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mercredi 20 mars 2019

FIFF 2019 : comme une envie de hurler

Fréquenter passionnément un festival de films, avec curiosité et ouverture d'esprit, suppose d'accepter de ressentir différentes émotions. C'est justement ce que je recherche: être amusée, choquée, bousculée, énervée, enveloppée, attendrie, émue. Cette troisième journée a été particulièrement intense. Le premier film de ma sélection a eu l'effet d'un tremblement de terre.

Je vais, avant de consacrer l'intégralité de cette chronique à A THOUSAND GIRLS LIKE ME, faire un clin d'œil aux frères Guillaume, Sam et Fred. Je les connais depuis fort longtemps. Je suis leur travail depuis l'époque du collège déjà où leurs animations vidéo faisaient régulièrement l'objet de petites séances. 12 minutes hier qui ont incarné une phrase d'Alphonse Allais: "On étouffe ici, permettez que j'ouvre une parenthèse". Une parenthèse de douceur et de tendresse bienvenue.

LE RENARD ET L'OISILLE, 12 minutes pour conter les aventures d'un renard et d'un œuf bleu. Le goupil, affamé, se retrouve par un curieux concours de circonstances, propulsé au rang de papa pour un petit oisillon bleu. Deux routes se croisent, deux univers différents. L'un les pieds ancrés au sol et l'autre attiré inexorablement vers les airs. Chacun au final trouve sa voie. Tendresse et sourire sont au rendez-vous. Les deux frères n'ont de cesse d'évoluer, de se réinventer. Les fribourgeois les connaissent bien et leur vouent une affection toute particulière. De MAX &CO à LA NUIT DE L'OURS, en passant par LE PETIT MANCHOT QUI VOULAIT UNE GLACE, nous avons tous dans le cœur un petit bout des frères Guillaume. Merci pour ces 12 minutes d'air pur.




 

Et sinon, vous dire aussi qu'il existe un film où il pleut plus que dans BLADE RUNNER! Oui, oui... THE LOOMING STORM! Un film chinois de Dong Yue. Sur fond de mutation de la société chinoise - alors je ne suis pas une experte de politique socio-économique chinoise, ne vous attendez pas à une analyse de fond - un chef de la sécurité d'une usine se retrouve mêlé à une sordide histoire de serial killer. La photographie est sublime, la tension omniprésente, le décor industriel fascinant. Quant à l'histoire... et bien pour tout vous dire, bien qu'ayant été complètement happée durant presque deux heures, je n'ai toujours pas compris qui, quand, comment et pourquoi? Hahaha! J'adore! Un film qui me laisse séduite, mais avec mille et une questions. J'aime bien. C'est un peu comme MULHOLLAND DRIVE de Lynch: tension maximale, mais personne n'y comprend rien. Cela dit, on est tout de même fasciné. Je pense que je vais me replonger dans THE LOOMING STORM à l'occasion.


Venons-en à A THOUSAND GIRLS LIKE ME. C'est le choc de ce festival. Le coup de poing dans la figure, le ventre. Il s'agit d'un des deux documentaires présentés dans la compétition internationale longs métrages, et je pense, mais ce n'est que mon avis, que ce doc va très certainement remporter plusieurs prix (jury œcuménique, prix du public).




Il s'agit de l'histoire de Khatera, jeune afghane, violée par son père, dont elle a eu plusieurs enfants, qui a osé briser la loi du silence. Après avoir été dissuadée par des dizaine de mollahs de porter plainte - la corruption du pouvoir selon eux empêcherait que justice soit rendue - elle ose finalement raconter. Elle raconte que Zainab est sa fille, mais aussi sa sœur. Que penser à la complexité des relations lui donne la migraine. Enceinte une nouvelle fois, alors que son père est en prison en attente d'un jugement, on lui refuse l'avortement. Cet enfant qu'elle porte est une preuve des actes incestueux de son père. Tout mon bas ventre hurlait de douleur.

La première fois qu'elle est tombée enceinte suite aux viols, elle a mené la grossesse à terme. L'enfant a été abandonné dans le désert. 4 autres grossesses ont suivi, avant la naissance de Zainab. Et aujourd'hui, elle attend une nouvelle fois un enfant.




Sahra Mani suit le quotidien de Khatera, de sa mère et des enfants, durant toute la procédure judiciaire. Trois ans de lutte, de pressions, de menaces de mort, Trois ans où sa parole est constamment mise en doute, malgré les dizaines de témoignages. Pour la société, c'est elle la  coupable: elle n'a pas parlé tout de suite, elle ne s'est pas débattue, n'a pas résisté.

Filmé parfois en plans ultra serrés, nous sommes dans le regard de Khatera. Un regard triste d'où émane, malgré l'horreur, une force stupéfiante. Et ce lien tenace qui la lie à sa mère, victime comme elle du même bourreau. Impuissante, ravagée sous les coups, lorsqu'elle essayait d'empêcher son mari de violer sa fille dans le lit conjugal alors qu'elle était allongée à côté.




J'ai pleuré, j'ai hurlé intérieurement. Mais comment peut-on encore supporter ça? Quel genre de société peut encore tolérer de telles choses? Alors oui, l'égalité salariale c'est important. Oui, la parité aussi. Mais franchement, tant que ce genre d'inégalités de traitements subsisteront, tant que la parole de femmes violées sera systématiquement bafouée dans certaines parties du monde, c'est à cela que l'on doit travailler en premier lieu, non? Je suis pleinement consciente que mon discours peut heurter certaines amies féministes très engagées sur l'égalité homme-femme. Mais mon combat, ma colère, ma rage, se dirigent en premier lieu vers ce genre de situations totalement inacceptables, intolérables, avant de me battre pour CHF 500.- mensuels qui me séparent des mes collègues masculins. Je suis, malgré tout ce que l'on peut constater de révoltant, une privilégiée.







Cela fait seulement 10 ans qu'en Afghanistan, une loi protège les femmes des violences qui leur sont infligées. 10 ans. Et malgré cette loi, elles doivent se battre pour ne pas être considérées comme "coupables de ne s'être pas débattues". Peut-on une fois, enfin, arrêter de se cacher derrière une religion, quelle qu'elle soit, et se battre pour le respect de l'humain, sans venir y mêler tout un tas de bondieuseries? Bon sang! J'ai envie de hurler!


ST/ 20 mars 2019

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