A chaque jour sa petite touche d’érotisme.
Avec la section Cinéma de genre consacrée aux films érotiques, c’est chose
possible cette année au FIFF. L’occasion de voir autre chose que des obscénités
telles que Fifty Shades of Grey – qui, comme l’a dit Thierry Jobin lors de la
cérémonie d’ouverture « n’a d’obscène que le nombre de salles qui le
programment" - est trop belle pour la laisser m’échapper.
Totalement séduite par la
bande-annonce, lors de la préparation de mon programme de la semaine, j’ai mis Longing for the Rain
dans ma liste des films que je tenais à voir absolument. Un film érotique
chinois, qui plus est réalisé par une femme, je devais le voir. Je n’ai pas été
déçue.
Issue du documentaire, Yang Lina,
réalise là son premier long métrage de fiction. Dans un cinéma chinois essentiellement
dominé par des hommes, l’audace de Yang Lina fait mouche. Les scènes de sexes,
explicites, sont sans précédent dans l’histoire du cinéma chinois. La cinéaste
dresse également un portrait sans concession de cette classe moyenne chinoise
dont l’unique objectif est de gravir encore et encore dans l’échelle sociale,
au détriment du bien-être personnel.
Selon la réalisatrice, la Chine
serait en train de devenir un haut-lieu de la libération sexuelle. Les « coups
d’un soir » ne seraient pas exception et le sexe serait accessible
facilement, qu’importe qu’on ait de l’argent ou qu’on soit marié. Elle a
ressenti la nécessité de faire un film sur le désir féminin, pour sortir des
clichés patriarcaux véhiculés par le cinéma de son pays.
Longing for The Rain
est un fascinant mélange : fantômes, drame érotique et documentaire
social. La vacuité de la société chinoise actuelle est incarnée de façon assez
cruelle par le mari de l’héroïne. Plus occupé à battre ses propres records sur
un jeu vidéo qu’à aimer sa femme. Il l’honore de temps à autre de façon assez
peu romantique. Tant qu’elle s’occupe bien de leur fille et qu’elle fait bien
la cuisine, tout va bien. Lui, il travaille et ramène les sous à la maison.
Cela n’empêche pas leur mariage d’être serein. Fang Lei, l’héroïne, une fois
que sa petite est partie à l’école, occupe ses journées en faisant du shopping
avec ses amies. Elles parlent un peu de sexualité, de vibromasseurs, avec
quelques rires gênés. On comprend assez rapidement que sexuellement, ce n’est
pas le nirvana pour la jeune trentenaire. Un jour, un mystérieux amant imaginaire
apparaît dans ses rêves et lui fait l’amour passionnément. C’est la révélation.
Cet homme, dont elle n’aperçoit jamais le visage, lui permet d’accéder à des sphères
de plaisir qui lui étaient jusqu’alors inconnues. Elle s’épanouit, embellit,
ses angoisses se calment… Elle n’est dès lors plus capable de différencier le
rêve de la réalité. Craignant pour sa santé mentale – la culpabilité liée au
plaisir fait sa grande apparition – elle rend visite à un prêtre taoïste qui
doit la délivrer de ce « démon ». Cela fonctionne. Mais Fang Lei s’éteint
petit à petit. Sombre dans la mélancolie et le vide. Elle fera tout pour retrouver
son amant imaginaire, jusqu’à faire exploser son couple.
Le mélange des genres est
absolument fascinant. La caméra est sans cesse au plus près de la peau de Fang
Lei. En tant que spectateur, nous avons également de la peine à faire la part
des choses entre la réalité et les rêves de Fang Lei. Plus subtile que
sensationnel, ce film est bouleversant de beauté. Je ne peux que vous
conseiller de vous y plonger.
La journée s’est poursuivie avec
une projection unique d’un film rare : Néa de Nelly Kaplan. Tourné
en Suisse en 1976, Néa, librement inspiré d’une nouvelle d’Emmanuelle Arsan –
auteure d’Emmanuelle – conte les aventures d’une jeune fille, Sibylle,
qui s’éveille à la sexualité. Détestant l’univers bourgeois dans lequelle elle
est née, elle s’évade en lisant des livres érotiques qu’elle vole chez un
libraire du coin (le beau Sami Frey…) et en écrivant un journal érotique. Pour
être plus à même de comprendre les sensations d’une femme sexuellement active,
elle signe une sorte de pacte avec le bibliothécaire.
Ce film est charmant de par sa
facture. On dirait une succession de clichés de David Hamilton. Les dialogues
ne sont pas très riches et l’omniprésence d’un chat nous fait sourire de
nombreuses fois. Le côté subversif de ce film ne passe pas par les scènes de
sexe édulcorées, mais bien par le message qu’il délivre : une jeune fille
de 16 ans déflorée par un homme d’âge mûr, mais qui au final tient le couteau
par le manche. Le corps extrêmement enfantin d’Ann Zacharias, qui interprète
Sibylle, sème le trouble dans l’esprit du spectateur. Loin d’être un cliché de
Lolita, le personnage de Sibylle entretient au contraire son côté enfant. Et ça
crée un certain malaise.
Suivi d’une rencontre avec Edi Stöckli,
plus connu sous son surnom de Porno Edi, le film a permis de faire la lumière
sur ce qu’était le cinéma érotique, voire pornographique, dans les années 70. Discussion
intéressante et croyez-le ou non, très drôle.
Ma journée s’est achevée sur un
documentaire sur les zombies : Doc of the Dead.
D’où viennent-ils ? Où vont-ils ? Qu’est-ce qui les rend si fascinants
et en même temps si effrayants ? Pourquoi occupent-ils une telle place
dans notre société actuelle ? Comment sont-ils passés du circuit
relativement underground des séances minuit à un circuit plus mainstream ? Alexandre O. Philippe
a proposé sa vision un peu décalée, mais néanmoins documentée, du phénomène.
ST / 23.03.2015
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