"Le cinéma est une forme d’art idéale pour parler de la solitude. Nous pouvons revivre des films avec d’autres personnes. Cela devient une expérience collective sur la solitude. Nous sommes assis seuls dans le noir, mais avec d’autres personnes." Joachim Trier
La Solitude. C'est un peu le leitmotiv de ce 2ème film de Joachim Trier, cinéaste norvégien que je découvrais ce soir. Et j'ai beaucoup aimé.
24 heures dans la vie d'Anders (Anders Danielsen Lie), 34 ans, au lourd passé de polytoxicomane. Il lui reste 2 semaines de cure avant de pouvoir réintégrer sa vie. Il reçoit une autorisation de sortie pour aller se présenter à un entretien d'embauche. Il en profite pour tenter de renouer les liens avec ses amis, ses amours et sa famille. Alors que la vie d'Anders s'est plus ou moins arrêtée lorsqu'il est entré en centre de désintoxication, celle de son cercle d'intimes à continuer de suivre son cours. A l'image de Thomas, le premier ami chez qui il va sonner. Il est devenu papa. Il n'a plus de relations sexuelles avec sa compagne, mais joue avec elle à Battlefield le soir... C'est sa petite vie comme il l'aime, dit-il. Anders se confie à lui, lui parle de choses intimes et Thomas, comme pour se préserver lui répond en citant Proust.
Anders s'en va pour se rendre à son entretien d'embauche , avec dans la poche, une invitation pour une fête à laquelle Thomas l'a convié. L'entretien se passe mal. Anders quitte l'entrevue en colère. Commence alors pour lui une journée d'errance dans la ville d'Oslo. A un moment, et c'est je pense un des plus beaux moments du film, il prend place dans un café. Il écoute les conversations. Elles parlent de rêves, de soucis familiaux, de préoccupations sentimentales, Trier film de telle manière que l'on ne sait plus ni si l'on est à l'intérieur du café ou à l'extérieur, si on suit la vie des gens présents dans le café, si Anders est tout à fait clean ou non. C'est un moment où l'on a de la peine à distinguer le réel de l'imaginaire. Vraiment une très très belle séquence. Puis il se rend à un rendez-vous avec sa soeur. Elle ne vient pas, trop déçue par son frère. C'est la compagne de cette dernière qui se présente. Elle remet les clés de la maison parentale à Anders.
Anders se rend à la fête à laquelle Thomas l'a convié. Il croise des gens de son passé et constate que le fossé s'est creusé et qu'il n'a plus réellement de rêves de jeunesse qui le portent. Il était doué, plein de talents et intelligent, mais il a tout saboté. Une rencontre féminine a presque réussi à nous faire croire qu'il pourrait survivre à cette nuit, et lui redonner un nouvel élan. Non, la fin est inéluctable.
Trier voulait faire d'Oslo, 31. August une chose simple mais tout de même émotionnellement complexe. Il voulait également de la clarté et de la lucidité dans son film, sceptique qu'il était (et est toujours, j'imagine) face au sentimentalisme, si facile à porter à l'écran. Et c'est très réussi, tant le film est sobre. Il voulait également que le film suive le fil d'une journée. Nous avons tous des journées qui se ressemblent au final : elles voient se succéder les conversations animées et les moments de silence, de solitude. Trier a filmé les gens dans les rues d'Oslo, ce ne sont pas des figurants. Ces séquences ont tout du documentaire et ne sont pas du tout mises en scène. Cela peut donner un côté un peu chaotique au film qui alterne entre séquences à la mise en scène soignée et séquences "improvisées". Joachim Trier le dit lui-même : "La vie est chaotique. Les films devraient refléter cela. En tant que réalisateur, j’essaie de faire tout mon nécessaire pour capturer et maîtriser ce chaos inhérent aux choses et de le rendre vivant.".
Trier montre avec beaucoup de délicatesse le désespoir humain le plus profond. Cette envie de tout quitter, ce sentiment que demain n'existera jamais. Oslo, 31. August ne donne aucune réponse au spectateur, il ne fait que poser des questions. Et des questions existentielles. A quoi tient notre vie? Quel est l'épaisseur du fil? Qu'est-ce qui fait que nous, on a envie de se lever tous les jours pour en jouir pleinement? Un film qui pourrait bien me suivre quelques jours.
A relever que la musique est incroyable dans ce film. De A-HA à Sébastien Tellier en passant par Desire ou Youth Brigade, on y prend du plaisir. Cependant, un petit bémol. Lors de la fête, on entend en arrière-fond la chanson de Desire, Under your Spell (http://youtu.be/9K7rmxjk5RQ), musique qui aura marqué tous ceux qui ont vu Drive de Nicholas Winding Refn. Et je dois dire que lorsque j'ai entendu cette musique, j'ai décroché momentanément et j'ai revu plein d'images de Drive. J'ai trouvé un peu maladroit d'utiliser cette musique. Mais je crois que cette illustration sonore n'est que le fruit du hasard. Enfin bref, il y a des musiques comme ça qui sont si fortement liées à un film que l'on peut difficilement les en dissocier.
Votre Cinécution
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