère, très différent du polar français traditionnel. Je suis bien entourée par l'équipe de La petite Reine et ensemble, on cherche un chemin vers le public, sans perdre ce qui fait ma particularité. J'ai envie de faire des films, rien que des films, et tous les genres m'intéressent, donc je tente d'élargir le spectre.



Votre fils a joué dans "Vinyan". Est-ce qu'il a vu le film terminé? De manière générale est-ce que vous montrez des films à vos enfants?

Alors non, mon fils n'a pas vu le film terminé. Pas certain que cela l'intéresse vraiment (rires). Il en parle de temps en temps, mais il ne l'a jamais vu. Il est plus intéressé par "Mission :impossible" et par la XBox, comme beaucoup de pré-ado. Ma fille est plus sensible au cinéma.
J'ai vraiment le souhait qu'ils s'intéressent au cinéma. Aux films de tous horizons. Je les emmène dans le milieu du cinéma, dans les salles. En général, les films en noir-blanc ne les bottent pas tellement. Mais "La Belle et la Bête" de Cocteau par exemple, ils ont un peu de peine au départ, puis ils sont pris par l'histoire. J'ai vraiment envie qu'ils s'intéressent à la culture cinématographique.


Vous-même, vous avez des souvenirs d'enfance liés au cinéma? Des films qui vous ont marqué?

Vous savez, j'ai grandi dans des collèges de jésuites en Belgique francophone. J'ai très tôt été en internat. On n'avait de temps en temps des séances cinéma qui étaient organisées, mais c'est vraiment le week-end, lorsque je rentrais à la maison, que j'ai découvert des films, notamment par la télévision.
Puis à l'adolescence, je visionnais plein de films d'horreur sur VHS. Il n'y avait pas le téléchargement à l'époque et découvrir un film sur VHS était à chaque fois un moment jouissif. Je visionnais des films d'horreur italiens, espagnols... des Mario Bava aux Cronenberg. Je suis d'ailleurs toujours très attaché aux VHS, aux DVDs ou aux Blu-Ray.


Scène de tournage "Colt 45"


Vous êtes actuellement en post-production de "Colt 45". Le titre est maintenu? Ça se passe bien?

Oui, pour le moment le titre est maintenu. Même si certains trouvent le titre un peu sec, pour le moment c'est le nom du film. Sinon, cela se passe bien. Un peu compliqué parfois, mais ça se passe bien. On prend un peu de retard. On devrait terminer début 2013.

Et "Alleluia"? Toujours d'actualité?

Oui. Le film est financé. Il a été revu, corrigé. Certaines choses pourraient changer. Mes envies ont évolué et ne sont plus vraiment les mêmes. Le casting pourrait changer, ou pas. Pour le moment, il est aussi dépendant de la fin de "Colt 45".


Merci Fabrice du Welz!


Propos recueillis par téléphone le 29 septembre 2012 / Cinécution

=> Si vous voulez en savoir plus sur "Vinyan", c'est ici.





 
 
 
 

1 commentaire:

  1. bravo Fabrice, vraiment hâte de voir Colt 45 et Alleluya.
    Calvaire c un chef d'oevre du genre, culte pour un pote et moi qu'on aime revoir

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