Quels sont vos souvenirs de cinéma les plus marquants? Qu'est-ce qui vous a effrayé?
Personnellement, j'ai été marquée par plusieurs scènes, plusieurs films. La plupart de ces images qui me hantent remontent à des films que j'ai vus enfant. Scarlett O'Hara et son célèbre "taratata" dans AUTANT EN EMPORTE LE VENT, Danny Kaye en bouffon loufoque et maladroit dans THE COURT JESTER, Charlie Chaplin dans LE DICTATEUR, etc... et il y a ces films qui ont généré mes premières vraies angoisses : LES DENTS DE LA MER par exemple. Je l'ai vu très jeune - mon père raffolait de ce film - et il m'a terrorisée. J'ai été tellement effrayée, qu'il m'a fallu longtemps pour oser à nouveau me baigner dans la mer. Je ne me sentais même pas en sécurité dans une piscine, c'est vous dire! Il y aussi DUEL de Spielberg... chaque camion que je croisais était suspect, tout comme CHRISTINE de John Carpenter... Au secours! J'en ai fait des cauchemars!
Naître dans une famille où le père est cinéphile, c'est certes un cadeau, mais parfois, ce cadeau est un peu empoisonné. Mon père raffolait des films d'Hitchcock. Et il avait ses préférences. Parmi elles, LES OISEAUX, FENETRE SUR COUR, PAS DE PRINTEMPS POUR MARNIE, LA MORT AUX TROUSSES... et PSYCHOSE. Voilà... on y arrive. PSYCHOSE. Alors vous, je ne sais pas, mais Hitchcock a rendu plein d'éléments de la vie quotidienne hyper angoissants pour la fillette que j'étais. Encore aujourd'hui je ne suis pas particulièrement rassurée lorsque des mouettes s'excitent un peu en bord de lac... et les premières douches que j'ai prises, seule, dans mon premier appartement, n'ont pas été des plus sereines.
Il était une fois une douche... 78/52, c'est le nom du documentaire qu' Alexandre O. Philippe consacre intégralement à la scène de la douche dans PSYCHOSE. Oui, 1h30 pour nous parler d'une douche. Mais quelle douche! La plus angoissante de l'histoire du cinéma. Celle qui révolutionna le film de genre.
Le tout Hollywood, y compris la fille de Janet Leigh, Jamie Leigh Curtis, se penche sur cette scène d'anthologie. Elle est décortiquée, analysée, racontée... mais pas une seule fois on l'a voit dans son intégralité. Mais on n'en a pas besoin, tant cette scène est dans l'inconscient collectif. Tout un chacun la connaît, connaît les cordes de Bernard Herrmann qui crissent dans les aigus, le cri de Janet Leigh, la silhouette de Norman Bates... Vous commencez à frissonner? Vous avez raison!
Nous sommes en 1960. Les films d'horreur parlent essentiellement de monstres en carton-pâte, de zombies, enfin, de plein de choses qui, objectivement, ne peuvent pas arriver. Cela fait peur, oui, mais cela ne peut pas arriver. Non. Sauf que, notre cher Alfred H., avec PSYCHOSE, décide d'inviter l'horreur dans le quotidien. Dans notre salle de bain. Dans notre intimité. On a presque envie de le traiter de salaud, si ce film n'était pas une merveille!
Revenons au documentaire 78/52. Cette pauvre Janet Leigh, sex symbol de l'époque, se fait sauvagement poignardée, nue, sous sa douche, par un homme qui porte les vêtements de sa mère morte... On est en 1960... la censure fait rage, les films doivent être approuvés, etc... Hitch contourne tout ça avec maestria. Il sait déjà que cette scène va provoquer des émotions. Et pour être certain qu'elle développe tout son potentiel d'horreur, il s'adjoint les services du plus grand graphiste de tout les temps pour réaliser cette scène : Saul Bass.
Bref, tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la scène de la douche de PSYHOSE sans jamais oser le demander... tout, vous saurez tout, même quelle sorte de melon reproduit au mieux le bruit du couteau qui transperce la chair.... beurk...
Le documentaire est hypnotique, précis, avec des archives remarquables, rempli d'humour aussi, parce que vous savez qu'Hitchcock avait un don fabuleux pour raconter ses films et que l'humour, noir, était toujours de la partie.
Alexandre O. Philippe n'en finit pas de me surprendre, celui qui nous a déjà compté la vie, et la mort, de Paul le poulpe dans THE LIFE AND TIMES OF PAUL THE PSYCHIC OCTOPUS (!) ou qui nous explique l'émergence de la folie zombie dans la culture pop, ainsi que les moyens de se sauver en cas d'invasion dans DOC OF THE DEAD, propose là un documentaire extraordinaire! Au-delà de la fascination qu'engendre une telle analyse pour la cinéphile que je suis, c'est un vrai document sur l'Amérique du début des années 60, en pleine guerre froide, en plein fantasme de la famille, au début d'une vraie révolution de société, avec l'autorisation de la pilule, etc, etc... On est en plein dans l'histoire avec un grand H. H comme Hitchcock? Peut-être que l'influence du cinéaste a été plus importante que ce que l'on croit et qu'elle a largement dépassé les murs des salles obscures. A voir, donc, sans modération!
Encore une projection dans le cadre du FIFF, le samedi 8 avril à 12:45 au REX 1.
ST / 5 avril 2017
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