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lundi 21 juillet 2014

DER GOALIE BIN IG - Sabine Boss - 2014



Pedro Lenz, bien que peu connu en Suisse romande, est presque devenu une institution chez nos amis outre-Sarine, au même titre que Jeremias Gotthelf, Mani Matter ou Polo Hofer, trois autres bernois chéris pour leur usage du dialecte. Ce dialecte bernois, bien plus doux et plus lent que la majorité de ses frères. Oui, ce Bärntütsch, je l’aime. Il coule dans mes veines. C’est ma deuxième langue. Et cette histoire, simple et tendre, je l’aime aussi. Pedro Lenz en est l’auteur. En 2010, il publie Der Goalie bin ig  et instantanément son roman rencontre un succès phénoménal. Ce printemps, il a été traduit en français sous le titre  Il faut quitter Schummertal , après avoir déjà été traduit en anglais et en italien. Si vous êtes attentifs, vous verrez Pedro Lenz faire une courte apparition dans le film.

Ernst « Goalie » vient de purger une année de prison, pour avoir porté le chapeau dans une histoire de passage de drogue. Fidèle et loyal en amitié, il n’a pas dénoncé Ueli qu’il connaît depuis l’enfance. Ancien junkie, mais encore en proie à de sombres épisodes alcoolisés, « Goalie » tente de se refaire. Il trouve un nouveau travail, payé misérablement, règle ses loyers impayés et rentre dans le rang. Il le fait pour lui, mais aussi pour celle qui tout à coup, bien qu’il la côtoie depuis années, prend une nouvelle dimension pour lui : Regula. Tendre et patient, maladroit aussi, « Goalie » aime Regula et tente de la séduire, alors que cette dernière est en couple. Mais ce n'est pas qu'une histoire d'amour. « Goalie » découvrira que ses amis d’enfance, profitant de sa gentillesse, de sa naïveté dirons certains, l’ont utilisé comme bouc émissaire. Lui qui, déjà enfant, prenait la défense du petit que personne ne voulait dans l’équipe de foot. « Goalie » possède l’intelligence du cœur. 



Marcus Signer qui incarne ce anti-héros plus vrai que nature est pour beaucoup dans l’émotion qui se dégage du film de l’argovienne Sabine Boss. On dirait du sur mesure. Sa carrure est imposante. Ces gestes incertains et sa démarche hésitante. Son regard, celui d’un enfant. Il m’a profondément bouleversée. Attendrie aussi. Sous le charme ? Assurément ! 

Le personnage de « Goalie », avec ses envies d’ailleurs – comment se refaire dans un village où ta réputation et ton passé te précèdent et alimentent les conversations du seul café ? – apporte beaucoup d’humanité et une douce luminosité à ce bourg imaginaire grisâtre de la campagne bernoise. 



Les souvenirs d’enfance, les liens qui unissent les différents protagonistes, ainsi que le présent – la fin des années 80 – se mélangent subtilement sous la caméra de Sabine Boss. Même si certains se sont agacés que  Der Goalie bin ig  ait raflé quatre prix sur sept nominations lors de la dernière cérémonie des Prix du Cinéma Suisse en mars – meilleur film, meilleur scénario, meilleur interprétation masculine, meilleure musique – laissant sous-entendre qu’un puissant lobby suisse allemand avait une nouvelle fois fait des siennes, force leur est d’admettre que ce film est une très belle réussite. Un film dont on souhaite que la tendresse et la simplicité inspirent au-delà de la barrière de roestis. 

Oui, après Ursula Meier, Christoph Schaub, Bettina Oberli ou Séverine Cornamusaz (et son poignant Cœur animal), pour ne parler que de certains de nos contemporains, je crois encore au cinéma suisse. Je crois aussi à la force des histoires qui, comme l’écrit Pedro Lenz, grandissent : « Les histoires ne sont pas comme les dents, qui ne poussent que deux fois et qui sont fichues une fois qu’elles sont utilisées. Non, les histoires grandissent encore et encore. »  Der Goalie bin ig n'a pas fini de grandir.




ST / 19.07.2014

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