mardi 24 mars 2015

FIFF 2015 : désir féminin et zombies


A chaque jour sa petite touche d’érotisme. Avec la section Cinéma de genre consacrée aux films érotiques, c’est chose possible cette année au FIFF. L’occasion de voir autre chose que des obscénités telles que Fifty Shades of Grey – qui, comme l’a dit Thierry Jobin lors de la cérémonie d’ouverture « n’a d’obscène que le nombre de salles qui le programment" - est trop belle pour la laisser m’échapper.

Totalement séduite par la bande-annonce, lors de la préparation de mon programme de la semaine, j’ai mis Longing for the Rain dans ma liste des films que je tenais à voir absolument. Un film érotique chinois, qui plus est réalisé par une femme, je devais le voir. Je n’ai pas été déçue.

Issue du documentaire, Yang Lina, réalise là son premier long métrage de fiction. Dans un cinéma chinois essentiellement dominé par des hommes, l’audace de Yang Lina fait mouche. Les scènes de sexes, explicites, sont sans précédent dans l’histoire du cinéma chinois. La cinéaste dresse également un portrait sans concession de cette classe moyenne chinoise dont l’unique objectif est de gravir encore et encore dans l’échelle sociale, au détriment du bien-être personnel.
 
 
 

Selon la réalisatrice, la Chine serait en train de devenir un haut-lieu de la libération sexuelle. Les « coups d’un soir » ne seraient pas exception et le sexe serait accessible facilement, qu’importe qu’on ait de l’argent ou qu’on soit marié. Elle a ressenti la nécessité de faire un film sur le désir féminin, pour sortir des clichés patriarcaux véhiculés par le cinéma de son pays.

Longing for The Rain est un fascinant mélange : fantômes, drame érotique et documentaire social. La vacuité de la société chinoise actuelle est incarnée de façon assez cruelle par le mari de l’héroïne. Plus occupé à battre ses propres records sur un jeu vidéo qu’à aimer sa femme. Il l’honore de temps à autre de façon assez peu romantique. Tant qu’elle s’occupe bien de leur fille et qu’elle fait bien la cuisine, tout va bien. Lui, il travaille et ramène les sous à la maison. Cela n’empêche pas leur mariage d’être serein. Fang Lei, l’héroïne, une fois que sa petite est partie à l’école, occupe ses journées en faisant du shopping avec ses amies. Elles parlent un peu de sexualité, de vibromasseurs, avec quelques rires gênés. On comprend assez rapidement que sexuellement, ce n’est pas le nirvana pour la jeune trentenaire. Un jour, un mystérieux amant imaginaire apparaît dans ses rêves et lui fait l’amour passionnément. C’est la révélation. Cet homme, dont elle n’aperçoit jamais le visage, lui permet d’accéder à des sphères de plaisir qui lui étaient jusqu’alors inconnues. Elle s’épanouit, embellit, ses angoisses se calment… Elle n’est dès lors plus capable de différencier le rêve de la réalité. Craignant pour sa santé mentale – la culpabilité liée au plaisir fait sa grande apparition – elle rend visite à un prêtre taoïste qui doit la délivrer de ce « démon ». Cela fonctionne. Mais Fang Lei s’éteint petit à petit. Sombre dans la mélancolie et le vide. Elle fera tout pour retrouver son amant imaginaire, jusqu’à faire exploser son couple.
 
 

Le mélange des genres est absolument fascinant. La caméra est sans cesse au plus près de la peau de Fang Lei. En tant que spectateur, nous avons également de la peine à faire la part des choses entre la réalité et les rêves de Fang Lei. Plus subtile que sensationnel, ce film est bouleversant de beauté. Je ne peux que vous conseiller de vous y plonger.

La journée s’est poursuivie avec une projection unique d’un film rare : Néa de Nelly Kaplan. Tourné en Suisse en 1976, Néa, librement inspiré d’une nouvelle d’Emmanuelle Arsan – auteure d’Emmanuelle – conte les aventures d’une jeune fille, Sibylle, qui s’éveille à la sexualité. Détestant l’univers bourgeois dans lequelle elle est née, elle s’évade en lisant des livres érotiques qu’elle vole chez un libraire du coin (le beau Sami Frey…) et en écrivant un journal érotique. Pour être plus à même de comprendre les sensations d’une femme sexuellement active, elle signe une sorte de pacte avec le bibliothécaire.

Ce film est charmant de par sa facture. On dirait une succession de clichés de David Hamilton. Les dialogues ne sont pas très riches et l’omniprésence d’un chat nous fait sourire de nombreuses fois. Le côté subversif de ce film ne passe pas par les scènes de sexe édulcorées, mais bien par le message qu’il délivre : une jeune fille de 16 ans déflorée par un homme d’âge mûr, mais qui au final tient le couteau par le manche. Le corps extrêmement enfantin d’Ann Zacharias, qui interprète Sibylle, sème le trouble dans l’esprit du spectateur. Loin d’être un cliché de Lolita, le personnage de Sibylle entretient au contraire son côté enfant. Et ça crée un certain malaise.
 
 

Suivi d’une rencontre avec Edi Stöckli, plus connu sous son surnom de Porno Edi, le film a permis de faire la lumière sur ce qu’était le cinéma érotique, voire pornographique, dans les années 70. Discussion intéressante et croyez-le ou non, très drôle.

Ma journée s’est achevée sur un documentaire sur les zombies : Doc of the Dead. D’où viennent-ils ? Où vont-ils ? Qu’est-ce qui les rend si fascinants et en même temps si effrayants ? Pourquoi occupent-ils une telle place dans notre société actuelle ? Comment sont-ils passés du circuit relativement underground des séances minuit à un circuit plus mainstream ? Alexandre O. Philippe a proposé sa vision un peu décalée, mais néanmoins documentée, du phénomène.

 

ST / 23.03.2015

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