Certains films ont une capacité
impressionnante à nous poursuivre. Ils nous rentrent sous la peau et s’attaquent à
chacune de nos cellules, une à une… ils nous habitent et nous laissent que peu
ou pas de répit. Tel fut le cas aujourd’hui pour Han Gong-Ju de Lee Sujin. Je suis ressortie de la
projection complètement retournée, comme une chaussette. Profondément touchée
par la beauté de la réalisation. Les cadrages et la photographie sont
absolument sublimes. Le propos est difficile, lourd, mais amené avec pudeur et
maturité, alors que c’est le premier film de ce « jeune » cinéaste
sud-coréen. Je mets jeune entre guillemets, parce que je ne connais pas son âge
et que c’est comme ça qu’il est présenté. Toujours est-il que pour un premier
film, c’est magistral.
Han Gong-Ju |
Gong-Ju est une jeune femme, encore adolescente, qui
cache un sombre secret. Seule dans une nouvelle ville, dans une école où elle
ne connaît personne. Ses parents ont refait leur vie chacun de leur côté, la
laissant livrée à elle-même. Lorsqu’une de ses camarades de classe la surprend
en train de chanter sous la douche, elle lui propose d’intégrer la chorale a
capella dont elle fait partie. Le talent de Gong-Ju est tel que ses camarades
décident de mettre des enregistrements vidéo d’elle sur internet. Ce sera alors,
petit à petit et subtilement distillé, que le secret qu’elle cache au fond d’elle
se révélera. Il reste encore deux projections de Han Gong-Ju, ne
les ratez pas ! Bien que n’ayant pas encore vu tous les films en
compétition, plus particulièrement le très attendu Manuscripts don’t burn de Mohammad Rasoulof, je pense sincèrement
que ce film peut remporter le Regard d’Or.
Manuscripts don't burn |
Ce film a été introduit, et est présenté
dans le catalogue, comme pouvant heurter les personnes sensibles. Pourquoi
prendre autant de précaution ? Je vous avoue être toujours un peu agacée
face à ce genre d’avertissement. Plus qu’agacée, je suis profondément énervée.
Donner ce genre de recommandation, c’est déjà livrer une partie de l’intensité
du film. Fréquenter un festival de cinéma, et plus largement, vivre, tout
simplement, c’est prendre un risque. Celui d’être surprise, dégoûtée, enchantée,
bouleversée, déçue, choquée. Quand je suis venue au monde, comme nous tous, je n’avais
pas des panneaux à chaque coin de ma chambre pour me dire : « Attention, il y aura des moments où tu seras
déçue, des moments où tu seras triste et d’autres où tu seras très heureuse. »
Je n’ai pas besoin, et là encore, je parle en mon nom personnel, qu’on me dise avant une projection :
« Attention, tu vas
avoir des émotions et il se pourrait qu’elles soient fortes. Te voilà prévenu(e)!». Bullshit !
C’est justement ce que j’attends du cinéma ! Des émotions, quelle que soit
leur nature ! Sur mon blog, je l'ai fait un temps. Aujourd'hui, je ne le fais plus, jugeant que les personnes qui me lisent sont prêtes à prendre des risques. Allez voir des films et laissez-vous surprendre ! Et ne perdez pas de vue que la véritable barbarie humaine est visible tous les jours, et sans avertissement, dans les événements qui font l'actualité. Et là, ce n'est pas du cinéma. D'ailleurs, les différentes sections du FIFF, en particulier Décryptage, permet, en heurtant quelques fois, de porter un autre regard sur ces faits d'actualité. Il n'y a rien de plus sain que de sortir de sa zone de confort. C'est là que les expériences deviennent intéressantes et que la réflexion se met en branle. Voilà,
parenthèse fermée et courroux apaisé.
Quick Change |
Pour poursuivre mon marathon
cinématographique, j’ai enchaîné avec Quick Change du
réalisateur philippin Eduardo Roy Jr. Je vais être claire d’entrée : je n’ai
pas aimé, mais alors pas du tout, la façon dont ce film est réalisé. Par contre,
les thèmes abordés, les relations amoureuses des personnes transsexuelles, leur
obsession de la beauté et de la jeunesse, et l’exploitation de leur misère,
tant économique que sentimentale, m’ont profondément touchée. Ces personnes m’ont
toujours émue et m’émouvront toujours. La sexualité, déjà quand elle est bien
définie, que l’on soit gay, lesbienne ou bi, n’est pas toujours facile à
gérer, mais quand on est enfermé dans un corps qui n’est pas le nôtre, je n’ose
imaginer. Je ne sais pas d’où me vient cette tendresse pour les transsexuels,
mais elle est bien réelle. Pour en revenir au film, le cinéaste philippin
hésite entre documentaire et fiction. Et c’est bien dommage. Un choix aurait dû
être fait pour donner de l’intensité au discours, et au scénario, qui sont loin d’être simplistes.
Ma journée s’est terminée avec l’excellent
thriller On the Job d’Erik Matti, film qui a déjà fait l’objet
d’une
chronique.
Demain sera une grande journée,
outre le fait que je vais enfin voir Manuscripts don’t burn de Mohammad Rasoulof – un des cinéastes
iraniens actuels le plus intense et le plus doué - et Borgman d’Alex van Warmerdam, Patrick Chesnais
sera à Fribourg pour défendre La Braconne de
Samuel Rondière. Oui, nous serons le 1er avril, non, ce n’est pas
une blague !
La Braconne |
ST/31.03.2014
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