dimanche 3 juin 2012

COSMOPOLIS - David Cronenberg - 2012

Manhattan, New-York : le Président des Etats-Unis est en ville, une manifestation anti-capitaliste met la ville en émoi. Eric Packer n'en n'a cure. Il veut aller chez son coiffeur à l'autre bout de la ville. Eric Packer (Robert Pattinson) est un golden boy de 28 ans : multimilliardaire, arrogant, hypocondriaque, paranoïaque et profondément seul. Sa vie, ce sont les courbes boursières et le Yuan. Le Yuan qui va causer sa perte.
De l'empire de Packer on ne connaît rien, si ce n'est sa grande puissance. Lui, qui tente en permanence de conserver l'équilibre des devises sur lesquelles il spécule, va perdre pied petit à petit au cours de la journée. Il plonge dans sa limousine: lieu hermétique, insonorisé et blindé où se succèdent les rendez-vous. Du jeune génie de la finance inséparable de son écran qui, à 22 ans, songe déjà à se retirer du "business", à sa cheffe du département "théorie", en passant par une marchande d'art nymphomane et déconnectée de la réalité, Packer reçoit dans sa limousine comme le roi recevait ses sujets dans sa chambre. En grand hypocondriaque qu'il est, le check-up quotidien a également lieu dans sa limousine. Mais ce jour-là, le médecin annonce à Packer que sa prostate est asymétrique. Celui pour qui ne compte que l'équilibre, possède une asymétrie à l'intérieur de lui-même. Cette nouvelle le déstabilise et va tourner à l'obsession. Packer assiste à la chute de son empire, perd des centaines de millions à la minute, voit la ville dans laquelle il vit virer au chaos suite à une manifestation anti-capitaliste, mais rien ne l'intéresse plus que sa coupe de cheveux, sa prostate et le fait que quelqu'un cherche à le tuer. Les avertissements incessants de son agent de sécurité le réconforte dans l'idée que, plus qu'à la notion de capitalisme, c'est à lui personnellement que l'on veut s'en prendre. Il part à la recherche de celui qui souhaite sa mort, non sans avoir expérimenté dans la journée des sensations qui lui étaient inconnues jusqu'alors, notamment la peur.




Packer est marié depuis peu à une richissime poète au corps glacial, hygiénique, qui lui refuse toute faveur sexuelle. Elle fonctionne un peu comme un miroir de Packer : toujours à se cacher, à s'isoler, à se couper du monde. Ils ne communiquent pas. Lorsqu'ils se retrouvent pour "discuter", chacun est enfermé dans son propre monologue. C'est d'ailleurs un leitmotiv dans le film de Cronenberg : les gens ne communiquent plus. L'égocentrisme est portée aux nues, mais la caméra de Cronenberg le condamne de manière virulente. Le recul que prend le cinéaste sur les scènes surprend. Il prend de la distance avec l'objectif, notamment en proposant des plans en plongée, très perturbants, mais qui ont un sens : il place le spectateur en dehors de l'action et de ce fait aiguise son esprit critique.




Packer, incapable de ressentir la moindre émotion, ne trouve d'autre moyen que de se tirer une balle dans la main pour se sentir vivant. Les 5 dernières minutes, les seules où l'on soit réellement dans l'action, sont insoutenables. La tension est extrême et Cronenberg nous laisse sur une interrogation : comment ce huis-clos s'est-il effectivement terminé?


Cronenberg revient en force et surprend. Comme il le dit lui-même, le roman éponyme de Don DeLillo passe de prophétique à contemporain. La première phrase du Manifeste du Parti Communiste : "Un spectre hante le monde." est omniprésente : sur les écrans de Broadway, sur les pancartes des manifestants, dans leurs paroles lorsqu'ils commettent un "attentat au rat" dans un café. Mais cela a son sens. Et Cronenberg de rajouter : " A mes yeux, la référence à Marx n'est pas superficielle. Dans le Manifeste du Parti Communiste, Marx parle du modernisme, du moment où le capitalisme aurait atteint un degré de développement tel que la société ira trop vite pour les gens, et où règnera l'éphémère et l'imprévisible. En 1848!  Et c'est exactement ce que vous voyez dans le film! Je me suis souvent demandé ce que Karl Marx aurait pensé de ce film, parce qu'il montre beaucoup de choses qu'il avait prévu.".


Je ne saurais que trop vous recommander d'aller voir ce film. Certes, c'est une oeuvre exigeante. Rien n'est pré-mâché et cela demande de la concentration. Mais, parce qu'il y a un mais, il ne faut pas trop analyser les dialogues. On comprend relativement rapidement et facilement le message qui nous est transmis, parce que cela est magistralement filmé. A relever, l'incroyable intervention de Mathieu Amalric. Il nous prouve une nouvelle fois que les petits rôles ne sont pas négligeables et à quel point il est difficile d'être présent sur une courte séquence où l'on doit exprimer toute l'intensité d'un personnage en quelques minutes. André Petrescu, artisan pâtissier : chapeau bas!


Votre Cinécution


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