samedi 15 septembre 2012

L'ENFANCE VOLEE - Markus Imboden - 2011

Levée de corps chez les Bösiger. C'est ainsi que débute le film poignant de Markus Imboden, inspiré de 100'000 histoires vraies. Max  est amené par le pasteur du village chez la famille Bösiger pour "remplacer" le gamin découvert mort. Les mots du pasteur sont les suivants: "Faites en sorte qu'il dure plus longtemps que le dernier."
C'est aussi le jour où, dans le même car postal jaune vif débarquent la nouvelle enseignante du village, Mlle Sigrist et le fils Bösiger, fraîchement libéré de l'armée, Jacob.
 
Dans des paysages à couper le souffle (oui, l'Oberland bernois et ses vertes prairies sont magnifiquement filmés), c'est l'horreur la plus absolue que vont vivre Max et Berteli, jeune fille envoyée également chez les Bösiger pour donner un coup de main à la ferme. La famille Bösiger profite de l'argent de la pension que leur remet le pasteur pour s'occuper d'enfants orphelins ou dont les parents ne peuvent plus prendre soin.
 
 
 
 
Le père Bösiger (Stefan Kurt) est un alcoolique sujet à des crises de violence, qui dépense tout le revenu de la ferme dans la boisson. La mère Bösiger (Katja Riemann) est une femme aigrie et froide comme de la pierre qui décrit son mari comme étant est un cochon. Le fils Bösiger, Jacob, interprété par Maximilian Simonischek, est un petit con! Oui, il n'y a pas d'autres manière de le dire, c'est un petit con, violent et vulgaire.
 
Max (Max Hubacher) est un ado solitaire qui se réfugie dans l'accordéon, seul souvenir qu'il lui reste de sa mère. Il se rapproche de Berteli (Lisa Brand). Les deux jeunes gens se lient d'amitié et se soutiennent mutuellement. Max est mal nourri, battu régulièrement, dort dans la porcherie et travaille comme une bête de somme. Berteli s'occupe de la grand-mère mourante, subit les humiliations de la mère Bösiger, et reçoit les visites nocturnes de Jacob qui abuse d'elle.
 
 
 
Max s'endort régulièrement à l'école et la nouvelle institutrice, Mlle Sigrist, le prend sous son aile et dénoncera la situation, en vain. Il découvrira le tango et le bandonéon en écoutant la radio chez elle. Ce sera désormais son rêve: quitter la Suisse avec Berteli et se rendre en Argentine, où ils seront paysans, auront des chevaux et lui jouera de l'accordéon pour boucler les fins de mois.
 
Mais leurs rêves ne se réaliseront pas. Berteli meurt des suites d'un avortement barbare organisé par la mère Bösiger qui souhaite "résoudre le souci de son fils"... La police débarque et ordonne une enquête sans concessions contre les Bösiger. Max prend la fuite, à la poursuite de son rêve... même seul, il ira en Argentine.
 

 
 
Dès les premières minutes du film, on a le sentiment de se trouver dans une nouvelle de Jeremias Gotthelf (auteur bernois de la première moitié du 19ème siècle qui s'attacha à dépeindre la société paysanne et l'authenticité du milieu rural en dialecte bernois). Religion, difficultés financières, récoltes pourries, tout y est. On a aussi le sentiment, et là une fois de plus c'est anachronique, le sentiment de se trouver à chaque plan dans un tableau de Albert Anker (peintre bernois de la fin du 19ème siècle qui a peint des représentations des milieux ruraux) tant les couleurs et les lumières ressemblent à celles utilisées par l'artiste bernois. Cependant, la douceur et la tendresse qui émanaient des tableaux de Anker sont totalement absentes, pour ne laisser que transparaître de l'austérité et l'aridité de ses coeurs dépourvus de sentiments.
 
 
 
Ce film est basé sur les histoires vraies de 100'000 enfants, orphelins pour la majorité d'entre eux, qui étaient vendus à des familles d'accueil, pour la plupart issues du milieu agricole, qui voyaient en eux que de la main d'oeuvre bon marché. La plupart de ces enfants ont vécu l'enfer. Tout le monde était au courant mais tout le monde fermait les yeux. L'impact de l'église, quelle soit protestante ou catholique, sur les personnes du milieu agricole de l'époque faisait que tout le monde se taisait par peur de représailles. Ces placements d'enfants eurent lieu en 1900 et 1950-60. C'est une page sombre de l'histoire suisse récente sur laquelle se penche Markus Imboden. Histoire qui a été tue pendant de nombreuses années jusqu'à ce que certains médias, par le biais de documentaires la révèle au grand jour, mettant plusieurs institutions concernées dans l'embarras. Un film à voir.
 
 
 
 
Votre Cinécution

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