"Les Misérables" a été créée en 1980 sur la scène du Palais des Sports à Paris, dans une mise en scène de Robert Hossein. Cette comédie musicale, adaptée du célèbre roman de Victor Hugo par Alain Boublil et Jean-Marc Natel, et écrite par Claude-Michel Schönberg, déchaîne les enthousiasmes, surtout depuis qu'elle a été adaptée en anglais par Herbert Kretzmer en 1985. Depuis 30 ans, elle est jouée en continu dans le monde, et plus particulièrement sur les planches anglophones. C'est donc à un monument de la comédie musicale et de la littérature française que Tom Hooper s'attaque.
L'histoire des "Misérables" est, grosso modo, connue de tous. Chacun de nous, qu'il ait lu le roman de Victor Hugo ou non, se fait une image très précise de Cosette, des Thénardier, de Fantine, de Jean Valjean ou de Javert.
Pour ma part, j'ai toujours trouvé l'adaptation de Kretzmer très moyenne. Le livret, essentiellement axé sur la rédemption de Valjean, l'omnipotence de Dieu, le caractère révolutionnaire réduit à simple élan romantique et la misère crasse, a une certaine tendance à basculer dans le misérabilisme, chose que je ne supporte pas. De plus, la musique, à mi-chemin en lyrisme et variété, ne fait qu'accentuer cet état de fait.
Tom Hooper a fait le pari de faire un film entièrement chanté. Sacré challenge, mais qui, au fur et à mesure que le projet avançait, semblait s'imposer. De plus, il a offert l'occasion à ses acteurs de chanter en live lors des prises de vues. Ils étaient ainsi totalement libres de créer sur l'instant. Cela aurait pu donner de l'intensité, mais vu les faussetés, cela devient rapidement un supplice pour les oreilles.
S'agissant des images, le réalisateur se confie au magazine Première : "Je voulais des images réalistes... Mais en même temps, je n’ai pas hésité à faire du cinéma épique, énorme et très pictural. Ma première scène est quasiment biblique – avec ces bagnards, l’eau, la violence, les fouets, les cadrages serrés sur les visages… J’avais besoin d’un feeling énorme et monstrueux. Je voulais alterner les deux pôles : du réalisme brut et sauvage pour ancrer les chansons, mais un style plus lyrique et plus épique que mes précédents films". Trop "énorme", trop "lyrique" et trop "épique" justement, c'est là que le bât blesse. Hooper m'a totalement perdue, générant une espèce de rejet, au bout de 45 minutes environ. Je n'en pouvais plus. Trop de tout: trop de maquillage, trop de lyrisme, trop d'exaltation, trop, trop, trop. J'en étais écoeurée.
Cherchant à sonder l'âme humaine dans ce qu'elle a de plus profond, Tom Hooper a raté le coche, en faisant, en sortant la grosse artillerie, un film superficiel, certes très beau visuellement, mais profondément vide. J'en veux pour preuve la scène où l'on découvre les Thénardier, campés par Helena Bonham Carter et Sacha Baron Cohen. Du grand-guignol! Helena Bonham Carter, qu'on croirait tout droit sortie de "Sweeney Todd", version colorée mais costume et coiffure identiques et Sacha Baron Cohen qui roule les "r" comme un italien... insupportable! Si Sacha Baron Cohen faisait sourire dans son rôle de Pirelli dans "Sweeney Todd", ils donnent ici une image des Thénardier complètement à côté de la plaque. Ces deux personnages, du moins la façon dont ils sont interprétés, discréditent une bonne partie du film. Quant à Javert, interprété par un Russel Crowe, en manque de charisme comme jamais, n'est que rarement inquiétant. Les seuls qui peuvent tirer leur épingle du jeu sont Hugh Jackman (bien que son Valjean soit un brin pleurnichard à mon goût) et Anne Hathaway en Fantine, rôle qui lui vaudra sans doute un Oscar, les américains étant friands de ce genre de performance: 150% Actors Studio...
D'autre part, ce que je reproche à Hooper, c'est de prendre le spectateur en otage, lui dictant ses émotions et lui indiquant de manière très claire, où il doit pleurer, sourire, être ému. Ce qui est particulièrement crasse. Cela donne un peu l'impression que Hooper a reçu un jour à Noël le manuel "Comment obtenir un Oscar en 5 étapes"... Construire un film sur une envie d'obtenir une récompense, en occurrence l'Oscar, en collant à tous les éléments qui touchent ceux qui le décernent, laissant le spectateur lambda sur le carreau, je trouve cela peu honnête. Mais cela n'engage que moi. Je préfère nettement le Hooper du "Discours d'un roi", qui certes avait quelques défauts, mais qui au moins avait le mérite d'avoir une sensibilité honnête.
A vous de vous faire votre propre opinion, vu qu'il existe également des critiques dithyrambiques... "Si tu n'aimes pas, n'en dégoûte pas les autres" comme dirait l'autre...
Votre Cinécution
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