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samedi 12 juillet 2014

THE ZERO THEOREM - Terry Gilliam - 2014


 
Quelle joyeuseté dans la déprime ! Gilliam, avec son humour toujours aussi corrosif, réussit là où certains cinéastes se perdent dans le drame et la mélancolie gratuite. Le réalisateur de L’Armée des 12 Singes sublime une nouvelle fois la solitude à laquelle nous sommes toutes et tous condamnés.

Dans un Londres futuriste, aux décors colorés, kitsch et toujours aussi organiques – on ne peut s’empêcher de penser à Brazil – évolue Qohen Leth (chauve, psychotique et tendre Christoph Waltz). Ce personnage sombre, paniqué à l’idée de devoir côtoyer ses congénères essaie chaque année de se faire réformer afin de pouvoir travailler depuis la maison, persuadé qu’il est en train de mourir. Incapable d’éprouver des sentiments autres que la peur, il s’isole dans sa maison, une ancienne église calcinée, dans l’attente d’un coup de téléphone qui, selon lui, devrait donner un sens à sa vie. Emmuré dans sa solitude, ce génie de l’informatique, ne s’exprime que par le « nous ». Façon très symbolique de ne pas se mettre en relation avec son propre « soi ».

 
Il travaille pour un mystérieux patron, Management (diabolique Matt Damon), aussi caméléon qu’omnipotent. Ce dernier décide de confier à Qohen un travail particulier : résoudre le Zero Theorem.

Le travail de ce solitaire sera perturbé par la rencontre avec Bainsley (délicieuse et mutine Mélanie Thierry) et par quelques personnages loufoques comme Joby (irrésistible David Thewlis), Bob, le fils surdoué du patron (Lucas Hedges) ou encore le Docteur Shrink-Rom (délirante Tilda Swinton).
 
 

Au contact de ces êtres loufoques, Qohen va redécouvrir la compassion, l’amour et le désir qui vont être les clés de la compréhension de son existence. 

Pat Rushin est à l’origine du scénario de Zero Theorem. Presqu’une première pour Terry Gilliam qui d’ordinaire est scénariste de ses films. Certes, on ne peut pas nier que Rushin est proche de l’univers de Gilliam, tant ce scénario fait penser à Brazil, tourné quelques 30 ans plus tôt. Certains thèmes sont récurrents : l’univers est sombre et pessimiste. Les aspects les plus horribles de notre société sont exacerbés dans ce futur orwellien. La technologie est désignée comme étant le grand mal de notre société, isolant les individus, les rendant incapables de communiquer de façon naturelle. Et Qohen essaie de s’en extraire par l’isolement. Par la fuite de toute relation avec le monde extérieur, se réfugiant dans certains plaisirs virtuels, balayant d’un revers de main les sentiments humains lorsqu’ils se présentent. Surtout ne rien ressentir. Se préserver des émotions dans ce monde qui fait de lui un esclave.
 
 

Dans cet univers singulier, très poétique au demeurant, tout n’est que désenchantement. Mais le plus virtuose des Monty Python distille savamment son humour au vitriol et ses personnages déjantés sur toute la durée du film. A relever la performance de Mélanie Thierry qui ne tombe pas une seconde dans la caricature et qui donne du piquant et de la douceur – eh oui – à la sculpturale et provocatrice call-girl.
 
 

Si dans la majorité des films du cinéaste les héros ont pu s’extraire de leur réalité par l’imaginaire et le rêve (notamment dans Brazil), ou par des drogues (Las Vegas Parano), il n’en est rien ici. Rien, absolument rien de peut sauver l’humanité qui court à sa perte. Totalement désespéré et délicieusement dépressif, Zero Theorem, reste tendre et touchant, grâce aux personnages de Qohen et de Bainsley. Il reste que ce film est exigeant. Qu’il soulève un nombre de questions invraisemblable auquel aucune réponse n’est donnée. Malgré cela, je dis oui, oui, et re-oui ! Mais sachez que nous sommes fichus ! Condamnés à nous perdre dans le chaos. La réalité est notre cauchemar. Si on en doutait, on en a maintenant la certitude. Mais avec joyeuseté, lucidité et cynisme.
 
 
 
ST/12.07.14

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