Cher Francis Ford,
Ce soir, j'ai vu TWIXT. Bien à toi.
S.
Si je ne t'aimais pas autant, ma lettre s'arrêterait précisément là. Mais je t'aime tellement que je te dois des explications. Et j'ai aussi des questions à te poser.
Toi qui fais partie intégrante de mon univers de cinéphile, qui a réalisé des films qui m'ont marquée (La Trilogie du Parrain, Apocalypse Now, Rusty James, Dracula ou plus récemment le délicat Homme sans âge ou le très personnel Tetro), tu m'as, avec ce film, fait perdre tous mes repères. J'en ai tellement perdu mes marques que j'ai très vite décroché, ayant l'impression d'être en face d'une grande farce de gosse. Certes, j'ai beaucoup ri, mais était-ce vraiment le but de ton film?
Tu nous parles de cet auteur de livres de sorcellerie en manque d'inspiration (et de lecteurs), Hall Baltimore (Val Kilmer, acteur sur le déclin depuis 10 ans!). Il se rend dans un bled paumé de Swann Valley pour une séance de dédicaces à laquelle personne ne vient. Personne, sauf le shérif local, Bobby LaGrange (Bruce Dern), grand bricoleur de nichoirs et obsédé par les vampires. Bobby explique à Hall que la petite ville a été le théâtre de plusieurs drames et qu'elle serait hantée. Une jeune fille vient d'ailleurs d'être assassinée. Bobby pense qu'il s'agit de l'oeuvre d'une bande de jeunes qui vivent de l'autre côté du lac. Bobby et Hall deviennent presque inséparables et entreprennent, sur la base de l'idée insistante de Bobby, d'écrire un livre sur les vampires. Enfin, je te dis tout ça, mais tu le sais, vu que tu as écrit le scénario.
Bref, Hall et sa femme étant financièrement pris à la gorge, Hall contacte son éditeur, lui fait part de son projet de livre sur les exécutions des vampires et le convainc de faire parvenir à sa femme une avance. Son éditeur lui impose comme condition de paiement de lui faire parvenir un résumé de son projet de livre.
Hall est face à la page blanche. Oui, Francis (je laisse tomber Ford, c'est plus commode) c'est à ce moment-là que j'ai eu un gros fou rire. Entre le bureau mobile de Hall, la pub à peine déguisée pour Apple (hommage à Steve Jobs?), les faux glaçons et le monologue de Hall, c'est vraiment hilarant. Et c'est à ce moment-là que ça commence à se gâter sérieusement. Jusque là, j'aimais assez, c'était plaisant, je rigolais, j'avais plaisir à découvrir certains plans qui nous rappelaient (pour ceux qui auraient oublié) quel réalisateur de génie tu es (même si tu as puissamment abusé du split screen... ce qui franchement m'a agacée!). Après un cadrage à donner le tournis, Hall plonge dans sa première promenade onirique. Pour faire vite, il y fait la connaissance de V, le fantôme d'une jeune fille de 12 ans (on dirait plus une petite princesse gothique issue d'un manga qu'un fantôme). Il échange également avec le fantôme d'Edgar Allan Poe, maître de la littérature fantastique, lequel l'initiera à la bonne façon d'écrire, en lui parlant de son poème Le Corbeau.
Bref, Hall et sa femme étant financièrement pris à la gorge, Hall contacte son éditeur, lui fait part de son projet de livre sur les exécutions des vampires et le convainc de faire parvenir à sa femme une avance. Son éditeur lui impose comme condition de paiement de lui faire parvenir un résumé de son projet de livre.
Hall est face à la page blanche. Oui, Francis (je laisse tomber Ford, c'est plus commode) c'est à ce moment-là que j'ai eu un gros fou rire. Entre le bureau mobile de Hall, la pub à peine déguisée pour Apple (hommage à Steve Jobs?), les faux glaçons et le monologue de Hall, c'est vraiment hilarant. Et c'est à ce moment-là que ça commence à se gâter sérieusement. Jusque là, j'aimais assez, c'était plaisant, je rigolais, j'avais plaisir à découvrir certains plans qui nous rappelaient (pour ceux qui auraient oublié) quel réalisateur de génie tu es (même si tu as puissamment abusé du split screen... ce qui franchement m'a agacée!). Après un cadrage à donner le tournis, Hall plonge dans sa première promenade onirique. Pour faire vite, il y fait la connaissance de V, le fantôme d'une jeune fille de 12 ans (on dirait plus une petite princesse gothique issue d'un manga qu'un fantôme). Il échange également avec le fantôme d'Edgar Allan Poe, maître de la littérature fantastique, lequel l'initiera à la bonne façon d'écrire, en lui parlant de son poème Le Corbeau.
Et là Francis, tu m'as déçue. Toutes les parties fantasmées, qui auraient pu avoir un réel sens, une réelle beauté, sont kitschissimes au possible. Elles ne sont pas seulement kitsch, elles sont aussi très imparfaites. On dirait que les images de synthèses (trop nombreuses, même hors des parties rêvées) ont été faites à la truelle (as-tu côtoyé Tim Burton pendant qu'il préparait son Alice?) Des découpages plus que limite, des insertions de couleurs de très mauvais goût (principalement du rouge sur des objets insignifiants, tels que les tapis ou les rideaux ou alors le feu. Le feu, je pourrais comprendre, pour sa notion de purification. Mais alors, pourquoi pas d'immolation?) J'étais triste, je me disais :"On a perdu Francis, c'est sûr!".
Tu as dit que ce film reposait en partie sur un événement personnel, à savoir la mort d'un de tes fils, qui a perdu la vie dans un accident de bateau (comme la fille de Hall). Que ce film, c'était un peu exorciser la culpabilité qui te rongeait, vu que tu as renoncé au dernier moment à l'accompagner. Mais alors, pourquoi en faire une telle farce? Est-ce un pied de nez à la mort? Je me suis interrogée. C'est la seule explication que j'aie, vu que la notion de culpabilité ne ressort pas chez Hall. Il dit qu'il a "honte" et non pas qu'il se sent coupable. Ce qui n'est pas la même chose.
Et je ne parle même pas du final, parce que sincèrement, sans intérêts.
Francis, je suis dure, je le sais, mais n'est-on pas extrêmement exigeant avec les personnes que l'on aime le plus?
Heureusement, subsistent tes anciens films que l'on peut voir et revoir et qui sont majestueux. On va oublier TWIXT et dire que c'est une de ces maladresses que font les personnes qui retrouvent une pleine liberté de manoeuvre après avoir été "esclave", pour des raisons financières, des studios hollywoodiens, au point d'avoir même dû réaliser Captain Eo...
Affectueusement, malgré tout,
S.
Si Coppola n'avait pas réalisé les Parrains I & II, est-ce qu'on regarderait de la même façon Apocalypse Now, Rusty James ou Peggy Sue Got Married (c'est pas mal, Peggy Sue)? Sûrement pas, et Coppola serait considéré comme un bon cinéaste, mais un cinéaste mineur.
RépondreSupprimerOr Le Parrain est un film de commande pour Coppola, qui a dû se faire forcer la main pour le réaliser. Peut-être bien que les deux génies derrière le Parrain sont d'abord Mario Puzo, le romancier, Robert Towne, le scénariste (non crédité) et Robert Evans, le producteur. En tout cas, quand on compare les filmographies de Towne et Evans avec celle de Coppola, il n'y a pas photo.
La carrière de Coppola est constituée majoritairement de films de commande (Le Parrain, Rusty James, Cotton Club, Dracula, Jack). Son tout premier film, Dementia 13, est d'une certaine façon une commande de Roger Corman. Corman voulait un sous-Psychose. Une condition sine qua non pour que Coppola puisse le réaliser. Corman l'a eu. Pas un chef d'oeuvre, on est d'accord. Pour ce qui est du Parrain, Coppola a co-écrit le scénario si je ne m'abuse? Dire que Coppola serait considéré comme un cinéaste mineur s'il n'y avait pas eu le Parrain I et II, je trouve cela très dur (encore plus dur que mon retour de TWIXT). Ces oeuvres personnelles, telles que Conversation secrète, Apocalypse Now, sont tout de même des monuments! Même pris indépendamment de tout précédent cinématographique, non? Ma question, est-ce qu'un film de commande est forcément un mauvais film? Je ne le pense pas. Pour ce qui est des comparaisons, je comprends dans le cas précis que vous fassiez une comparaison entre la filmographie de Towne et Evans et celle de Coppola. Mais chacun d'eux a aussi ses mauvais films... Towne avec les Mission:impossible I et II (totalement dispensables en ce qui me concerne) et Evans avec Gatsby (j'aime Gatsby, mais il a été démonté par la critique) ou encore Le Saint. Mais voilà, le cinéma, c'est comme la vie, des goûts et des couleurs. Ce qui permet d'entrer en discussion.
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