jeudi 17 octobre 2013

LA LUNE ASSASSINEE - Damien Murith - 2013

 
Oui, oui, vous êtes bien sur un blog qui parle de cinéma... mais pas que! Quoique...
 
Le premier roman du fribourgeois Damien Murith est une pépite. A sa lecture, que je qualifierais de compulsive, j'ai pensé à Luis Buñuel et plus spécialement à son Chien andalou. Je vous explique.
 
Plusieurs éléments rapprochent ce livre et le film du génial cinéaste. Tout d'abord, c'est l'histoire d'un homme et d'une femme. Ensuite, le livre est composé de courts chapitres qui sont des successions de scènes qui ont pour seuls liens quelques personnages, comme chez Buñuel. Le désir masculin est également un élément présent dans l'œuvre de Damien Murith et dans celle de Buñuel. Ajoutez à cela que le récit n'est pas linéaire, l'écrivain fribourgeois fait des sauts temporels (principalement dans le passé), tout comme l'a fait Buñuel. Et lorsque l'auteur me confie que son histoire, il l'a vue bien plus qu' écrite... mon sentiment était donc juste.
 
 
 
Nous sommes cependant très éloignés de l'appartement parisien dans lequel sont confinés les protagonistes du Chien andalou. Le décor dans lequel évoluent Césarine et Pierre est un milieu rural d'où l'on sent sourdre la précarité financière et affective. Pierre concilie travail à la ferme et travail en usine. Les gens sont taillés au burin, tous. Sauf la Garce, cette femme dont le corps asservit les hommes et les rend fous. Dont la nuque, comparable à celle d'une poule, appelle le coup de hache. Cette femme dont tout le monde veut la peau, au sens propre comme figuré.
 
Et Césarine, en épouse modèle, voue un amour inconditionnel à son homme. Elle pardonne tout à celui qui lui a dit "Oui" il y a 6 ans. Elle subit les commérages propres à un village campagnard, les humiliations de sa belle-mère. Elle reste digne et aimante. Cette femme vit sa passion. La passion qu'elle éprouve pour Pierre, mais également une passion quasi christique. La musique que j'entendais à la lecture de ce livre, c'est Passio d'Arvo Pärt.
 
Et justement, la religion n'est pas en reste. La belle-mère, sous couvert de la Confession, ose un langage grossier et vulgaire pour qualifier et Césarine et la Garce. Au milieu des Je vous salue Marie, le diable s'invite, le goût de la luxure s'empare des hommes. La jalousie se distille dans les veines comme le plus terrible des poisons. L'issue est fatale.
 
 
Damien Murith
 
 
Damien Murith, dont l'écriture est cinglante, possède une qualité rare: celle de savoir raconter des histoires. Profondément ancré dans la réalité, le texte prend cependant une dimension surréaliste lorsque les chairs font des vagues, les volets deviennent paupières, les mots barbelés et le sexe, une orange dans laquelle on croque.
 
Ce livre ne se lit pas, il se dévore. Il se dévore comme le corps de la personne que l'on désire: avec frénésie, gourmandise. Une certaine violence aussi. Celle engendrée par un trop plein d'ardeur, d'envie. Je remuerais ciel, terre et enfers pour que ressuscite Luis Buñuel et qu'il fasse de La Lune assassinée un film aussi inoubliable que le livre dont il serait l'adaptation.
 
Votre Cinécution
 
La Lune assassinée - Damien Murith / L'Âge d'Homme, 2013

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