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jeudi 1 novembre 2012

GUMMO - Harmony Korine - 1997

« Gummo » : un OFNI.  Comprenez par-là, un objet filmé non-identifié. 
Sorti en 1997, le film d’Harmony Korine (à qui l’on doit le scénario de l’incroyable et controversé «  Kids » de Larry Clark) est inclassable. Il navigue entre le documentaire réaliste et  la fable surréaliste.  Totalement incohérent, hétéroclite,  il fascine pourtant dès le prologue qui fait office de générique.
Nous sommes à Xenia, une petite ville de l’Ohio,  quelques années après qu’une tornade l’ait dévastée. Caméra familiale à l’épaule, on découvre la ville : ses poteaux téléphoniques, son pont qui enjambe l’autoroute, ses habitants, ses chiens empalés, ses vaches prisonnières de fils électriques à plusieurs mètres du sol. Une voix-off nous explique comment la tornade a tout ravagé sur son passage. Puis apparaît Bunny Boy, un jeune adolescent qui traversera le film de façon aléatoire, et qui fait pipi sur à peu près tout, qui se promène à moitié nu, la clope au bec et avec de grandes oreilles de lapin rose.  Le ton est donné, rien de ce qui va suivre ne sera conventionnel, formaté.
Xenia, c’est aussi la misère, la représentation de cette classe d’américains laissés pour compte. Misère sociale et intellectuelle. Une galerie de portraits sous la forme « random ». Si vous cherchez une histoire, autant oublier tout de suite, il n’y en a pas. C’est une véritable représentation de l’ennui.



Que peut-on faire pour tromper cet ennui ? Tuer des chats et les vendre au boucher du coin pour en retirer de la colle à sniffer ? Se mettre du scotch sur les mamelons pour les rendre plus apparents sous les t-shirts ? Faire des combats contre des chaises dans une cuisine ? Prendre un bain en mangeant des spaghettis et en se faisant laver la tête par maman ? Se mettre des pains dans la figure et trouver ça chouette ? Ce sont là quelques exemples des saynètes que Korine nous donne à voir tout le long de son « Gummo ». Chronique de la vie ordinaire ? Oui, non, peut-être. Pas de véritable réponse à cette question.


Et pourtant, de ce défilé de destins ordinaires, de « marvelous persona »,  de tronches, de détritus et de gravas, se dégage de la tendresse et une certaine poésie. Une poésie proche du haïku japonais, qui par des vers triviaux et brefs,  parle de l’évanescence des choses. Une poésie crue aussi faisant repenser au film « La monstrueuse Parade  » de Tod Browning en 1932.  Des personnes aux singularités physiques, éthniques, religieuses, sexuelles ou psychologiques. Ces êtres sont présentés sans moquerie, sans jugement : la caméra de Korine nous les montre simplement évoluer (ou plutôt stagner) dans leur quotidien.



Il est très difficile de trouver des qualificatifs à ce film, mais une chose est certaine, c’est qu’il y a ici une véritable quête artistique, créatrice. Le but de la démarche ? On ne le sait pas vraiment. Ce film nous est livré brut, sans mode d’emploi. Il faudrait peut-être emprunter les mots à Gus Van Sant qui parlait de « Gummo » en ces termes : «Vénéneux dans son histoire, génial dans son interprétation et son casting, victorieux dans sa structure, rebelle par nature, honnête de cœur, inspiré... Gummo déboule sur l'écran comme une vieille aile de poulet frit». Reste que ce film est fascinant. A voir donc.

Relevons que "Gummo" a été interdit aux Etats-Unis, les Américains lui reprochant sa violence morale et psychologique, ainsi que la dénonciation de tout le système américain qui a mené à ce genre de situation , c'est-à-dire la paupérisation tant matérielle, sociale, qu'intellectuelle de toute une tranche de la population purement et simplement abandonnée par l'Etat.



Votre Cinécution

1 commentaire:

  1. Merci petit spatze pour le partage de cette découverte ! Génération Kids Inside je file le commander fissa en te remerciant.

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