Dans la continuité de mon fil rouge, "les premières fois", Kaspar Schiltknecht et Céline Cesa, dont le court métrage Bonne Espérance a été projeté cet après-midi au Festival de Film Locarno dans la section Pardo di domani, ont eu la gentillesse de répondre à quelques-unes de mes questions. C'est la première sélection pour Kaspar à Locarno et la première fois au cinéma pour Céline en tant que comédienne. Découvrez ces deux personnes passionnées et attachées à transmettre des émotions et à montrer des réalités qui sont bien souvent tues.
Kaspar Schiltknecht |
Kaspar, est-ce que vous pourriez un peu décrire votre
parcours?
J'ai grandi entre les
Grisons et l'Oberland bernois. Après une année préparatoire à Zürich j'ai fait
quatre ans d'études à l'Ecole cantonale d'Art de Lausanne dans le département
cinéma. Là je viens de terminer mon film de diplôme "Bonne
Espérance".
Votre 3ème court métrage
est sélectionné dans la section Pardi di domani, concorso nazionale, en plus de
l'avoir réalisé, vous avez également écrit le scénario. Vous pouvez nous en
dire deux mots? De quoi parle votre film?
J'ai écrit ce court métrage
suite à sept mois de service civil dans un foyer de jeunes filles à Lausanne.
Le film est une fiction qui est fortement inspiré par mes observations
dans ce milieu. En gros l'histoire tourne autour d'une relation entre une
éducatrice de 35 ans et une adolescente de 16 ans. Je veux montrer les
dynamiques de confiance et de la manipulation, les jeux de pouvoir et aussi le
désespoir profond qui peut exister dans des institutions sociales.
Vous êtes encore
étudiant à l'ECAL, si je ne me trompe pas, votre premier court métrage Plaids87 avait déjà été sélectionné aux
Journées de Soleure, maintenant une sélection à Locarno. Ça fait quel effet?
Je viens de terminer
l'école. C'est une chance de déjà pouvoir montrer son travail dans des
festivals avec une bonne réputation. C'est très utile parce que c'est pendant
la projection avec un public qu'on se rend compte le plus des défauts de son
propre film. J'ai aussi beaucoup profité des discussions avec des spectateurs
et d'autres réalisateurs à l'occasion de ces festivals.
Qu'est-ce que cela change d'être
sélectionné dans de tels festivals?
Personnellement j'ai
gagné de la confiance et je vois aussi une certaine justification pour
continuer avec ce que je fais. Il ne faut par contre pas trop se prendre la
tête et penser que le succès est assuré pour la suite.
Parlez-nous un peu du
tournage de Bonne Espérance. Où a-t-il eu lieu? Quand?
Il a eu lieu à Lausanne
dans le foyer ou j'avais fait mon affectation de service civil. Pendant sept
jours j'avais à ma disposition une équipe très engagée. J'ai travaillé avec des
comédiens qui avaient très peu d'expérience face caméra, ce qui était important
pour l'ambiance que je voulais créer. Mon chef-opérateur qui venait de
Bruxelles a amené une équipe image avec lui ce qui a facilité les installations
lumière parce que ça a été une bande soudée et expérimentée. J'aime l'intensité
de la période de tournage. Des fois on ne pense pas assez au montage par
contre... c'est une des mille choses que je peux encore mieux gérer.
Quel est le budget d'un
film comme le vôtre? Comment trouvez-vous les fonds nécessaires?
Un changement dans la
politique de financement de l'office fédéral de la culture rendait possible un
budget très conséquent pour un court-métrage. Une boîte de production de
Lausanne me suivait ensemble avec l'ECAL pendant tout le projet. Avoir des gens
professionnels à ses côtés coûte vite cher mais est indispensable pour assurer
de la qualité, être à la hauteur du scénario et surtout pousser le tout plus
loin. En Suisse le cinéma est presque complétement financé par l'état ou des
institutions cantonales et je trouve que c'est une bonne chose. Le cinéma fait
partie de la culture. La culture est essentielle pour assurer qu'une société ne
rouille pas, ne devienne pas trop confortable.
Quand on a réalisé
plusieurs courts métrages, est-ce que l'envie d'un long se fait sentir?
L'envie est là mais il
faut avoir un projet qui est assez avancé dans son écriture déjà pour pouvoir
se lancer là-dedans. Après il faut voir aussi qu'il est assez compliqué d'avoir
une idée de court métrage qui tient la route. J'aimerais bien tourner assez
vite un prochain court avec un budget modeste pendant que je me lance dans un
projet d'écriture.
Des projets en cours?
Rien de très abouti pour
le moment. Faut voir aussi qu'épauler la post-production d'un film coûte
beaucoup d'énergie et j'ai pas encore trouvé le calme pour me vider la tête de
tout ça.
Céline Cesa |
Céline, est-ce que c’est votre première expérience au cinéma ?
En tant que comédienne, oui. J’avais joué dans un film quand
j’avais 10 ans et sinon j’ai travaillé sur un court-métrage, mais comme «
petite main à tout faire ». Sinon, j’ai fait 3 stages cinéma avec Manuel Poirier
et Fulvio Bernasconi sur le jeu d’acteurs et avec Corinna Glaus et Gérard Moulévrier
sur les castings.
Quelle est la différence entre interpréter un rôle au théâtre ou au cinéma ?
C’est difficile de répondre à ça, car je n’ai pas vraiment d’expérience
dans le cinéma, donc je suis encore pleine de questions. Mais ce que je peux
dire, c’est qu’au théâtre on a un temps de répétitions relativement important
qui fait que toute l’équipe, metteur en scène, comédiens, techniciens,
scénographe, etc. se mettent au diapason pour raconter une histoire. On prend
le temps de construire un personnage, avec des balises très claires qui nous indiquent
le parcours à suivre. Il y a aussi la rencontre immédiate avec le public et le
temps des représentations. Le spectacle va pouvoir enfin résonner et du coup
l’interprétation va évoluer et avancer au fil des rencontres avec les
spectateurs. Au cinéma, le temps de répétions est court et il faut être dedans
à la seconde où on te dit : ça tourne ! J’ai la sensation que c’est comme de la
dentelle. Il faut que chaque pensée soit précise tout en gardant l’objectif
d’une scène et surtout être complètement ouvert sur ce qui se passe en face de
toi à l’instant, là, où ça se passe. J’ai trouvé aussi que c’était une gestion
particulière de l’énergie. Tu ne dois pas te laisser distraire par les facteurs
extérieurs comme l’attente, le monde sur le plateau, le fait que tu parles des
fois à un bout de cadre ou à un mur et pas à quelqu’un, que les scènes ne sont
pas tournées dans l’ordre chronologique, bref tout ça…
Mais au final, je pense que les deux mondes se croisent et
se servent. On peut puiser dans chaque domaine artistique et enrichir ainsi sa
manière d’interpréter. En fait c’est aussi pour ça que j’ai commencé à venir me
frotter un peu au cinéma. Je suis dans une phase où je recherche à avancer dans
ma manière d’aborder des textes et de les interpréter. Le cinéma, il me semble,
permet de se recentrer, de jouer vraiment de manière directe ce qui n’est pas
nécessairement le cas dans un certain style de théâtre que j’ai beaucoup fait
jusqu’à maintenant.
Quel est votre rôle dans Bonne Espérance ? Comment le
décririez-vous ?
Je joue Stéphanie qui est une éducatrice dans un foyer pour
jeunes filles en difficulté. Elle ne vit que pour le travail. Son équilibre est
mis à l’épreuve quand Tamara, une fugueuse de seize ans, est ramenée par la
police. Face à la surveillance et à la froideur de l’institution, l’adolescente
se rapproche de Stéphanie. Stéphanie est de plus en plus déstabilisée par la
recherche d’intimité de la jeune fille.
Avez-vous eu du plaisir à l’interpréter ?
Oui, énormément. C’était une expérience formidable avec une
équipe vraiment fantastique. C’est clair que j’étais pleine de doutes, mais j’ai
essayé de travailler au mieux, de chercher comment ça marchait et surtout de me
remettre dans les mains de Kaspar et de lui faire confiance. Ce qui était
chouette, c’est que j’ai senti que des choses avançaient et évoluaient au fil
du tournage. En plus, j’ai pu tourner durant une semaine non-stop. Moi qui
n’avais jamais fait ça et bien, j’ai été mise dans le bain.
Qu'avez-vous ressenti lorsque vous avez appris que Bonne Espérance
avait été sélectionné à Locarno ?
Ma première pensée a été tout de suite pour Kaspar. J’étais
heureuse, heureuse pour lui.
Oui. On va faire, avec notre compagnie, la Cie de
L’éfrangeté, une nouvelle création jeune public autour des « Contes
Abracadabrants » de Franz Hohler qui est un auteur suisse allemand. J’ai aussi un
« Pinocchio » qui mélange un quintette à vent et 3 comédiens. Un autre projet
dans un bus qui va faire une virée un peu particulière et encore une petite
friandise pour les 10 ans du CO2 de Bulle. Que des beaux projets !
Merci à Céline et Kaspar de nous avoir fait partager leur première fois. Et maintenant, il faut mettre la seconde! Bonne route!
Votre Cinécution
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