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lundi 16 septembre 2013

LA DANZA DE LA REALIDAD - Alejandro Jodorowsky - 2013

A l'image de certains de ses illustres collègues (Kubrick ou Malick) Jodorowsky s'est fait attendre de nombreuses années. Je ne pense pas me tromper si je dis que nous étions quelques uns à revisionner ses films, tous devenus cultes, en espérant un retour imminent. Bien que l'homme n'ait pas totalement disparu de la circulation - il a écrit des recueils de poésie, des autobiographies, des livres sur le Tarot de Marseille ou encore des scénarios de BD - l'attente fut longue. Mais quel ravissement au final!


Jodorowsky se plonge dans une vie, mais pas n'importe laquelle: la sienne. Il l'avait déjà fait en 2001 dans une autobiographie éponyme.

Quel titre mystérieux. Dans l'esprit de Jodorowsky, la réalité est mouvante. Elle déambule, se tort, fait des cercles, des pirouettes, des arabesques. La réalité n'existe qu'à travers le regard que l'on porte sur elle. Nous sommes seuls maîtres de ses couleurs et de ses formes. Elle prend l'aspect qu'on veut bien lui donner. Et Jodorowsky ne se prive pas pour mélanger événements réels et imaginaires. Ainsi, il réalise les rêves de ses parents: son père part avec l'intention d'assassiner Ibañez (président chilien arrivé au pouvoir en 1927 par un coup d'état et réélu démocratiquement en 1952) et sa mère, qui rêvait d'être chanteuse d'opéra, ne s'exprime qu'en chantant dans le film.


Jodorowsky s'attelle dans son film à montrer tout le potentiel qu'a l'être humain à se réinventer, de quelle façon, ayant subi les pires horreurs, il a cette incroyable capacité de conserver une faculté indispensable à la vie : l'imagination.



Fervent adepte du Tarot de Marseille, cependant avec une approche plus psychanalytique qu'ésotérique - ce qui peut être paradoxal si l'on pense à la Montagne sacrée - Jodorowsky truffe son film d'images de LA MORT. C'est l'arcane majeure n°13 du Tarot de Marseille. Elle est représentée par un squelette grossièrement dessiné. Elle ne signifie pas la mort au sens médical du terme, mais plutôt la renaissance. Mourir à soi pour renaître. Et c'est tout le message de ce 8ème long métrage du génial cinéaste franco-chilien.


Filmé dans le décor naturel de Tocopilla, village de son enfance, on y retrouve tous les éléments qui ont marqué l'enfance du jeune Alejandro. Les mendiants estropiés, ivres morts, à même le sol, comme des chiens. L'univers du cirque. La générosité mammaire de sa mère. L'austérité toute stalinienne de son père. Le sexe circoncis du petit Alejandro raillé par ses camarades de classe. La dureté de ce qui a été l'enfance de ce fils d'émigrés russes juifs dans un pays où la blancheur de sa peau, sa religion furent constamment sources d'exclusions.

Jodorowsky guérit de son enfance et nous assistons à son auto-psychanalyse. L'inventeur de la "psycho-magie" - que l'on pourrait rapprocher de la résilience - nous montre combien il est important de guérir par des actes symboliques les problèmes liés à l'enfance ou à la famille.


 Malgré quelques images qui pourraient choquer le bourgeois - Jodorowsky reste un empêcheur de tourner en rond - le film est très pudique et sa portée est universelle. Jodorowsky nous invite à accepter nos chagrins, nos douleurs, car eux seuls nous mènent à ce que nous sommes aujourd'hui : des êtres en reconstruction perpétuelle. Le cinéaste, qui toute sa vie durant s'est battu contre le cinéma commercial qui fait que "les idiots entrent dans les salles idiots et en ressortent idiots, tandis que les personnes intelligentes en ressortent vides"  démontre par A plus B à quel point son absence pesait dans l'univers cinématographique et à quel point le cinéma n'est pas qu'un seul divertissement, mais véritablement une source de réflexion.

Ce film est un chef-d'œuvre de plus à ajouter à la liste, trop courte, des longs métrages du maître. Souhaitons que ce soit là sa RENAISSANCE.



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