jeudi 17 mai 2012

BARBARA - Christian Petzold - 2012

Il n'était pas prévu que j'aille voir Barbara hier en fin de journée. Je voulais aller voir De Rouille et d'Os de Jacques Audiard, mais mon impatience à voir ce film m'a conduite un jour trop vite au cinéma qui le projette dès ce soir. Mais j'ai rudement bien fait d'y aller. Alors que l'Allemagne de l'Est a été montrée ces dernières années dans des films qu'il n'y a plus besoin de présenter (La Vie des Autres de Florian Henkel von Donnersmarck ou encore Goodbye Lenin! de Wolfgang Becker) Christian Petzold nous propose sa vision de l'Allemagne communiste. Une vision qui fait l'impasse sur les représentations austères du régime, pour placer l'humain au centre du propos.




1980, une dizaine d'années avant la chute du mur, Barbara est médecin pédiatre dans un hôpital de Berlin, La Charité. Elle dépose une demande d'émigration pour l'ouest et est ensuite arrêtée. Elle est mutée dans un petit hôpital de province. Nina Hoss est remarquable dans le rôle de Barbara. Barbara intrigue aussi bien qu'elle fascine. Elle est une de ces grandes beautés froides qui ne sourit jamais. Distante, elle s'isole de ses nouveaux collègues qui prennent cette attitude pour du snobisme berlinois. En réalité, elle cache un secret. Barbara est traquée en permanence par la STASI qui n'hésite pas à débarquer de jour comme de nuit pour fouiller son appartement et procéder à des fouilles au corps. Elle soupçonne tout le monde et la moindre marque de sympathie est suspecte. A l'image de son collègue médecin André (interprété par Ronald Zehrfeld, à la générosité bouleversante. Oui, je suis tombée sous le charme de cet acteur que je ne connaissais pas) qui la regarde, qui lui manifeste de l'intérêt et qui essaie finalement de faire transparaître l'humanité qui habite Barbara. C'est au travers du travail de Barbara que le spectateur se rendra compte de sa douceur. Cette femme médecin qui appelle ses patients par leur nom, jusqu'à les prendre sous son aile. Ce qui sera le cas pour cette jeune fille un peu paumée qui répond au nom de Stella.



L'appartement de Barbara est vide. Rien ne peut la retenir. Le départ peut être imminent. Régulièrement, elle rencontre son ami de Düsseldorf qui élabore un plan de fuite vers le Danemark. Mais au fur et à mesure, la vie de Barbara se remplit. Des liens se créent, des sentiments naissent. Et si la vie finalement c'était ici et maintenant? Pourquoi toujours rêver d'avenir meilleur? Peut-être tout est déjà là, à disposition,  pour créer son bonheur et réinventer son histoire dans l'Histoire avec un H majuscule.



Christian Petzold distille une ambiance lourde, pesante et presque paranoïaque tout au long de son film. Un film qui respire le secret. Certains diront que Petzold est un opportuniste qui suit le sillon de La Vie des Autres. Mais non! Petzold nous montre que malgré la pesanteur du régime communiste, la suspicion qui règne et qui pourrit les rapports humains,  la confiance se gagne lorsque les démarches individuelles sont sincères et portées par un altruisme presque sans limite. André représente cet espoir pour Barbara. Un film qui se construit petit bout par petit bout. Un récit qui suit une ligne narrative conventionnelle mais qui, malgré tout, laisse un espace à la rêverie et à l'espoir du "tout est possible". Un film sur deux personnes qui se rencontrent dans un contexte d'urgence. Urgence pour Barbara de quitter l'Est. Elle qui a le sentiment que sa vie va commencer lorsqu'elle sera de l'autre côté du Mur. Un film sur un amour qui se méfie de lui-même. Un film sur la liberté, celle de partir ou celle de rester. Un film magnifique que je ne saurais trop vous conseiller d'aller voir, tant il est réalisé avec maestria (il a d'ailleurs obtenu l'Ours d'argent de la meilleure mise en scène à la dernière Berlinale), pudeur, et retenue. Sublime.



Votre Cinécution

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