"Le Grand Soir", c'était hier soir. Qu'est-ce que j'ai ri! Rire d'autant d'humour noir donne parfois le vertige et presque mauvaise conscience ou du moins provoque une certaine gêne... Mais en même temps, l'humour noir est libre et exprime avec cruauté, et un brin de désespoir, l'absurdité du quotidien. En ce sens, il provoque la réaction et incite à la réflexion.
Le générique commence par une longue série de dédicaces : de Claude Chabrol à Maurice Pialat, en passant par Jo l'indien et Paulo Anarkao... tous des punks selon Delépine et Kervern!
Not (Benoît Poelvoorde), une espèce de Diogène moderne, tout empreint de cynisme et qui semble crier en permanence : « Ôte-toi de mon soleil ! », est, comme il se définit lui-même, le dernier punk à chien d’Europe. Son frère, Jean-Pierre (Albert Dupontel), travaille dans un magasin de literie. Tout doit être « aux normes » selon lui, et son frère Not de lui répondre : « Et ta connerie, elle est aux normes ta connerie ? ». Son monde s’écroule lorsqu’il est renvoyé parce qu’il n’a pas atteint son quota de ventes et que son mariage part à vau-l’eau. Les parents (Areski Belkacem et Brigitte Fontaine), tiennent un restaurant, « La Pataterie » et passent leurs journées à éplucher des patates.
La crise (mot récurrent dans le film) que vit Jean-Pierre va être le point de départ du rapprochement des deux frères. Jean-Pierre va découvrir la liberté et Not, dans toute sa maladresse, prendre son rôle de frère à cœur. Les parents, qui affirment finalement être arrivés à ce qu’ils voulaient, à savoir faire de leurs enfants des hommes libres, font le constat qu’eux-mêmes, finalement, s’embêtent comme des rats morts dans leur vie. Chacun entreprend donc sa propre révolution !
Les deux compères de « Groland » reviennent avec un film qui, au-delà de nous faire rire et de nous toucher au cœur, dresse le portrait d’une famille qui a décidé de faire la révolution, mais à sa façon ! Comme à leur habitude (comment ne pas se souvenir de « Mammuth» ou de « Louise Michel »...), ils dénoncent une société qui prend l’eau. L’humour est omniprésent, mais fonctionne comme une sorte de protection, de « kit de survie ». Tout cela est montré avec beaucoup de tendresse et une certaine poésie. Et quel bonheur de retrouver Bouli Lanners dans un rôle de vigil absolument irrésistible. Quelle affection j’ai pour ce belge ! Que ce soit dans des petits rôles, dans des rôles plus importants ou comme réalisateur, Bouli Lanners me laisse toujours une trace indélébile de son passage.
Quant à Benoît Poelvoorde, il est magistral. Lorsque cet acteur que j’adore montre un côté plus sombre, ça me donne des frissons. Les parents, campés par Areski Belkacem et Brigitte Fontaine, sont eux aussi irrésistibles. Brigitte Fontaine qui avait répondu à Delépine et Kervern, lorsqu’ils lui ont dit qu’ils pensaient à elle pour jouer le rôle de la mère : "Moi? Une mère? Et en plus de deux vieux schnocks pareils? Jamais! Je ne veux jouer qu'une sorcière qui fume dans une forêt bretonne!". Et nos deux lascars de remplacer dans le scénario, tous les « La Mère » par « Une sorcière qui fume dans une forêt bretonne ». Résultat des courses, Brigitte Fontaine est fascinante, comme à chacune de ses apparitions, serais-je tentée de dire. Un film que je conseille à tous ceux qui se sentent à l’étroit dans le costume trop étriqué qu’ils décident de porter au quotidien pour se noyer dans la masse et être "aux normes"...
Votre Cinécution
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